* Voulant mettre un terme au régime dérogatoire ayant atteint 23,6 Mds de DH, lAdministration des Impôts fiscalise à tour de bras. * A la veille de ladoption du projet de Loi de Finances, les tractations sintensifient et les secteurs concernés menacent dune éventuelle hausse des prix. Les exercices passent et on ne saurait trouver de meilleur qualificatif à la taxe sur la valeur ajoutée, en abréviation TVA, nettement mieux que «Tout Va Augmenter». Cette taxe, à la différence des autres impôts, est un peu caractérielle. Elle lest dans la mesure où elle est déclarative et que cest le redevable qui fait la déclaration de son chiffre daffaires, collecte limpôt et le paie au Trésor. Elle est aussi unique en ce sens quelle ne grève quune seule fois la valeur finale du produit, et ce quel que soit le nombre dagents économiques ayant contribué à la formation de sa valeur .Mais elle est aussi territoriale parce quelle frappe les produits consommés au Maroc. Ce sont ces spécificités qui rendent la TVA sensible, pour ne pas dire source de confusions. A loccasion de chaque Loi de Finances, les opérateurs toutes catégories confondues ont les yeux braqués sur cet impôt. Les assujettis aspirent à un abattement et les exonérés croisent les doigts en souhaitant une prolongation, du type «pourvu que ça continue !». Mais ce nest pas le Directeur général des Impôts qui ferme pour autant les yeux. A loccasion de chaque Loi de Finances, Noureddine Bensouda clame haut et fort que les secteurs ayant bénéficié de lexonération doivent passer le relais aux autres imposés. Il explique aussi que le système fiscal actuel est progressif, moderne et équitable. Vrai ou faux ? La situation telle quelle prévaut actuellement naugure pas en faveur dune réelle équité. Le consommateur final : première victime «Au Maroc, au moment où un secteur exonéré commence à prendre de laile, on pense à sa fiscalisation», ne cesse de répéter un fiscaliste chaque fois quon le sollicite. Il faut sassurer dabord que le secteur réalise ses prévisions conformément aux objectifs escomptés pour penser à son assujettissement. Nombreux sont les experts qui parlent le même langage, à savoir : le législateur ne pense quà remplir les caisses et quil serait plutôt souhaitable de penser à un redéploiement des avantages fiscaux. Le cas de la zone industrielle de Tanger est un exemple concret. Ce nest un secret pour personne que lactivité économique à Tanger était quasiment morte et quaujourdhui la ville commence à renaître de ses cendres : mais les industriels de la zone vont désormais sasseoir sur le banc des assujettis, jallais dire des accusés parce quaujourdhui lAdministration fiscale les accuse de récolter les fruits dune nouvelle plate-forme encore au stade de projet. «Je trouve complètement absurde le fait de mettre un terme aux avantages fiscaux dont jouissaient auparavant les industriels opérant dans la zone industrielle de Tanger», avoue un chef dentreprise implantée dans la zone industrielle. «Nous avons engagé 100 MDH sur lannée 2005-2006 pour laugmentation de notre capacité de production, mais cétait sur la base de ces avantages fiscaux et donc ce nest pas normal, aujourdhui, que les choses commencent à bouger que lAdministration passe au bâton», sinquiète-t-il avec force. «Dans ce cas de figure, nos tarifs vont être révisés à la hausse, ce qui va certainement grever notre compétitivité et ce nest pas ce qui manque parce que nous subissons de plein fouet les effets de la contrebande», sempresse-t-il dajouter. Et ce ne sont pas les loueurs qui diront le contraire. Ces derniers, suite à une réunion tenue récemment à lAPSF, avaient adressé un courrier au Directeur des Impôts. Selon leurs propos, lalignement du taux de TVA collectée sur celui de la TVA versée ne semble nullement arranger les choses. Et pour cause, le décalage dans le temps entre la TVA versée et celle collectée qui se traduit immanquablement par un crédit de TVA structurel. Or, nous savons tous que le Trésor ne rembourse jamais et que cest un mécanisme de report qui est mis à lépreuve. Les loueurs auront de cette manière de sérieux problèmes de trésorerie. A cet égard, ils risquent de pénaliser les particuliers par un surenchérissement des loyers versés à partir du 1er janvier 2008. Les effets dentraînement du crédit-bail sont palpables à plusieurs niveaux, mais la logique de N. Bensouda veut que les caisses du Trésor se remplissent. Les promoteurs immobiliers sont également sur le pied de guerre avec le Fisc. Larticle 19 quils ont tant défendu est très décevant dans sa nouvelle mouture. Les promoteurs seront amenés à saligner sur les taux normaux de lIS pour ne plus bénéficier des exonérations autrefois accordées. Ils paieront 15% en 2008 et 30% en 2009. Les promoteurs passent à la menace et laissent entendre que si les avantages fiscaux ne suivent pas, les prix seront libres et le prix du logement social ne sera plus abordable pour la cible. Textile-habillement : dans la ligne de mire du Fisc Un autre secteur et pas des moindres est également dans le viseur du Fisc : il sagit du textile. Il y a à peine quelques années, et particulièrement suite au démantèlement de laccord multifibres, le Maroc a vu seffriter ses parts de marché au détriment de concurrents asiatiques. Face à cette situation, les pouvoirs publics étaient désemparés, craignant une succession de faillites dans un secteur gros employeur et grand générateur de richesses. Aujourdhui que les pronostics vont bon train pour le secteur, le Fisc veut mettre fin à la carotte. Quest-ce qui a changé depuis ? A noter que cette décision a été prise de manière arbitraire sans concertation avec les représentants des entreprises exportatrices qui sont en mesure de proposer des moyens efficaces pour contrecarrer les agissements frauduleux de certains opérateurs, à lorigine de cette imposition. Dispositions Sont exonérés de la TVA avec bénéfice du droit à déduction (article 94 du livre de lAssiette et de Recouvrement) : les marchandises ou objets placés sous les régimes suspensifs en douane ainsi que les produits livrés et les prestations rendues à lexportation. Le bénéfice de cette exonération est subordonné à la condition quil soit justifié de lexportation (note circulaire n° 305 du 24 mars 1986 de la Direction des Impôts), soit par lapurement du compte en douane concerné par lexportation des produits et des services, soit en indiquant sur les factures le régime douanier sous lequel les opérations ont été réalisées. Pour les textiliens, les achats locaux constitués principalement de fils, tissus, accessoires et services présentent, par rapport aux importations, lavantage de flexibilité, de proximité et de rapidité dexécution, ce qui leur permet de répondre à la contrainte «temps» face aux importations. «Cet avantage a été bafoué lorsquau début de lannée 2007, les entreprises exportatrices ont été confrontées au refus de loctroi des attestations dexonération de la TVA sur les intrants achetés localement au motif de découverte de fraudes par lAdministration fiscale», annonce M. Tazi, Directeur général de lAMITH. Largumentaire pour la suppression du régime suspensif de la TVA est présenté en quelques lignes dans le projet de Loi de Finances 2008. Ci-après le texte intégral :«Afin dencourager les entreprises structurées, il est proposé de renforcer le système de remboursement de la TVA en réduisant le délai de remboursement de 4 à 3 mois. Parallèlement à cette mesure, et en vue de contrecarrer les situations de fraude enregistrées au niveau du régime suspensif et daméliorer la gestion du remboursement, il est proposé la suppression du régime dudit suspensif qui génère une gestion lourde et constitue une source de fraude non négligeable». Les arguments avancés par lAdministration est quelle compte mettre un terme aux mesures dérogatoires dont le coût est de 23,6 Mds de DH. Les opérateurs du secteur du textile-habillement estiment quen cas de statu quo, les fournisseurs nationaux subiront de plein fouet cette suppression. Les importations en AT seront favorisées. Les secteurs de lamont à lexport qui seront affectés sont les suivants : la filature, le tissage, les accessoires, les emballages Elle handicape par ailleurs les exportations qui peinent à décoller (taux de couverture de 48%). Pis encore, la suppression du régime suspensif occasionnera immanquablement la désintégration de tout le système de sous-traitance locale qui représente 35 à 40 % au minimum de lactivité. Lobligation de sacquitter de la TVA sur les intrants acquis localement et lattente de nombreux mois pour son remboursement, fera non seulement supporter aux entreprises une charge financière supplémentaire (et qui se retrouveront avec 20 % de la trésorerie en moins), mais limitera aussi leurs possibilités de financement, déjà mises à mal par les difficultés de financement rencontrées souvent auprès du système bancaire. Selon des sources bancaires, la majorité des PME en faillite, tous secteurs confondus, présente des bilans avec un très important crédit de TVA à lactif. Le projet de légitimer cette démarche dans le cadre de la Loi de Finances dénote une méconnaissance des réalités économiques des entreprises exportatrices et des conditions concurrentielles des marchés internationaux. A quelques jours de ladoption du projet de Loi de Finances 2008, les actions de lobbying sintensifient. Mais il faut dire que le pari en vaut la chandelle. Comme annoncé au début, les nouveaux assujettis menacent de répercuter la hausse, suite à la suppression de lexonération dont ils bénéficiaient, sur les produits commercialisés. Et donc au finish, tout va certainement augmenter !