Le Musée de Bank Al-Maghrib rend, depuis le 28 novembre dernier et jusqu'au 30 mars 2014, un hommage particulier au peintre Mohamed Kacimi. Une grande rétrospective qui présentera ses travaux depuis 1965 à 2003, date de sa disparition. Cette exposition, attendue depuis longtemps, a été rendue possible depuis le dénouement de sa succession, survenu il y a si peu. Mohamed Kacimi est l'un des grands peintres marocains ayant dominé le champ culturel des années soixante-dix et quatre-vingt ! Poète, écrivain et peintre avant-gardiste, il s'est tracé son propre chemin en intégrant les techniques diverses, multiples et parfois opposées même. L'œuvre de Kacimi retrace quarante ans de l'histoire artistique du Maroc, et l'exposition qui lui est consacrée survient dix ans après sa disparition rapide, alors qu'il était à l'âge d'une maturité où se croisaient plusieurs interrogations philosophiques et s'affirmait une technique de synthèse. Ce sont quelque 55 œuvres qui sont exposées, qui ont été réalisées entre 1965 et 2003. Elles appartiennent pour la plupart à la collection «Equilibre», dont le lancement remonte à l'année 1965. Mohamed Kacimi n'était pas le peintre isolé de son milieu, ou même de ses milieux. Son œuvre est une interrogation permanente dans un champ menacé par le conformisme. Il a accompagné les patients de l'hôpital psychiatrique de Berrechid, y installant un atelier ouvert, leur prêtant une écoute attentive, traduisant leurs états d'âme et se faisant même leur porte-parole ! Créateur de thématiques, il a ainsi lancé «La Grotte des temps futurs», les «Sept Haïks», un travail de réhabilitation des tanneurs à Marrakech, la Muraille de l'église de Grenoble, les succès de la Turquie visitée à travers un angle de richesses culturelles ! Colleté à l'événement, Feu Kacimi en était le sondeur et le témoin direct ! Mais aussi celui qui le restituait dans ses amplitudes. Il était de toutes les batailles, philosophe tranquille, mais remueur, agitateur d'idées, il était parti explorer l'art en Irak en 1973, à un moment où le Bâathisme du régime de Baghdad imposait une manière de vivre sous contrôle, au Liban ensuite, qui explosait sous les feux de la guerre civile, à Sabra et Chatila dans les camps palestiniens calcinés...Représentant de la peinture abstraite, il mettra à profit ses voyages dans la dure réalité pour se reconvertir à une nouvelle technique qui le conduira sur d'autres sentiers : «Atlassides à Shéhérazade», «La mémoire de Noor» et les voyages en Afrique, croquée à travers des dessins. C'est un grand hommage que Bank Al-Maghrib consacre au peintre des douleurs ! Un hommage à la mesure d'une œuvre d'inquiétude, de mélancolie joyeuse.