* La Flat Tax offre lavantage de facilité en matière dévaluation, de contrôle et de recouvrement pour imposer le secteur agricole. q La fiscalité, à elle seule, ne peut être considérée comme un moyen de compétitivité. * Le point avec Youssef Oubouali, professeur de droit fiscal. Finances News Hebdo : Est-ce quon pourrait dire que la défiscalisation de lagriculture est une forme de subvention ? Youssef Bouali : Ce nest pas totalement vrai. En matière dimpôt sur le revenu, la fiscalisation est une charge qui est sur le dos de lagent économique. Lexemple de la France : lorsquon voulait encourager les investissements en Bourse, on nexonérait pas les revenus mais on procédait par la technique dite de lavoir fiscal. Lorsquon veut encourager un secteur, soit on donne des subventions soit on procède à des exonérations. La défiscalisation directe est alors un avantage. Alors quau niveau des impôts indirects la défiscalisation nest pas un avantage. En matière de TVA, lentreprise a un double rôle envers lAdministration fiscale. Dune part, elle achète, elle récupère la TVA, dautre part, elle vend et elle collecte la TVA . Leur champ dapplication nest pas un avantage car lentreprise na pas le droit de déduction, elle supporte les charges TTC. Si on travaille dans un secteur formel qui exige la facturation, la défiscalisation nest pas un avantage F. N. H. : Pourtant, au temps de limposition, les recettes fiscales provenant de lagriculture ne dépassaient pas les 5% des recettes alors que le poids du secteur dans le PIB est important? Y. B. : Il y a un problème dévaluation. Pour savoir si un secteur est fiscalisé ou non, il faut comparer sa part dans le PIB par rapport à sa contribution dans les recettes fiscales. Le retour à limposition est édicté par le principe de léquité fiscale. Dautant plus que les choses ont beaucoup changé. Les agriculteurs commencent à cohabiter avec les aléas climatiques et deviennent de moins en moins vulnérables. Lagriculture représente à peu près 13% du PIB, mais il y a les informels et les petits agriculteurs qui nont pas atteint le seuil de lexonération qui ne contribuent pas à limpôt. Mais il y a aussi les grands agriculteurs qui ne paient pas limpôt. Cest pourquoi la contribution de lagriculture a toujours été faible en matière de recettes fiscales. F. N. H. : Quen est-il des modalités techniques de limposition? Y. B. : Limpôt a non seulement un rôle budgétaire mais aussi économique et social. La fiscalité est aussi un outil de la politique gouvernementale. Lexonération reste avant tout un choix politique pour lutter contre lexode rural, la promotion de lemploi et lincitation à linvestissement. Dun point de vue technique, il y a ce quon appelle une évaluation «réelle» de la matière imposable, qui concerne les S.A. ou SARL soumises à lIS. Les coopératives sont partiellement exonérées, mais au-delà dun seuil, elles deviennent imposables. Pour les personnes physiques, elles ont toujours le choix daller vers un régime de lIS, ou rester dans lIGR. Cest le même cas pour les sociétés de personnes qui seront différemment taxées selon que lon applique le droit commun qui est réel, sous 3 formes de lImpôt sur le revenu, à savoir le régime net réel, le régime net simplifié et le forfaitaire. Pour le régime réel, cest la même chose que pour le calcul de lIS sauf quil ny a pas une progression par tranches. La comparaison se situe au niveau du taux et de la base imposable. De même, on ne peut jamais comparer un impôt progressif à un autre proportionnel. Pour récapituler, le régime de lIS reste favorable à une grosse matière imposable. Ce qui nest pas avantageux lorsque la matière imposable est faible. F. N. H. : Est-ce que, daprès-vous, lAdministration fiscale dispose de moyens afin de bien contrôler le recouvrement de limpôt agricole ? Y. B. : Justement, on peut dire que la Flat Taxe offre cet avantage de facilité parce quelle permet au législateur de mieux faire son travail. Quand le calcul de la base imposable est compliqué, le problème en matière de contrôle se pose forcément étant donné quil faut dabord procéder au contrôle de la comptabilité. Or, un contrôle de comptabilité nécessite beaucoup de moyens. Et donc si la comptabilité est simplifiée, le problème de contrôle ne va pas se poser. Aussi, faut-il que le contrôle soit efficient ou plus exactement que les avantages recueillis soient supérieurs aux coûts drainés par le contrôle. Mais il faut dire quen létat actuel, lAdministration des impôts ne dispose pas de moyens humains pour assurer le contrôle. Sous dautres cieux, on a pu faire face à ce problème de moyens humains par le biais de linformatique. On trouve également lagriculteur qui dispose dune comptabilité informatisée, ce qui nest pas le cas de lagriculteur marocain. Lévaluation industrielle cest celle de la valeur imposable à partir des signes extérieures de richesse. Or, le signe extérieur de richesse doit remplir deux conditions. La première est quil doit être facilement décelable. La seconde est quil est suffisamment révélateur de la capacité du contribuable. On peut orienter le contrôle de cette manière : à savoir que lagriculteur déclare son revenu dune manière forfaitaire et ladministration fait son contrôle à travers les signes extérieurs de richesse. Il faut aussi noter que la fiscalisation du secteur agricole est un moyen de lutte contre la fraude au Maroc. Par exemple, un agriculteur qui mène un train de vie qui na rien à voir avec ce quil déclare, comment va-t-il le justifier ? Cest à travers lexonération du revenu agricole. Donc, la fiscalité peut être considérée comme un des moyens de lutte contre les abus. F. N. H. : Mais est-ce que vous ne pensez pas que la fiscalité pourrait pénaliser la compétitivité des produits agricoles à lexport ? Y. B. : A mon avis, la fiscalité ne va pas pénaliser lactivité agricole à lexport. Je partage entièrement lopinion du Directeur général des Impôts qui considère que la fiscalité, à elle seule, ne peut être considérée comme un moyen de compétitivité. A mon avis, il faut chercher la compétitivité dans dautres éléments. On peut parler de la fiscalité en termes comparatifs entre un agriculteur marocain et espagnol. Il faut reconnaître que la facilité est toujours nuisible au développement. Les questions quil faut se poser : est-ce quon a un problème de mentalité ? Est-ce que lagriculteur est décidé à moderniser son agriculture ? Est-il prêt à appliquer des méthodes modernes de gestion ? Lexemple frappant est celui de la région Souss Mass Draa qui a un problème déconomie deau et, pourtant, elle est la plus compétitive parce que cest une région très organisée. F. N. H. : Ne pensez-vous quil est plus judicieux, dans un contexte marqué par la pénurie deau, de mettre en place une fiscalité en fonction de léconomie deau ? Y. B. : Effectivement, on peut instaurer la discrimination positive. Par exemple, un agriculteur qui veut payer moins dimpôts devra créer de lemploi, économiser de leau, réaliser un bon chiffre daffaires à lexport ; plus exactement, il doit prendre en considération les priorités de notre politique économique. Cela fait un quart de siècle que le secteur est exonéré et donc il est temps de le fiscaliser sachant quil draine aussi beaucoup de richesses.