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Fiscalisation du Sahara marocain : La schizophrénie de l’impôt
Publié dans Finances news le 10 - 07 - 2008

* La non-fiscalisation des provinces du Sahara est certes un choix politique, mais encore faut-il qu’il soit bien circonscrit afin d’éviter les abus.
* Etant des non-producteurs fiscaux, les soumissionnaires des provinces du Sud aux marchés publics présentent des prix très intéressants par rapport à ceux des concurrents.
* Une exonération de fait qui gêne la transparence de l’économie.
Hormis son caractère strictement politique, l’affaire du Sahara marocain suscite également des interrogations en ce qui concerne la fiscalité appliquée à son tissu économique qui, valeur aujourd’hui, jouit d’un régime dérogatoire
Pourtant, la conjoncture économique actuelle impose plus de rigueur budgétaire. En effet, le Budget de l’Etat est toujours plombé par la Caisse de Compensation qui continue à subventionner les produits de première nécessité. Pour l’année 2008, on va dépasser les 30 milliards de DH à cause d’un baril de pétrole dont le coût frôle les 144 $ et qui n’augure rien de bon.
D’aucuns diront que les recettes fiscales ont affiché une hausse très importante au cours des premiers mois de l’année en cours (35,6% à fin avril 2008), mais il faut noter que les dépenses de compensation suivent également un rythme ascendant. L’Etat n’est-il pas censé puiser des fonds ailleurs ?
Le clivage Nord-Sud
Les entreprises implantées au Sud ne paient pratiquement pas d’impôts en vertu d’une exonération de fait et non de droit.
En effet, la non-taxation des provinces du Sahara représente un énorme manque à gagner pour les recettes de l'Etat. «Les provinces du Sud sont un véritable paradis fiscal, surtout pour certains secteurs d'activité comme la pêche», confie un entrepreneur. Autre exemple : l'exonération de la TVA qui touche toujours certains produits de base, visant avant tout le maintien d'une certaine paix sociale. Or, il ne s'agit là que d'un système de compensation déguisée, dont l'utilité économique est sujette à caution puisqu'il profite autant aux plus pauvres qu'aux plus aisés. Que devra-t-on comprendre devant le principe de clarté de la territorialité de la TVA tel que formulé dans le CGI ?
En effet, le système fiscal actuel continue d’être taxé d’injuste et d’inéquitable. «Le régime dérogatoire tel qu’il est appliqué aux provinces sahariennes constitue une dichotomie entre la loi et la pratique», estime un fiscaliste. Selon lui, le régime fiscal de ces provinces demeure intimement lié à leur sort politique. Il obéit, certes, à cette logique d’amélioration du développement dans certaines régions, mais il ne demeure pas exempt de vices. Il considère que si cette exonération se justifie sur le plan politique, elle ne l’est pas sur le plan juridique et fiscal. «Toutefois, ce régime fiscal a de très fortes chances de se perpétuer», annonce-t-il.
Même son de cloche chez un autre fiscaliste qui rappelle que la fiscalité à une fonction certes économique, mais aussi sociale. Selon lui, «ces avantages dont bénéficie le Sud entrent dans le cadre de la nécessité de son dynamisme et de son développement. Il s’agit d’un système de subventions entre le Nord et le Sud. J’estime qu’il s’agit dans ce cas de discrimination positive, mais à condition qu’elle soit légitime et justifiée. J’entends par là que ces concessions ont au moins une raison valable d’exister et donc le vrai problème est la contribution du Sud à la valeur ajoutée du PIB national, au nombre d’emplois créés par son tissu économique et le volume d’investissements drainés par cette zone.
On remarque que comparativement aux autres régions, celles du Sud, à savoir Guelmim-Es Smara, Lâayoune-Boujdour-Sakia-El-Hamra et Oued Eddahab- Lagouira, demeurent en retrait en termes de montants d’investissements traités au terme de l’année 2007, soit respectivement (112 MDH, 414 MDH et 1.276 MDH) (voir tableau).
Aussi, il serait plus judicieux que ces avantages profitent plus aux démunis qu’aux nantis. Mais cela ne m’empêche pas de souligner avec force que la schizophrénie est l’une des caractéristiques d’un système fiscal dans tout pays en développement. A côté d’un Code Général des Impôts, on retrouve un code sectoriel qui préconise les spécificités. Donc, en ce qui concerne les provinces du Sud, il s’agit en fait d’un choix politique. Un choix politique certes, mais qui doit être bien mesuré et bien dosé afin d’éviter les abus».
Quel impact d’une telle
dérogation ?
Cette dérogation est d’autant plus ressentie lors des soumissions dans les marchés publics. Ce problème a été soulevé par la Commission des marchés publics qui explique parfois la différence des prix avancés à cause de la fameuse exonération de la TVA. Etant non producteurs fiscalement, les soumissionnaires de la région de Lâayoune présentent des prix qui sont souvent minorés par rapport à d’autres. La mesure à prendre est donc de choisir le moins disant en tenant compte des dispositions fiscales de chacun.
Pis encore, nombreux sont les entrepreneurs qui montent un siège fictif dans le Sud justement pour tirer profit de ces avantages fiscaux alors qu’ils sont opérationnels à Agadir ou à Casa. Dans ce cas de figure, notre fiscaliste estime que l’Administration des impôts est appelée à faire preuve de vigilance afin d’éviter de tels dérapages. «Chaque loi fiscale est accompagnée de notes circulaires qui font l’objet de garde-fous», annonce-t-il. Il estime pour autant que ces circulaires doivent insister sur le fait qu’avoir un siège à Lâayoune ou à Smara ne signifie pas pour autant bénéficier du régime dérogatoire, mais encore faut-il que l’activité économique, voire le dénouement des opérations, s’effectue sur le territoire et profite aux habitants du Sud. L’Administration des Impôts est ainsi appelée à mettre en place, au-delà des circulaires, les outils de contrôle nécessaires pour veiller à l’application de ces dispositions.
La problématique est donc cruciale, elle le sera davantage le jour où le problème du Sahara marocain sera réglé et que nous serons amenés à exiger des provinces du Sud qu’elles paient leurs dus en matière d’impôts. Nous avons encore frais en mémoire ce qui s’est passé à Tanger. Les Tangérois ont riposté avec force devant la Loi de Finances 2008 qui stipulait que les entreprises implantées à Tanger et qui bénéficiaient d’un taux réduit, sont appelées à payer en globalité leurs impôts en se conformant au droit commun. Une histoire à suivre !


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