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Tribune libre : Révolte au Burkina Faso : Vers un printemps africain ?
Publié dans Finances news le 07 - 11 - 2014

Rappelons tout d'abord que le Burkina Faso «Pays des hommes intègres» est un petit pays de l'Afrique de l'Ouest avec une superficie du 274.000 km2 et une popu-lation de 17 millions d'habitants dont 50% ont moins de 25 ans. C'est un pays enclavé, entouré de plusieurs pays : Mali, Niger, Bénin, Togo, Ghana et Côte d'Ivoire.
C'est aussi un pays assez pauvre avec un revenu par habitant de 670 $ et un indice de développement humain de 0,343. Il a obtenu son indépendance de la France le 5 août 1960 à laquelle il est resté très lié avec notamment le Franc CFA comme monnaie. A part le pre-mier Président civil Maurice Yaméogo de l'ethnie Mossi qui représente 50% du peuple, tous les autres présidents qui lui ont succédé, sont des militaires suite à des coups d'Etat. A noter que c'est le Président Sankara qui le 4 août 1984 a débaptisé son pays la Haute Volta pour le nommer Burkina Faso. Le capitaine Blaise Compaoré, lui-même de l'ethnie Mossi, prend le pouvoir le 15 octobre 1987 à la faveur d'un coup d'Etat inaugurant une période appelée «Rectification». Les décennies 1990 et 2000 sous la présidence de Blaise Compaoré ont connu des violences policières, des meurtres d'opposants, des émeutes et des grèves massives. La révolte qui a secoué le monde arabe en 2011 a eu également une répercussion au Burkina Faso. Un amendement de la Constitution du Burkina Faso voté pendant l'année 2000 a limité le nombre de mandats présidentiels à deux mandats quinquennaux. La loi n'étant pas rétroactive, Blaise Compaoré a pu se représenter aux élections de 2005 et 2010 qui lui ont permis d'accaparer le pouvoir pendant 27 ans. En 2014, avec comme perspective les élections présidentielles de 2015, Blaise Compaoré tente de faire amender la Constitution pour pouvoir se représenter à nouveau. Dans un contexte d'économie certes en forte croissance mais non inclusive, et d'une situation faisant face à des troubles politiques et sociaux, l'initiative du Président Blaise Compaoré a entraîné la révolte. Alors que le projet d'amendement de la Constitution avait été annoncé le 21 octobre 2014, le 28 octobre à l'appel de l'opposition, un million de manifestants défilent place de la Nation dans la capitale Ouagadougou. Les jours qui suivent sont ponctués de manifestations et d'affrontements avec les forces de l'ordre. Les syndicats appellent à une grève générale le 29 octobre. Le 30 octobre, les mani-festants débordent les forces de l'ordre et incendient plusieurs édifices publics dont l'Hôtel de ville, le siège du parti au pouvoir, et une partie de l'Assemblée nationale. Ils envahissent également les bâtiments de la Radiodiffusion-Télévision, tandis que plusieurs maisons, voitures et un grand hôtel sont incendiés ou saccagés. Des manifestations ont également éclaté dans d'autres villes telles que Bobo-Dioulasso et Ouahigouyo. Le chef de l'armée burkinabé, le général Honoré Traoré, annonce l'instauration du couvre-feu, l'état de siège, et la dissolution du gouvernement et de l'Assemblée nationale. Le 31 octobre, Blaise Compaoré démissionne et est remplacé par le général Honoré Traoré qui s'autoproclame Chef d'Etat par intérim. Dans la nuit du vendredi au samedi 1er novembre, le lieutenant-colonel Isaac Zida, numéro 2 de la garde présidentielle, s'autoproclame lui-aussi chef d'Etat et obtint le soutien du reste de l'armée. La médiation internationale tripartite composée de l'ONU, l'Union africaine et la CEDEAO a évoqué la menace de sanctions si l'ordre constitutionnel qui prévoit l'intérim du président du Parlement n'était pas respecté. Cette révolution du Burkina Faso qui a fait une trentaine de morts et plus de 100 blessés n'est pas sans rappeler le printemps arabe. Les motifs sont les mêmes : régimes autoritaires, non-respect des libertés et des droits de l'homme, accapa-rement des richesses par les dirigeants, répression des opposants, misère d'une grande partie de la population et chômage élevé des jeunes. Comme pour le printemps arabe, ce sont surtout les jeunes et la société civile qui ont réclamé à Ouagadougou le changement de régime. Certes, l'opposition Burkinabé a joué un rôle, mais elle est divisée et aucun leader n'émerge pour le moment. Comme Ben Ali de Tunisie, Blaise Compaoré a fui en Côte d'Ivoire pour préserver son intégrité physique et celle de sa famille. Comme en Egypte, c'est l'armée burkinabé qui a pris le pouvoir en promettant de le rendre aux civils dès que la situation sera plus calme. La révolte du Burkina Faso indique clairement que les peuples d'Afrique, comme ceux du monde arabe, n'acceptent plus les dictatures et les régimes autoritaires qui durent trop longtemp. Ils réclament la démocratie, le respect des libertés et des droits de l'homme, une meilleure répartition des richesses, et un développement économique inclusif. Peut-être que la révolution du Burkina Faso fera tâche d'huile dans d'autres pays en Afrique subsaharienne, comme la révolte de Tunisie en a fait dans le monde arabe.
Jawad Kerdoudi
Président de l'IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)


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