Le système fiscal marocain présente une relative stabilité. En revanche, des défis subsistent pour accroître la sécurité fiscale, gage de compétitivité fiscale et de confiance pour les opérateurs économiques. L'instauration en 2013 de la contribution sociale de solidarité, supprimée l'année dernière, laisse tout de même transparaître quelques velléités d'insécurité fiscale. Mohamed Hdid, expert-comptable et commissaire aux comptes, identifie avec clarté les points essentiels à même de renforcer la sécurité fiscale du pays. Finances News Hebdo : Si on part du principe que la prévisibilité, la clarté, la non-rétroactivité de la loi fiscale et l'application des règles fiscales par le contribuable et l'administration sont des composantes-clefs de la sécurité fiscale, quelle lecture faites-vous de la situation en la matière au Maroc ? Mohamed Hdid : Effectivement, la sécurité fiscale est placée par les investisseurs souvent avant la pression fiscale. Un opérateur serait plus sensible à une fiscalité prévisible, même plus lourde, qu'à une fiscalité attractive dans son apparence mais pouvant être modifiée à tout moment. Au Maroc, des efforts considérables ont été accomplis depuis la réforme des années 80 du siècle dernier, avec une accélération de la cadence durant les années 2000 à 2008 par la codification au sein du Code général des impôts (CGI) des principaux impôts de l'Etat. Suivront depuis 2010 des actions de consolidation et d'amélioration des textes fiscaux rendus nécessaires par l'expérience et la pratique. Globalement, le système fiscal marocain présente une relative stabilité et lisibilité, même si des chantiers d'amélioration et de clarification de certaines dispositions doivent être ouverts et achevés rapidement. Il faut dire que la contribution sociale de solidarité instaurée en 2013, et qui a pris fin en 2015, est perçue comme un élément d'instabilité de notre système fiscal. F.N.H. : La fiscalité relève du politique qui, au gré de la conjoncture (baisse des recettes publiques), des principes et des valeurs, est astreint à modifier les taux d'imposition ou de créer de nouveaux impôts et taxes. Au regard de cela, n'est-il pas difficile de garantir la sécurité dans un Maroc qui change parfois de gouvernement au terme de chaque législature ? M. H. : Justement, la contribution sociale de solidarité dictée par une vision politique et des circonstances du moment est un exemple. La question est de savoir quel est le dosage acceptable de modification des textes fiscaux pour satisfaire la contrainte dictée par l'évolution normale des systèmes économique et social et pour ne pas être perçu comme système fiscal instable. Il n'y a pas de réponse tranchée à la question. Toutefois, il peut être soutenu que tant que les modifications s'inscrivent et répondent aux contraintes de la politique économique et de la vision préétablies, elles ne gênent pas en termes de visibilité, et ce quel que soit le nombre de ces modifications. Inversement, une seule et unique modification dérogeant aux principes de la vision et de la politique déclarées serait très mal perçue. F.N.H. : Pour les entreprises marocaines, créatrices de valeur et de richesse, le contrôle fiscal, la rétroactivité d'une loi et l'imprévisibilité du dispositif juridique, constituent autant de menaces pour leurs activités. Selon vous, le système fiscal national (dispositif juridique, administration fiscale, etc.) est-il de nature à rassurer les opérateurs économiques nationaux et étrangers ? M. H. : Je ne pense pas que notre système fiscal présente des problématiques de rétroactivité graves. La Constitution garantit ce principe de non-rétroactivité. Au plan fiscal, les Lois de Finances prévoient souvent les mesures transitoires requises. Au niveau du contrôle fiscal, ce droit dévolu à l'administration fiscale est nécessaire pour s'assurer de la conformité aux règles fiscales par tous. Il n'en demeure pas moins que sur ce plan, des améliorations ont été apportées et qu'il est nécessaire d'attendre leurs fruits, surtout en termes de perception. F.N.H. : En tant qu'expert-comptable et au regard du système fiscal actuel, selon vous, comment améliorer la sécurité fiscale au Maroc afin de renforcer la relation de confiance entre l'Administration fiscale et le contribuable ? M. H. : Pour rassurer au plan fiscal les opérateurs économiques marocains ou étrangers, il est important de disposer d'un cadre fiscal clairement défini, une doctrine fiscale stable et la plus conforme possible aux textes et une concertation permanente entre les usagers de la matière fiscale. Je pense que des efforts sont accomplis à ce niveau et que des actions sont en cours pour offrir l'assurance fiscale nécessaire. Cela dit, il est important de continuer la mise en place des mécanismes reconnus ailleurs, comme le rescrit et le contrôle à la demande, et ce dans un cadre légal clairement défini. L'assurance est également donnée, contrairement à ce que l'on peut croire, lorsque l'on est en présence d'un système fiscal efficace capable de mobiliser les recettes fiscales requises pour financer les dépenses de la collectivité. Sinon, les gouvernements deviennent contraints à modifier les règles de jeu, souvent en augmentant la pression fiscale. L'assurance est aussi le fait des contribuables qui, eux-mêmes, sont censés comprendre, accepter et payer les impôts dus. F.N.H. : Enfin, au regard des ambitions d'attractivité et de développement du Maroc, estimez-vous que le pays est compétitif fiscalement par rapport à d'autres pays à développement similaire ? Sachant que la sécurité fiscale est un élément de compétitivité fiscale. M. H. : La sécurité fiscale est un élément essentiel de la compétitivité fiscale d'un pays. Les différents Etats améliorent et modifient leurs dispositifs respectifs au point où la comparaison devient délicate à faire. Les contraintes des Etats sont également différentes, eu égard à leurs ressources différentes et variables qu'il n'est pas pertinent, à mon sens, de se livrer à des comparaisons. Dans la durée, je considère que le système fiscal marocain, tenant compte des contraintes inhérentes, s'en sort plutôt bien.