Si les outils de la politique monétaire ont été maintenus par le Conseil de Bank Al-Maghrib, les risques, quant à eux, ont bien évolué depuis le dernier trimestre. Le gouverneur de la Banque centrale a essayé de tenir un discours, rassurant mais certains termes utilisés laissent penser que le prochain Conseil monétaire sera bien mouvementé. Acte I : Inflation et chômage. «Nous avons maintenu le taux directeur inchangé après une longue discussion». Une phrase qui en dit long sur la dernière réunion du Conseil de BAM, dont la décision de maintenir le taux directeur inchangé n'a visiblement pas fait l'unanimité. En clair, deux grands risques sont apparus à l'économie marocaine. Le premier est lié aux cours des matières premières fossiles. Il y a le pétrole, à cause des évènements en Irak qui viennent à peine de commencer, dont on ne connaît pas l'issue, et qui ont pris le monde de la finance de court. Et le gaz, à cause des conflits entre l'Ukraine et la Russie et qui, s'ils ne nous touchent pas directement, ont des impacts psychologiques réels. Sur le plan interne, la hausse du Smig, la hausse du salaire minimum dans la fonction publique, la hausse du chômage qui se replace au niveau des 10%, mais «dont il est encore tôt pour tirer des conclusions», ainsi que les prévisions de croissance qui seront au mieux autour de 3% contre 4,4% en 2014, sont autant d'éléments qui, non seulement sont de nature désinflationniste (terme utilisé par le wali de BAM pour décrire la situation en Europe), mais qui doivent être contrés rapidement pour éviter toute tâche d'huile. Ce sont ces éléments qui ont poussé à une «longue discussion», lors du conseil, mais qui n'a finalement accouché que d'une reconduction des mesures existantes. BAM donne-t-elle un signal ? C'est une hypothèse. Car la Banque centrale n'aime pas la politique. Elle n'aime pas s'immiscer dans les affaires du gouvernement et n'aime pas non plus lui emboiter le pas tout en restant indépendante. Ce travail d'équilibriste a peut-être poussé le Conseil de BAM à retarder toute décision pour ne pas faire coïncider une baisse du taux directeur avec une hausse du SMIG, du chômage, ou des cours des matières premières. Un signal que rien de «dangereux» ne nous atteint et qui nécessite réaction. Un signal de non opposition à l'action du gouvernement. Cela dit, avant d'entamer la session des questions/réponses, Abdellatif Jouahri a expliqué «qu'il continuera à regarder avec attention ce qui se passe sur la scène économique». Un avant-goût du prochain Conseil qui se tiendra dans trois mois et qui promet bien des surprises. Une croissance molle en 2014 C'est officiel. Le taux de croissance de 2013 était de 4,4%, tiré essentiellement par la progression de 19% de la valeur ajoutée agricole, alors que la composante non agricole a décéléré à 2,3%, contre 4,4% en 2012. Comme signalé plus haut, la croissance en 2014 se situera, selon les prévisions de BAM, entre 2,5% et 3%, sous l'effet d'une baisse de la valeur ajoutée agricole, alors que le rythme des activités non agricoles devrait s'établir à 4%. Le chômage a atteint pour sa part 10,2% lors du premier trimestre, une situation qui n'alarme pas encore les autorités monétaires qui attendent les chiffres du deuxième trimestre pour valider une tendance annuelle. Seul point positif depuis le début de l'année, les exportations ont augmenté de 5,2% et ce n'est pas grâce aux phosphates, mais au secteur automobile. Signalons enfin que le déficit public a atteint 30,7 Mds de dirhams à fin avril, contre 20,3 Mds de dirhams à la même période de l'année dernière. Une situation constatée au moment où le Maroc est à nouveau entré en négociation pour une nouvelle ligne de précaution et de liquidité (LPL). Mais pour une fois, ce sont les dépenses d'investissement, en hausse de 50% qui ont aggravé le déficit, alors que les charges de compensation se sont inscrites en repli de 5,5%. En parallèle, les recettes ordinaires ont reculé de 0,1% en raison de la diminution de 23,7% de celles non fiscales.