* Le FMI, dans son dernier rapport, stipule que léconomie du Maroc est plus diversifiée, ses finances publiques plus solides et le secteur financier sain, plaçant le pays en position favorable pour poursuivre ses progrès en dépit dune conjoncture économique et financière mondiale défavorable. * Avec une croissance qui devrait rester forte et une position extérieure solide, les perspectives sont encourageantes. * La balance des risques est cependant globalement orientée à la baisse. * Linflation pourrait être supérieure aux projections, principalement sous leffet de linflation importée. Finances News Hebdo : Dans son dernier rapport, le FM I annonce que léconomie marocaine est suffisamment diversifiée pour relever les défis. Est-ce que vous pensez que les taux de croissance affichés au cours des dernières années permettront à léconomie marocaine de continuer à faire face aux incertitudes liées à linternational ? Jawad Kerdoudi : Les taux de croissance de léconomie marocaine pendant la période 2000-2008 sont en dents de scie et ont varié dun minimum de 1,9% en 2000 à 7,8% en 2006. Cette variation est due en grande partie aux aléas climatiques. En effet, le taux de croissance hors agriculture est plus constant et a varié pendant la même période de 3% en 2002 à 6,6% en 2007. Lidéal pour le Maroc serait un taux de croissance constant de 6%, qui seul peut être à même de faire face aux défis intérieurs, dont le chômage, et aux incertitudes liées à linternational. Pour cela, il faudrait une véritable réforme du secteur de lagriculture et un accroissement notable des investissements dans le secteur industriel. F. N. H. : Est-ce que vous pensez que le contexte actuel prête à une réduction des subventions pour une amélioration de linvestissement comme le stipule le rapport du FMI, sachant que le pouvoir dachat ne cesse de séroder ? J. K. : La compensation, comme vous le savez, sapplique aux produits pétroliers et alimentaires. De 2,5% du PIB en 2007, elle va atteindre le taux de 5% du PIB en 2008, ce qui est très élevé et handicape les investissements publics. Aussi, suis-je favorable à la réduction de la subvention. Dailleurs, le gouvernement sest fixé un objectif de 3% du PIB en 2009, et travaille à une révision de la compensation pour la réduire et la cibler davantage. Certes, la subvention permet daugmenter le pouvoir dachat du consommateur et de maîtriser linflation, mais elle a également un effet pervers, dans la mesure où elle séloigne de la vérité des prix, et nencourage pas la baisse de la consommation. Des études ont montré que laugmentation des prix des produits pétroliers en Europe en a fait baisser la consommation. F. N. H. : Jusquà présent, les turbulences des marchés mondiaux de crédit nont pas eu dimpact direct sur le Maroc. A votre avis, jusquà quand durera cette situation ? J. K. : Le marché marocain des capitaux nest pas intégré au marché mondial des capitaux, notamment par la réglementation des changes, qui interdit les investissements en capital à létranger, arguant que les perturbations des marchés de capitaux mondiaux nont que peu deffet sur notre marché. Ceci dautant plus que les banques marocaines sont très prudentes lors de loctroi de crédits, et ne se refinancent que très peu à létranger. Cela nempêche pas les autorités monétaires de notre pays, notamment bank Al-Maghreb, dêtre très vigilantes. En effet, les crédits à léconomie ont augmenté de 60% davril 2006 à avril 2008, avec une expansion très forte des crédits accordés au secteur immobilier. Cest dans ce cadre que la banque centrale envisage de porter le ratio des fonds propres de 8% à 22% dici la fin de lannée 2009. F. N. H. : Au cours des dernières années, le déficit commercial na cessé de se creuser. Comment, daprès-vous, le Maroc pourrait-il remédier à cette situation ? J. K. : Le déficit commercial est le point noir de notre économie. Les importations connaissent une expansion considérable, du fait des besoins de croissance de notre économie et de laugmentation des prix des produits pétroliers et alimentaires. A linverse, nos exportations stagnent et narrivent à couvrir que 50% de nos importations. Certes, les recettes du tourisme et les transferts des résidents marocains à létranger permettaient déquilibrer la balance des paiements jusquen 2006. Mais en 2007 et 2008, la balance des paiements est devenue déficitaire. Pour remédier à cette situation, il faudrait concevoir et mettre en place une véritable politique du commerce extérieur, basée sur lamélioration de la compétitivité de léconomie marocaine, lélargissement des produits exportables et des marchés dexportations, et la dynamisation de la promotion de nos produits à létranger. F. N. H. : Quelle est votre propre appréciation du rapport du FMI ? J. K. : Je pense que le rapport du FMI est à la fois sérieux et objectif. Il met en relief les éléments positifs de notre économie : économie plus diversifiée, finances publiques solides, secteur financier sain, taux de croissance encourageants. Il souligne aussi les risques : augmentation de linflation, nécessité de réviser le système des subventions, de réduire lendettement, dêtre vigilant sur lexpansion des crédits, notamment immobiliers, de libéraliser davantage le régime de change. Il insiste surtout sur la poursuite des réformes structurelles qui doivent concerner en priorité lagriculture, lénergie et léducation.