Situation cocasse que celle dun juge qui se retire de la salle sans lever la séance ! Ce fut à lannonce, une énième fois, du report du procès de Nadia Yassine. Détails. w Finances News Hebdo : Depuis juin 2005, vous êtes poursuivie pour atteinte aux institutions sacrées et le procès ne cesse dêtre reporté. Quels sont les motifs avancés pour justifier ce report permanent? w Nadia Yassine : Tout dabord, il ny a aucune justification officielle parce que le domaine de la Justice, comme tous les autres dailleurs, sont des domaines de souveraineté. Le juge na même pas pris la peine de lever officiellement la séance. Il sest tout simplement enfui de la salle du tribunal. Ça avait soulevé un tollé dans la salle de la part des avocats qui ont pu échapper au filtre des autorités mais qui se comptaient quand même par dizaines. Les excuses officielles du report ont ensuite été évoquées, sur un registre de parcours techniques, comme une convocation non reçue par un des accusés en mains propres, ou leur absence. w F.N.H. : Pensez-vous que ce genre de procès vise à vous museler et vous dissuader de faire des sorties médiatiques? w N. Y. : Mon procès était un cafouillage par excellence dû certainement à un excès de zèle puisque toutes les parties politiques au Maroc sont apparemment devenues plus royalistes que le Roi. La terreur hassanienne a été remplacée par les procès à la chaîne pour la moindre broutille. Cest en fait lindice dune grande fragilité du pouvoir parce que, plus celui-ci est démocratique, plus il accepte la diversité dopinions. Louverture nest pas facile à gérer lorsque de trop lourdes traditions makhzeniennes veulent absolument sauvegarder celle de la fameuse «hiba» ou crainte révérencielle. Il faut cependant noter que, même dans le cafouillage, il y a des procès inégaux. Si on évite la prison aux journalistes, on nhésite pas à coller des peines aux pauvres hères qui ont commis pour seul délit le fait de samuser sur le Net ou sur les murs ! La grâce royale donnera la belle jambe au pouvoir central dans la logique populiste, mais cela nempêche pas de saper la crédibilité dun véritable processus démocratique. Mon procès, quant à moi, semble être une patate trop chaude pour des raisons qui peuvent être motivées par plusieurs facteurs. Est-ce le contexte international qui voulait un Grand Moyen-Orient démocratique qui a été le facteur déterminant dans ce repli ? Ou bien serait-ce un reste de subtilité chez certains conseillers, sachant par expérience, que le martyre est un des plus beaux cadeaux quon puisse faire à ses adversaires, notamment en terre dIslam ? Va savoir !!! w F.N.H. : Dans le même ordre didées, pensez-vous que ce procès est un moyen de faire pression sur vous ? w N. Y. : Probablement ! Un procès dans un pays de non-droit, ou de droit élitiste, ne peut être quune épée de Damoclès. Le fait est quil faut plus quun procès pour mempêcher de mener ce que je considère comme le Jihad actuel : lever le tabou du silence face à toute injustice, surtout celles faites au nom de LIslam. Jai le devoir sacré de ne pas me taire.