* Le contrôle des dépenses publiques ne peut donner les résultats escomptés sans lévaluation de laffectation des ressources. * La croissance des dépenses dinvestissement nest que le rattrapage des retards accusés au cours des années précédentes. Finances News Hebdo : Plusieurs dépenses de lEtat sont sévèrement critiquées comme le cas de la compensation. Nest-il pas temps de se tourner vers un code de gestion plus efficace et plus rentable ? Driss Benali : La Caisse de compensation est un outil pour assurer la paix sociale. Il permet de limiter leffet de linflation importée, surtout de certains éléments stratégiques comme le pétrole ou le blé. La Caisse de compensation est un facteur difficilement maîtrisable par lEtat. Le Maroc nest pas un pays qui dispose dune rente du genre pays pétroliers. F.N.H. : Mais le dernier rapport de la Cour des comptes na-t-il pas décelé des dysfonctionnements dans le système de compensation ? D. B. : La gestion des choses publiques est un fait, le Maroc souffre de lopacité de certains comptes. Il ny a pas que le contrôle qui compte mais aussi les évaluations des comptes qui sont les plus importantes. Il faut savoir quelle est lefficacité des dépenses, cest plus important que le contrôle. Le rôle de la Cour des comptes sarrête au contrôle. Le Maroc risque daffecter une partie de ses ressources à colmater les brèches au détriment de linvestissement. F.N.H. : Mais le Maroc souffre toujours dun service public coûteux et de qualité réduite D. B. : Lévaluation montre que lefficacité est faible par rapport au coût : nous avons un service public qui coûte cher mais qui est peu rentable. Il y a surtout un problème de gouvernance. Cest cette défaillance quon trouve à lorigine de tous les maux du service public. Il faut faire preuve dune grande ingéniosité managériale pour affecter dune manière optimale les ressources. Des ressources limitées ajoutées à une mauvaise gestion donnent lieu à un coût extrêmement élevé. F.N.H. : Il y a des secteurs très budgétivores avec un rendement limité ; est-ce que lEtat peut faire des réductions ou du moins procéder à un redéploiement des ressources vers dautres objectifs ? D. B. : Le dernier rapport de la Banque mondiale sur lenseignement est révélateur à plus dun titre. Le Maroc consacre énormément de ressources à lEducation nationale avec des résultats quon pourrait qualifier de lamentables. Il ne sagit pas simplement de dépenser de largent, mais surtout de dépenser intelligemment. Depuis quon parle de la réforme du secteur, plusieurs programmes de réformes ont été menés et se sont soldés par des échecs cuisants. Notre système éducatif ne forme pas des gens capables de se positionner sur le marché du travail. On forme des diplômés, pas des personnes qualifiées. Ces gens ont des diplômes mais pas de qualifications. Jai cité le secteur de lenseignement car il est typique. Il traduit parfaitement létat du service public. Pour la santé, par exemple, le secteur est miné par la corruption dautant plus quon a un niveau de population pauvre élevé et qui nécessite une couverture sanitaire publique. Pour les autres secteurs budgétivores, on peut citer la Défense nationale ou lIntérieur. Vu la situation du pays, le Maroc a besoin dune armée forte et dune administration territoriale à la hauteur pour faire face aux risques et menaces qui pèsent sur le pays. Il y a dailleurs une unanimité entre toutes les instances de lEtat, la société civile et les citoyens sur la question. F.N.H. : Mais larmée ou la sûreté nationale, ce nest pas uniquement lenjeu du volet souveraineté ou sécuritaire car il y a aussi des marchés publics et des dépenses qui doivent être bien affectées ? D. B. : Oui cest vrai, ce sont deux administrations qui sont dotées de budgets colossaux Elles ont aussi des marchés publics ; elles font des appels doffres. Mais je reviens sur la question de la gouvernance ; la bonne gouvernance est conditionnée par la transparence et par certains critères bien définis, surtout la logique des résultats, des objectifs et du contrôle. F.N.H. : Parmi les dépenses, il y a celles relatives à la dette. Est-ce que vous pensez que le gouvernement a maîtrisé la gestion de ce volet ? D. B. : Au niveau de la dette extérieure, je pense que oui. Cet effort a commencé avec Mohamed Berrada et a continué avec Oualalou qui a réalisé de bons résultats. On a eu recours aux recettes des privatisations et parfois à la bonne conjoncture pour absorber leffet de la dette extérieure. Pour la dette intérieure, la vision est tout autre. Le Trésor, quand il a besoin de ressources, lance des emprunts. Le marché est fortement dominé par les banques qui ont un excédent de liquidité. Cet endettement de lEtat se fait au détriment de linvestissement. Cest ce quon appelle leffet déviction. Cet argent sera affecté en grande partie aux fonctionnements mais pas nécessairement à linvestissement. F.N.H. : Une croissance des recettes fiscales à deux chiffres et une maîtrise des dépenses. Peut-on espérer un excédent budgétaire ou du moins arriver à la situation déquilibre ? D. B. : Lexcédent, je ne pense pas mais léquilibre, cest réalisable. Tous les indicateurs qui existent laissent penser quon tend vers cet équilibre. Le problème majeur cest daccroître lassiette de limpôt. Or, lassiette est gênée par la structure de léconomie marocaine, surtout linformel et les PME. Le gouvernement a traqué quelques pistes mais cela reste limité. Cette année, la part des privatisations dans le Budget na pas dépassé les 2%. Ça veut dire quon tend vers une situation budgétaire normale. F.N.H. : Pourtant, les dépenses dinvestissement ont sensiblement augmenté ces dernières années D. B. : Oui, la part de linvestissement est remontée à 30% et cest excellent. Mais il ne faut pas oublier que ce nest quun rattrapage du retard des années précédentes où le taux dinvestissement était décevant. Ce sont des arriérés accumulés qui ont gonflé ce Budget.