* Un an, jour pour jour, depuis que lactuel gouvernement est en place : loccasion de donner la parole aux opérateurs économiques, économistes et fiscalistes pour faire le bilan. * Planification, écoute sont parmi les points forts de ce gouvernement. * Par contre, lenteur, manque de concrétisation et de synchronisation sont les graves défauts que beaucoup lui reprochent ! Voilà quelques jours que le gouvernement dAbbas El Fassi a établi son bilan dun an dexercice. Une année sanctionnée par le lancement de plusieurs plans daction dans différents secteurs, notamment lagriculture, lénergie, la pêche, les infrastructures, lenseignement A priori, le bilan paraît satisfaisant et plein de promesses, mais encore faut-il reconnaître quun bon nombre de chantiers avaient démarré sous le règne de léquipe de D. Jettou. Pour évaluer limportance des actions déployées par la nouvelle équipe, la parole a été donnée à un nombre important dacteurs économiques. Anonymement certes, mais le leitmotiv est davoir un avis franc et sincère ! Un manque de cohérence flagrant ! Il fut important de revenir sur le fond de la chose et de commencer par évaluer la composition même de cette équipe gouvernementale. Lavis dun militant politique faisant partie de la majorité est sans appel : «Je pense que si lon prend chaque ministre de manière individuelle, on peut prétendre, quindividuellement, chacun a du talent, mais dans lensemble, le gouvernement actuel ne constitue pas une équipe cohérente. Il sagit dun gouvernement décousu qui na pas de canaux de communication efficaces entre les différents départements. À titre dexemple : comment expliquer que deux ou trois ministères commandent la même étude auprès de cabinets et bureaux détude et quils paient de manière individuelle ce même bureau. Si les ministres communiquaient entre eux comme il se doit, ils auraient pu éviter de pareilles erreurs», explique-t-il. Le deuxième effet quil constate est le manque darbitrage et doutils de contrôle. Ainsi, lune des caractéristiques de ce gouvernement serait la course aux plans. «Jusque-là, tout va bien, mais après la présentation de ces plans, on constate un manque flagrant de concrétisation. Ainsi, certains plans ne disposent pas déchéanciers ou dindicateurs de réussite pour mesurer concrètement leur état davancement. Ce qui est en soi décourageant ! Assurément, le temps presse et la machine tourne à vive allure. On ne peut plus attendre dix ans pour pouvoir évaluer si un plan marche ou pas. Et pour prétendre par la suite quil faut changer de plan ou de stratégie. Nous avons encore frais dans nos mémoires léchec de la mise à niveau du tissu productif national. Nous avons attendu jusquà la veille de lentrée en vigueur de certains accords de partenariat pour avouer quil était urgent de rectifier le tir». Une chose est malheureusement sûre : la réactivité demeure quasi-absente chez nous. «On palpe labsence de travail transversal dans les zones dinterférence entre différents départements ministériels, au lieu dune concertation pouvant mener à bien les chantiers démarrés», poursuit ce politicien qui préconise que le gouvernement doit fonctionner comme une entreprise où chacun est obligé de rendre des comptes. Et dans le cas où les obligations ne sont pas respectées, il faut que des gens «sautent» ! Mais cela nempêche pas de dire que le rythme de travail des ministres nest pas le même. Il y a ceux collés à la réalité du terrain et qui mettent la main à la pâte, et ceux qui se perdent dans la théorie. Les opérateurs économiques dans lexpectative Même son de cloche auprès dun opérateur économique dans le secteur de lOffshoring. Si le gouvernement planifie, il ne passe pas rapidement à létape de concrétisation. «On dirait que la machine nest pas huilée puisque toute décision prend un temps monstrueux avant dêtre concrétisée. Ce qui est très dangereux. Nous sommes un pays émergent et nous subissons une rude concurrence. Au moment où nos concurrents prennent leur décision dans la minute qui suit, nous, Marocains, devons attendre des mois pour décider, ce qui nous fait perdre des marchés. Nous ne pourrons pas continuer comme ça», annonce-t-il avec amertume. En effet, sil existe une continuité dans le travail des grands chantiers entre ce gouvernement et son prédécesseur, pour beaucoup dopérateurs économiques la réalisation en demeure très lente. Pour ne prendre que le cas du Plan Emergence, un travail colossal a été fait pour mettre en place des projets dans les secteurs vitaux de notre économie, mais un essoufflement commence à se faire sentir actuellement. «Et il nest pas impossible que nous soyons pris de court par des pays concurrents comme la Turquie, la Tunisie ou lEgypte qui tablent eux aussi sur ces mêmes secteurs. Si rien nest fait dans de brefs délais, nous perdrons certainement la course, car nos clients naiment pas attendre !», se plaint ce même opérateur. La situation est en effet fort inconfortable pour certains opérateurs qui travaillent essentiellement avec des clients étrangers. En cette année dexercice, le gouvernement a dû faire face à lune des plus difficiles crises économiques de cette décennie. Si certains prétendent que lactuel gouvernement a su gérer avec brio la crise financière internationale, daucuns pensent que cette débâcle financière, certes mondiale, a littéralement épuisé léconomie marocaine et que les choses vont se corser pour nous car leffet de cette «bonne santé» va sestomper avec le temps. «Tout est rattrapable, mais il faut se retrousser les manches. Il faut établir des priorités», souligne un important opérateur dans le textile. Pour un autre observateur, si le gouvernement actuel a su tirer son épingle du jeu, cela ne veut pas dire pour autant quil a réussi à gérer la crise : «Il a plus géré les effets de la crise que sa causalité. Le gouvernement ne fait que jongler avec les fonds. Il sagit bel et bien dune gestion au jour le jour. On ne dispose pas dune vision claire pour se mettre à labri dune éventuelle crise ! Et pour cause, chacun joue sa partition de son côté sans que nous puissions accorder nos violons. Je dirais même que nous sommes en pleine cacophonie et manquons terriblement de vision court-termiste. Lidée que je préconise est de rassembler tous ces plans, de les synthétiser et de prendre des décisions rapides pour les exécuter». Les avis sont pratiquement unanimes quant à limportance davoir une stratégie de rupture sur certains points, mais pour cela il faut que le chef du gouvernement soit plus tranchant au lieu de perdre du temps dans des débats inutiles. «Je prends lexemple du terminal gazier pris en otage entre lOCP et lONE. Il faut quelquun ayant un poids politique important pour pouvoir trancher, sinon nous sommes bien partis pour encore deux ou trois ans avant de concrétiser ce projet. Sur la question de lefficacité énergétique, tout est bon à pendre pourvu que les choses se traduisent en actions sur le terrain. Et pour combler le tout, le Maroc pouvait profiter de la crise au moment où le Dollar sétait déprécié pour saisir des opportunités. Malheureusement, le Maroc est resté téléspectateur! », se plaint le président dun groupe pétrolier. Au niveau du patronat, lappréciation du gouvernement est plutôt favorable. «Léquipe est très attentive à nos sollicitations. Ainsi, nous disposons dun vrai canal de communication avec le gouvernement. Nous avons respecté nos engagements et rendons à César ce qui appartient à César. Quand nous avions des réponses négatives à une revendication, nous nous sommes rendu compte quà 80 % le gouvernement avait eu raison dans sa décision», assure un membre de la CGEM. Toujours est-il qu«il ne suffit pas uniquement de prendre des décisions, mais il faut également que le gouvernement nous soutienne pour les mettre à exécution». Seul bémol, le retard. Voilà quelque temps que le livre blanc a été élaboré par le patronat mais jusquà présent, il na reçu aucune réponse complète sur ce point, mais plutôt des bribes de réponses. Lexception marocaine commence à tourner court ! Selon un économiste marocain, larrogance marocaine devient fatigante. «On se perd dans la philosophie et lon oublie la pratique. La tare du gouvernement est quil essaye dancrer lidée que son prédécesseur est incomplet et son successeur un intrigant. Ce nest pas très malin, parce que sil faut rompre avec le passé, il ne faut pas non plus balayer du revers dune main les choses qui marchent. Notre pire défaut est que nous nous considérons comme un pays développé que nous ne sommes pas réellement. Le Maroc ne doit pas perdre de vue cette réalité. Il est aussi pertinent que le Maroc ne se compare pas à des pays comme la France. Si la France a besoin de six mois pour mettre en uvre une action économique, nous, nous devons le faire en six jours», propose-t-il. Malheureusement, le Maroc continue de croire que «le temps guérit la chose». Ce nest plus vrai ! Le temps ne joue pas en notre faveur et nous avons des points de retard à rattraper. Il nous faut juste un peu dagressivité pour y parvenir. Cest là le vu pieux formulé par les personnes contactées. Le volet fiscal néchappe pas à cette tendance. En effet, si le gouvernement peut se féliciter de la baisse de deux points de lIR, pour ce fiscaliste marocain, ce nest guère assez pour encourager le recrutement des cadres. Idem pour lIS. Si le taux passait du double au simple, cest-à-dire de 30 % à la moitié, le gouvernement gagnerait la différence, parce que sur les 90 % des entreprises qui ne payent pas leurs impôts, beaucoup seraient encouragées à rejoindre le clan des payeurs. Ce qui entraînerait de facto un élargissement de lassiette fiscale. «Sans cette audace politique, beaucoup dentreprises continueront à travailler dans la clandestinité. Ce qui, en soi, arrange les affaires de ceux qui sen mettent plein les poches à toucher des pots-de-vin », affirme ce fiscaliste. Et pourtant, il suffit de prendre ce genre de décisions bénignes pour provoquer une révolution culturelle au Maroc. A bon entendeur !