Il n'y aura pas de ventes par lots des actifs de la Samir, a affirmé Mohamed El Krimi, Syndic judi-ciaire de la société, au cours d'un point-presse. En revanche, les créanciers n'en savent pas plus sur le sort qu'on leur réserve. Quelques certitudes pour les potentiels acheteurs et beaucoup d'interroga-tions en suspens, notamment pour les créanciers. C'est en résumé ce qui ressort des discussions et des analyses fai-sant suite à la conférence de presse donnée par Mohamed El Krimi, Syndic judiciaire de la société Samir, sur la procédure de cession des actifs de la Samir. Cette cession, faut-il le rappeler, a fait l'objet de la publication d'une manifestation d'intérêt publiée le 8 février dans la presse. Les investisseurs potentiels intéressés par une reprise du raffineur ont 30 jours à compter de cette date pour déposer leur offre de rachat. Racheter tout ou rien ! La première certitude apportée par ce point-presse est tout de même de taille : non, il n'y aura pas de cession par lots, la Samir ne sera pas démembrée comme une quelconque entreprise en difficulté. «La Samir, ce sont deux choses inséparables : un outil de production et des ressources humaines», a-t-il déclaré. En d'autres termes, on ne peut racheter l'un sans l'autre. C'est tout ou rien. Les candidats au rachat du raffineur doivent acquérir la totalité des actifs de la société, n'a eu de cesse de mar-teler El Krimi face aux questions insistantes des journalistes. Des questions légitimes si l'on jette un oeil au rapport d'expertise du Tribunal de commerce de Casablanca qui évalue, un à un, l'ensemble des actifs détenus par la Samir. On y apprend, entre autres, que la société possède des villas d'estivage à M'diq, estimées à 1,6 million de DH, des appartements à Martil évalués à 370.000 DH. Le centre de formation situé à Mohammedia est, lui, pricé 3 millions de DH. Quant à l'hôtel Perce-Neige (Ifrane), il vaudrait, selon l'expert, 17 millions de DH. Pourquoi évaluer individuellement chaque actif de la Samir si ce n'est pour les céder par lots ? En réponse à cette question, le président du syndic évoque des raisons purement pra-tiques. «Nous n'allions pas dépêcher un seul expert pour évaluer tous les actifs de la Samir éparpillés un peu partout dans les 4 coins du Royaume. Cela aurait pris bien trop de temps», assure-t-il. Plusieurs experts ont donc été mis à contribution pour gagner du temps. Les données ont ensuite été agrégées pour arriver à un prix global de 21 milliards de DH. Le prix de vente n'est pas décisif «Ce prix, précise d'ailleurs El Krimi, n'est qu'in-dicatif. Il ne s'agit nullement du prix de vente». D'autres expertises commandées par le Syndic ont conclu à des évaluations plus élevées. D'ailleurs, les deux manifestations d'intérêt reçues jusqu'à présent par le Syndic sont de 31 milliards de DH et 31,5 milliards de DH. Selon El Krimi, le prix de vente n'est qu'un cri-tère parmi d'autres dans l'évaluation des offres exprimées par les investisseurs. L'évaluation des offres prendra en considération le busin-nessplan, le programme d'investissement, le développement futur, les meilleurs garanties de sauvegarde des emplois, etc. «Nous examine-rons même les offres «un dirham symbolique» si elles présentent des garanties en termes d'emploi et d'investissement», a lancé le pré-sident du syndic à la presse. Et d'ajouter : «Si nous recevons une offre de 50 milliards de DH, avec un businessplan sérieux, évidemment nous sommes preneurs». Cahier des charges Un cahier des charges de 135 pages et comprenant une quinzaine de documents annexes a été élaboré par le Syndic, en un temps record. La presse n'y a pas eu accès pour le moment. Selon ses concepteurs, ce document comprend toutes les informations nécessaires pour les investisseurs intéressés. Et d'après El Krimi, un travail considérable a été réalisé par le syndic et les salariés de la Samir pour faire en sorte que le travail des investisseurs soit facilité au maximum. Les candidats au rachat élaboreront leurs offres en concordance avec ce cahier des charges. «Toutes les offres reçues dans les délais seront étudiées en profondeur. Le dernier mot reviendra au Tribunal, après concertation et évaluation». Pour beaucoup d'observateurs, ce délai de trente jours est un peu court. Et que se passera-t-il si aucune offre n'est retenue ? A cette interrogation, El Krimi répond avec assurance : «La Samir sera vendue». Le président du Syndic est par ailleurs revenu sur la décision, abondamment commentée par les juristes et la presse, du Tribunal de commerce de Casablanca de procéder à la liquidation judiciaire de la Samir en assujettissant à la continuité de l'activité, conformément au Livre V du code du commerce article 623. «C'était une «décision très sage», n'a-t-il cessé de répéter. La liquidation était inévitable, selon lui. Mais, au regard de la taille de la société, de son appareil productif et de son importance stratégique, le tribunal a décidé de l'accompagner d'une poursuite de l'activité. Ce n'est donc pas une liquidation judiciaire pure et dure, ni un redressement judiciaire. C'est une procédure que l'on pourrait qualifier d' «hybride» et qui est prévue par le code de commerce. Une telle décision devrait permettre au futur acquéreur de redémarrer les activités de raffinage dans un délai court de 4 à 6 semaines et à moindre frais. Dans le cas contraire, la remise en fonction de l'appareil productif aurait nécessité beaucoup plus de temps (près de 18 mois) et un coût bien plus important. C'est là l'autre certitude apportée par ce point-presse : l'outil productif de la Samir demeure en très bon état grâce au dévouement des quelque 900 salariés pour l'entretenir durant ces mois d'inactivité. Ainsi, une expertise des assureurs témoigne, toujours selon le syndic, «de la perfection de l'outil productif et du capital humain». Les créanciers sans réponses Pour autant, plusieurs questions sont restées sans réponses. C'est le cas du montant des créances dues par le raffineur, ainsi que le sort reservé à l'ancienne équipe dirigeante, que d'aucuns jugent responsables des déboires du raffineur. El Krimi n'a pas souhaité répondre sur le sujet, arguant que cela fera l'objet d'une prochaine conférence de presse dans les jours qui viennent. Le spectre de la Cour de cassation Une autre incertitude, et non des moindres, plane cette fois-ci sur la procédure judiciaire elle-même. Le management de la Samir avait saisi la Cour de cassation en pourvoi, après que la Cour d'appel a confirmé la mise en liquidation de la société. Que se passera-t-il si, dans les prochaines semaines, la Cour de cassation ne venait pas à confirmer la liquidation judiciaire ? Réponse d'El Krimi : «pour l'instant, j'applique les décisions de la Cour d'appel. Si la Cour de cassation venait à prononcer un autre jugement, je l'appliquerai de la même manière», s'est contenté de répondre le président du Syndic. Vous l'aurez compris, le feuilleton judiciaire Samir, qui tient en haleine les milieux économiques du pays depuis 1 an et demi, est loin d'arriver à son terme. Et il n'est pas à l'abri de prochains rebondissements. ■