* La région Euromed fait moins bien que prévu. * Le Maroc a fait du projet un choix stratégique. Il y a controverse sur le projet Euromed. Mais il y a consensus que la région fait moins bien que prévu», a affirmé Hassan Abouyoub. Intervenant à l'occasion d'une conférence-débat sur le thème « L'espace économique euro-méditerranéen : retombées de Barcelone, accords de libre-échange, perspectives de développement et d'investissement pour les entreprises de la région », l'ex-ambassadeur du Maroc en France, membre du Comité scientifique du forum de Paris, a souligné qu'«il y a décalage à plusieurs niveaux entre la région Euromed et d'autres régions » et de préciser que « malgré les efforts déployés, le défi de la compétitivité reste à relever. La région est en deçà du niveau souhaité ». Abouyoub a indiqué lors de cette conférence organisée le 2 mars par la Chambre française du Commerce et de l'Industrie que «notre région recule par rapport à l'Inde et la Chine et ne pourra pas rattraper les Etats-Unis». Dans le domaine de la répartition public-privé, il y a aussi un décalage. «Le privé est toujours moins performant que le public. L'Europe, a-t-il expliqué, a besoin à terme de 40 millions de personnes pour faire tourner sa machine de production. Notre région, pour sa part, va dégager un surplus de 40 millions. Le taux d'épargne qui évolue actuellement entre 20 et 30% va baisser à 8% en 2050». Abouyoub a rappelé que «le Maroc a fait de son insertion à l'Euromed un choix stratégique». «Un choix qui s'est heurté à plusieurs défis à relever, notamment pour le développement durable, le niveau élevé d'illettrisme, le phénomène de l'immigration clandestine et aussi des disparités sociales». «Malgré l'échec du processus de Barcelone, l'Europe doit continuer dans son uvre d'intégration euroméditerranéenne. Les intérêts sont communs. Elle doit regarder plus au Sud», a indiqué Abouyoub. «L'engagement européen doit s'accentuer davantage, notamment au niveau de l'investissement, de l'économie et de l'éducation ». Le processus de Barcelone n'a pas excité l'opinion publique et n'a pas résisté à la crise européenne. Abouyoub a aussi donné un aperçu sur la réalité des données de la région Euromed. «Le taux de croissance reste très bas par rapport à d'autres régions, a-t-il relevé ; la région du Sud-Est asiatique réalise des performances avec une croissance de 7% par an. En Euromed, le taux ne dépasse pas la moyenne des 3%. Alors qu'en Amérique du Nord le taux est de 4,5%. La FBCF est de 20% du PIB, mais elle ne cesse de baisser. Elle va atteindre à terme les 15%». En matière d'innovation et de progrès technologiques, Abouyoub a reconnu que « la région est quasi-absente si l'on compte le nombre de brevets dans le domaine des NTIC en comparaison avec d'autres régions ». Le conférencier a relevé par ailleurs d'autres défis et d'autres contraintes qui pèsent sur la région, à savoir les ressources naturelles, notamment l'eau et l'énergie. «Plusieurs pays méditerranéens sont confrontés au stress hydrique, a souligné Abouyoub. Le phénomène ne peut qu'impacter le développement économique et la compétitivité de ces pays». Et d'ajouter que «la question énergétique affecte sérieusement la croissance de certains Etats». «Face au constat d'échec du processus de Barcelone, il est clair que les pays de l'Euromed doivent chercher une alternative». Abouyoub préconise, dans ce cadre, «de chercher à faire de la Méditerranée un ensemble cohérent et d'accélérer le processus d'intégration Nord-Sud». Il a affirmé également que «l'une des choses qui peut sortir la rive Sud de la Méditerranée de son marasme est le développement des ressources humaines». «Nous avons un arrimage extraordinaire avec l'Europe, a-t-il estimé, il ne faut pas rater la dernière rame du métro pour rejoindre le Club des pays développés. Nous avons fait beaucoup d'erreurs mais nous avons appris de nos erreurs». Il a affirmé que «en deux ans, on a dépassé beaucoup de tabous. L'un des tabous, c'est dire ce que nous sommes». Abouyoub n'a pas manqué de signaler les avantages comparatifs du Maroc : «Le Royaume a les meilleurs avantages pour être le meilleur pays du Maghreb, notamment en matière d'attrait des investissements étrangers», a-t-il précisé. Abouyoub a déploré «le blocage de la construction maghrébine, l'une des conditions essentielles pour l'intégration régionale. La seule entité régionale qui fonctionne est l'Union européenne, malgré ses problèmes». «Il y a des conditions préalables pour l'intégration qui ne sont pas remplies», a relevé Abouyoub. «Parmi ces conditions figure la coopération interrégionale. Le conflit entre le Maroc et l'Algérie sur le Sahara marocain est un sérieux handicap pour assurer l'intégration », a-t-il précisé.