L'année 2014 marque le cinquantième anniversaire de la première intervention de la Banque mondiale au Maroc. L'association Attac Maroc a pris la balle au rebond, en organisant la 2ème conférence internationale sur la dette et les institutions financières internationales. Après un demi-siècle d'intervention dans le Royaume, le bilan qu'Attac Maroc dresse de la Banque mondiale est particulièrement sombre. Les institutions de Bretton Woods sont au coeur de l'actualité économique et financière au Maroc. Comme en témoigne le récent déplacement à Washington (mi-avril) du ministre chargé du Budget, Driss El Azami, en compagnie de son homologue chargé des Affaires générales et de la Gouvernance, Mohamed El Ouafa, lors des réunions du printemps de la Banque mondiale et du FMI. Au-delà de ce fait marquant, l'année 2014 coïncide avec le cinquantième anniversaire de la présence active de la Banque mondiale dans le Royaume. L'institution est intervenue au Maroc dans la première crise des finances publiques que le pays traversa dès 1964, avant d'y ouvrir ses bureaux en 1998. Après un demi-siècle d'intervention au Maroc, l'association Attac Maroc, en croisade contre les méfaits de la mondialisation et de la doctrine libérale, a tenu à dresser le bilan de la Banque mondiale en organisant récemment à Rabat, la deuxième conférence internationale sur la dette et les institutions financières. Cette rencontre avait un fort relent international, car l'association Attac Belgique et celle d'Argentine étaient respectivement représentées par Eric Toussaint et Maria Elena. Quel bilan un demi-siècle après? A en croire le représentant d'Attac Belgique, les institutions de Bretton Woods seraient à la solde des puissances industrielles qui, en 2000, détenaient près de 63,7% des voix, tandis que le continent africain n'en détenait que 5%. A cette asymétrie flagrante, s'ajouterait un anachronisme notoire. Alors que ses statuts lui suggèrent de promouvoir le plein emploi dans les pays et de surveiller les mouvements de capitaux, Eric Toussaint estime que le FMI pousse les Etats à licencier en leur imposant des cures d'austérité et à libéraliser les mouvements de capitaux. Ce qui serait pénalisant pour les pays en développement. Pour sa part, le professeur Najib Akesbi a tenu à faire le procès de la Banque mondiale, et ce depuis sa première intervention au Maroc, il y a de cela un demi-siècle. Le constat est accablant. Il estime que de près ou de loin, les institutions de Bretton Woods sont derrière toutes les décisions économiques que prend le pays pour des résultats largement en deçà des espérances. Le PIB par habitant du Maroc reste en dessous des 3.000 dollars. En termes d'Indices de développement humain, le pays est classé autour de la 130ème position. Pire encore, la croissance au Maroc serait de moitié de ce qu'elle devrait être et largement arrimée à une campagne agricole incertaine. D'après Akesbi, il subsiste la faillite du modèle économique marocain imposé et financé à coup de crédits émanant de la Banque mondiale. Résultat des courses : la balance commerciale reste structurellement déficitaire, avec un secteur privé peu dynamique. Malgré toutes les incitations (mesures fiscales, politiques sectorielles), la donne reste immuable. L'Etat reste toujours le premier investisseur du pays, représentant ainsi 72% des investissements. Pour d'autres intervenants, il est temps de procéder à l'audit de la dette publique au Maroc. Aujourd'hui, celle-ci bat à nouveau des records, atteignant près de 76% du PIB, soit 669 Mds de DH au 3ème trimestre 2013. Cela représente près de 4 années de recettes fiscales. A ce titre, d'autres participants ont salué le récent rapport de la Cour des comptes qui a pointé du doigt, pour la première fois, les proportions prises par l'endettement public au Maroc. Pour sa part, Maria Elena, d'Attac Argentine, a mis en relief la perte de souveraineté des pays en développement (dont l'Argentine) au fur et à mesure que leur dette publique augmentait, et ce au profit des institutions financières internationales. Ce qui, d'après elle, est corroboré par le fait qu'en cas de restructuration de l'endettement des pays, les créanciers internationaux dictent les voies à suivre pour se faire rembourser et parfois au mépris de l'intérêt des peuples. Pour clore son allocution, Eric Toussaint s'est particulièrement montré virulent envers la Banque mondiale sur le volet de la promotion du développement durable. Celui-ci estime que si la banque affiche un discours engagé sur le développement des énergies propres dans les pays, il en est tout autrement en réalité car ses prêts destinés au financement de centrales thermiques à charbon ont progressé de 648% ces dernières années. Par ailleurs, le point d'orgue de l'intervention de l'économiste Najib Akesbi qui, au passage, est avec deux autres enseignants marocains en procès contre la Banque mondiale dans l'Affaire «RuralStruc», est lorsque celui-ci a clamé : «en matière de gouvernance, avant de donner des leçons, la Banque mondiale devrait d'abord balayer devant sa porte». Au final, au regard de la teneur des débats lors de la conférence organisée par Attac Maroc, difficile d'affirmer que le bilan de la Banque mondiale en un demi-siècle de présence au Maroc soit positif. Certains ont même estimé qu'elle a privé l'administration marocaine de ses meilleurs talents en finançant la politique des départs volontaires massifs.