Quand il retrouve ses potes, leur seul sujet de discussion actuel tourne autour du Ramadan qui approche. Hafid attend ce mois béni avec beaucoup dappréhension. Fraîchement marié, ce sera en effet la première fois quil passera le Ramadan en dehors du cercle familial. Cette fois-ci, il sera seul aux commandes, sous son propre toit, avec sa bien aimée. Loin des attentions de sa mère. Loin des bonnes odeurs qui embaument la maison lorsque sa maman sattèle à la cuisine. Mais il a foi en son épouse, quand bien même il se dit davance quelle ne pourrait préparer daussi bons mets que sa maman chérie. Néanmoins, ce nest pas ce qui linquiète le plus. Ce qui le rend anxieux, ce sont toutes ces privations qui sous-tendent le Ramadan. Rien quà penser quil devra se priver de nourriture durant toute une journée le rend nerveux. Il supporte très mal la faim : il sénerve vite, devient très coléreux, parle très peu et paresse beaucoup. Lannée dernière, pratiquement à la même période, il a manqué de se faire renvoyer de son boulot à cause de ses nombreuses absences, ses retards répétés et de plusieurs altercations avec ses collègues. Il dut son salut au seul fait quil est le cousin du grand patron. Il le reconnaît lui-même : il devient insupportable tant quil na pas rompu le jeûne. Mais ce nest pas seulement la faim qui le rend irritable : gros fumeur, tout son corps réclame sa dose de nicotine. Et puis Hafid a certaines habitudes auxquelles il tient comme à la prunelle de ses yeux, notamment les virées nocturnes avec ses potes dans les pubs et boîtes branchés de Casablanca et, surtout, son joint (bien fourni) quotidien quil savoure chaque soir avant de se mettre au lit. Il réussit pourtant à se priver de tout cela, non sans difficulté. Hafid nen reste pas moins un type très organisé. Même si la période estivale a quelque peu entamé ses réserves, il garde néanmoins suffisamment dargent pour faire face aux frais inhérents au Ramadan. Lui qui a lhabitude davoir une table bien garnie au ftour ne veut pas rompre avec ce rituel familial. Cela lui plaît de voir tous ces mets remplir la table, même si moins de la moitié est consommée. Aussi, ne sest-il privé de rien. Pendant deux week-ends, il a écumé les souks et hypermarchés de la ville pour faire ses emplettes. Il a pensé à tout : vaisselle, produits alimentaires, et même un pack de bières. Non pas quil boive durant cette période, mais juste pour avoir de quoi se désaltérer les trois premiers jours post-Ramadan où les débits de boissons restent encore fermés. Maintenant, il est fin prêt. Il consacrera les quelques jours qui restent avant le début du Ramadan à se préparer psychologiquement. p (à suivre)