Dans l'article de la semaine dernière, j'avais indiqué les divergences de vues qui demeuraient dans les projets d'accord soumis aux ministres chargés de la négociation et j'avais exprimé l'espoir que ces derniers soient à la hauteur de leurs responsabilités pour les rapprocher et leur trouver des points de convergence. C'est chose faite à la lecture de l'accord adopté samedi dernier (12 décembre), et qu'on peut qualifier d'historique vu que ces divergences ont persisté depuis des décennies et que la voie est maintenant ouverte pour sauver la planète et l'humanité d'une catastrophe certaine. Cinq points forts justifient l'optimisme prédominant : i/ L'accord est universel car il a été adopté par toutes les délégations présentes à Paris, sans exception ii/ Il est ambitieux car tout en admettant un plafond de réchauffement à seulement 2 °C, il reconnait la nécessité de déployer davantage d'efforts pour tendre vers 1,5 °C iii/ Il retient l'engagement des pays développés de verser 100 Md de dollars aux pays en développement (PED) pour soutenir leur résilience aux changements climatiques iv/ Il est juridiquement contraignant v/ Il fixe l'agenda des mesures à prendre. Sans vouloir diminuer de la portée de cet accord, une lecture attentive permet de relever un certain nombre de questionnements : i/ L'accord reste soumis à la ratification des différents pays et des rejets restent possibles par certains qui n'y trouvent pas leurs intérêts, dont les USA qui ont toujours refusé le principe d'un accord juridiquement contraignant ; ii/ Tendre vers 1,5°C semble être une décision difficilement réalisable en l'absence d'une politique du prix du carbone et plus généralement d'instruments économiques et financiers pénalisant les énergies fossiles et rendant les énergies renouvelables plus compétitives. La réalisation de l'objectif de 1,5°C est encore plus aléatoire car il n'entrera en vigueur qu'en 2020 et les contributions de réduction des gaz à effet de serre exprimées actuellement, mettant la tendance au réchauffement sur une courbe de 3°C, ne seront révisées à la hausse qu'à partir de 2025 ; iii/ L'expression du financement aux PED reste malheureusement assez évasive par rapport à deux grandes revendications de la société civile concernant l'affectation de la moitié aux actions d'adaptation et la réparation des dommages et préjudices causés par les catastrophes naturelles. Ces questionnements, et tant d'autres, constituent des défis que la COP22 de Marrakech devra relever, ayant à sa charge de définir les mécanismes de mise en oeuvre des principes de base retenus dans l'accord de Paris. Je reste persuadé qu'une préparation intelligente de la COP22 durant l'année 2016 et que la réunion de bonnes conditions pour son déroulement permettront de lui assurer le succès recherché. Je ne voudrais pas terminer cet article sans interpeller les pouvoirs publics, et toutes les autres parties prenantes, pour que l'année 2016 soit une année de réalisations concrètes assurant aux citoyens les conditions favorables du développement durable. C'est ce modèle que nous voulons présenter à nos hôtes lors de la COP22 et non celui des discours. Abdelhadi Bennis, ancien ingénieur général supervisant les structures locales d'encadrement des agriculteurs au sein du ministère de l'Agriculture, membre de l'Association Ribat Al Fath pour le Développement Durable à Rabat et Président du Club Environnement.