* Le projet de Loi des Finances 2010 a maintenu son soutien aux secteurs sociaux et à linvestissement public. * Les recettes fiscales sont toujours pénalisées par le poids quelles représentent dans léconomie nationale * Le point avec Youssef Oubouali, professeur de droit fiscal. - Finances News Hebdo : Comment jugez-vous les indicateurs du projet de Loi de Finances 2010 face aux aléas actuels, notamment en période de crise ? - Youssef Oubouali : La Loi de Finances ne peut pas ignorer son environnement. Elle a maintenu la cadence des investissements publics qui a augmenté de 20% et son soutien aux secteurs sociaux. Ces investissements ont un rôle majeur pour stimuler la demande interne et la croissance. Malgré la baisse des recettes fiscales, le gouvernement a respecté une bonne partie de ses engagements, notamment ceux à caractère social. La baisse du taux de lIR est maintenue et permettra daugmenter le pouvoir dachat, surtout celui des salariés. Mais il faut reconnaître que léconomie nationale reste intimement liée aux aléas climatiques. Lannée a été sauvée par les résultats exceptionnels de la campagne agricole. Ce qui est un fait rarissime La crise nétait pas générale, mais ses effets sur certains secteurs sont considérables. Toutefois, cela nempêche que les investisseurs manifestent toujours leur intérêt pour le Maroc. La période de crise, cest aussi loccasion pour restructurer les activités en difficulté pour que, lors de la reprise, elles puissent tourner à plein régime et ratisser large à lexport. Le projet LF 2010 na pas touché aux produits à forte consommation. Leau et le sucre ne sont pas concernés comme certaines presses lont véhiculé. Mais la taxation des produits pétroliers aura des répercussions considérables - F.N.H. : Cependant, on a remarqué que toutes les recettes de lEtat ont pratiquement baissé et que, pour compenser, le gouvernement opte soit pour les privatisations, soit pour lendettement ? - Y.B. : Il faut reconnaître que la pression fiscale diminue progressivement au Maroc. Pour compenser, il faut élargir lassiette. Si la baisse des taux a un effet immédiat, celui de lassiette a besoin de temps pour se manifester. La hausse des taux et des barèmes a concerné des produits facultatifs : cest le cas de la hausse de la TIC sur les produits alcoolisés ou celle de la vignette sur les véhicules de plus de 10 chevaux. - F.N.H. : Mais on remarque que leffet assiette na pas encore eu la répercussion escomptée ? - Y.B. : Il y a un problème de rendement de limpôt. Il faut trouver un optimum qui permette de générer plus de recettes sans impacter le potentiel fiscal. Par exemple, le taux de lIS est passé de 45 à 30% en quelques années et le rendement na cessé daugmenter. Au niveau de lIS et de lIR il ny a pas de problème, sauf lapplication dun taux de lIS pour les PME. Mais le grand chantier que le Fisc doit achever est celui de la TVA que le Maroc na pas intérêt à reporter. Le réforme est basée sur deux axes majeurs : le premier concerne la généralisation de la TVA et le deuxième a trait à la simplification des taux. Contrairement à ce quon peut penser, exonérer un secteur nest pas un avantage. Mais la grande contrainte qui pénalise les recettes fiscales concerne linformel qui est fortement présent. Cest un problème de culture. Le phénomène est pénalisant non seulement pour les finances publiques mais également pour léconomie nationale. Il faut du courage et de la volonté politique pour poursuivre les réformes. Il y a un coût économique et un coût social à payer, mais le résultat à terme sera meilleur. Le cas de linformel nous renvoie également à celui des dérogations. Il est temps de mettre de lordre dans ces dispositions. - F.N.H. : Il faut dire quil y a un retour aux privatisations dont les recettes vont augmenter de 33%. - Y.B. : Les privatisations ont montré leur effet bénéfique à plusieurs niveaux. Les sociétés qui sont passées dans le giron du privé ont boosté leurs performances, et limpact sur léconomie nationale, ou en termes de recettes fiscales pour lEtat, nest pas à démontrer. Lexemple de Maroc Telecom est édifiant. Certaines entreprises publiques qui ont un caractère commercial doivent être privatisées pour assurer leur compétitivité. Je peux citer lexemple de la RAM qui commence à enregistrer des déficits alors quelle a été bénéficiaire pendant des années, et cela même durant la crise qui a secoué le secteur du transport aérien après les attentats du 11 septembre. Et les exemples ne manquent pas. Mais encore faut-il savoir quelles sont les orientations de lEtat et ses priorités. Les privatisations peuvent être remises en cause si leurs recettes servent à couvrir les dépenses de fonctionnement. - F.N.H. : On a remarqué que le déficit devrait remonter pour atteindre les 4%, quel est votre interprétation ? - Y.B. : 4%, cest toujours un niveau acceptable. Le Maroc était un bon élève en matière de respect des équilibres macroéconomiques. Les dérapages budgétaires ne sont pas tolérés. Pratiquement, tous les Etats impactés par la crise ont augmenté substantiellement leur déficit pour financer leur économie. Pour le Maroc, cest un niveau qui nest pas inquiétant du fait de lallègement fiscal et de laugmentation des investissements.