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«L’équilibre se fera aux dépens de la croissance»
Publié dans Finances news le 22 - 05 - 2008

* Le gouvernement devrait grignoter le budget d’investissement pour colmater les brèches.
* La méthode de calcul de l’inflation doit être révisée pour refléter la réalité.
* Les explications de Driss Benali, économiste.
Finances News Hebdo : Quel est l’impact d’une conjoncture défavorable sur les équilibres macroéconomiques ?
Driss Benali : Le Maroc traverse d’énormes difficultés. Ça c’est un fait. La balance des paiements est maintenue grâce à l’apport des immigrés et du tourisme. Alors que la balance commerciale est en perte de vitesse, seulement 47% des importations sont couverts par les exportations marocaines. Pour ce qui est du déficit budgétaire, les tendances deviennent de plus en plus difficiles, le prix du brut progresse de record en record. Le Maroc importe la quasi-totalité de ses besoins de l’étranger. La facture alimentaire devient aussi de plus en plus chère.
Ces deux paramètres pèsent lourdement sur l’économie nationale. L’équilibre budgétaire ne peut être maintenu indéfiniment. L’Etat fait beaucoup d’efforts à la recherche de niches fiscales pour améliorer sa situation financière. Mais ce qui est inquiétant c’est que les dépenses progressent plus rapidement que les recettes. Les ressources budgétaires du pays sont limitées et ne peuvent assurer l’équilibre indéfiniment.
L’Etat vit au-dessus de ses moyens. Dans les périodes de vaches maigres, l’Etat va se rabattre sur la fiscalité, combattre l’informel et rechercher des niches.
F. N. H. : Le gouvernement a assuré que l’équilibre budgétaire sera maintenu, mais à quel prix, surtout si l’on tient compte du financement des engagements pour le dialogue social et la hausse du budget de la compensation ?
D. B. : Si le gouvernement veut maintenir l’équilibre, il le fera aux dépens de certains postes budgétaires comme l’investissement, c’est-à-dire qu’on va sacrifier la croissance à un moment pour faire face à la conjoncture. Le gouvernement dans ce cas ne peut assurer un taux de croissance de 6,4% et maintenir l’équilibre. Les 30 milliards de DH d’investissement ne seront pas respectés. Une partie servira à colmater les brèches. La conjoncture est déprimante, elle a commencé par les Etats-Unis, la récession commence à se propager au reste du monde. Le gouvernement devrait réviser le taux de croissance à la baisse.
F. N. H. : Pourquoi le niveau de l’inflation déclaré ne reflète-t-il pas la réalité ?
D. B. : C’est la méthode de calcul qu’il faut réviser. Le nombre d’articles ou de produits de consommation doit être largement revu à la hausse pour refléter la réalité.
L’ICV doit assurer aussi une large couverture du territoire national. Le HCP fait ce genre de calcul et fournit les indicateurs et les statistiques au ministère des Finances, car ce département n’est pas doté d’une direction de la comptabilité nationale. La direction de la prévision et la Banque mondiale utilisent les statistiques du HCP. Là où il y a divergence, c’est au niveau de la méthode de calcul ou la méthode d’interprétation.
F. N. H. : Quel serait alors l’effet de l’inflation importée sur le niveau des prix à la consommation ?
D. B. : Le coût du pétrole fait partie de toutes les charges. Il a un impact majeur sur les structures et a des répercussions économiques. L’importation des produits agricoles de base comme les céréales ou les oléagineux dont les coûts progressent constamment, contribue, elle aussi, à tirer l’inflation vers le haut. L’inflation touche aussi les produits d’équipement qui sont importés essentiellement d’Europe à un prix fort si l’on tient compte du niveau atteint par l’Euro. La Caisse de compensation ne peut tout amortir. Une partie sera répercutée sur le consommateur.
F. N. H. : Est-ce que le taux de croissance, adoptée par la Loi de Finances 2008, est réaliste et réalisable dans les conditions actuelles de l’économie ?
D. B. : Le taux de croissance de 6,4% est impossible à réaliser car il a été basé sur trois hypothèses qui ont été contrées par la conjoncture. A savoir une récolte de 60 millions de quintaux le ministère de l’Agriculture table sur 50 millions seulement. La deuxième hypothèse concerne le prix du brut à 75 dollars le baril. Il flirte actuellement avec les 130 dollars. Et tout laisse croire que la tendance à la hausse va se poursuivre. Au niveau du tourisme, le secteur est impacté par la crise. Le Maroc a perdu quelques places dans le classement mondial des destinations touristiques.


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