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CHU Ibn Rochd de Casablanca : De mal en pis !
Publié dans Finances news le 14 - 11 - 2013

Les urgences du CHU Ibn Rochd de Casablanca drainent plus de 7.330 patients par mois, toutes pathologies confondues.
Le secteur de la Santé est également responsable de l'augmentation du taux de mortalité des accidents de la voie publique.
Depuis l'instauration du Ramed, l'activité du service d'accueil des urgences a été multipliée par deux.
Casablanca, dernière escale de notre enquête. Même si elle est la capitale économique du Maroc, elle est également la ville où les disparités sociales sont les plus criantes. Casablanca fait face à des dysfonctionnements dans différents secteurs, notamment la Santé.
Exemple accablant, les services d'urgences du CHU Ibn Rochd de Casablanca. Vendredi 8 novembre, une foule se bouscule devant l'entrée des urgences, surveillée par deux agents de sécurité. La tension est perceptible. Des malades tentent d'entrer sans passer par l'accueil pour les formalités d'enregistrement, tandis que d'autres cherchent à rejoindre un membre de leur famille qui se trouve déjà à l'intérieur. Les vigiles, qui bloquent l'accès, tentent tant bien que mal d'expliquer qu'un malade ne peut être accompagné que par une seule personne pour éviter d'encombrer les lieux. En effet, cette structure est sollicitée aussi bien par les habitants du Grand Casablanca que par les malades d'autres régions du Maroc. Conçu vers la fin des années 90, le CHU Ibn Rochd était destiné à répondre aux besoins d'une population de 3 millions d'habitants. Aujourd'hui, alors que la population a plus que doublé, les urgences se trouvent dans une saturation maximale.
«En l'état actuel des choses, le service des urgences du CHU de Casablanca ne peut plus gérer le flux massif des malades qui arrivent quotidiennement», précise le Pr Khaleq Khalid, Chef de service des urgences par intérim.
C'est ce que nous avons pu constater lors de notre visite. De la salle d'examen au service de radiologie, en passant par les salles de soins, les services sont archi-combles.
Des personnes pleurent, d'autres font des va-et-vient entre les services pour qu'on prenne en charge leur malade, d'autres encore sont allongés sur les bancs de la salle d'attente se tordant de douleurs. En salle d'examen, deux médecins internes auscultent, dans des conditions déplorables, 3 à 4 malades à la fois. Ces patients, qui attendent depuis environ 2 à 3 heures, seront ensuite acheminés vers les autres services des urgences où là encore, ils devront patienter entre 2 à 3 heures. Face à ce débordement, la tension monte souvent d'un cran entre malades (ou leurs familles) et le personnel médical. Le manque de communication, de confiance et de compréhension créent une tension entre les deux parties.
L'atmosphère au sein des urgences est électrique, chargée de frustrations, de colères et d'incompréhension. La situation peut rapidement dégénérer et les confrontations sont ici monnaie courante. «Cela fait 7 ans que je suis affecté à ce poste; je peux vous assurer que la population est devenue de plus en plus agressive. Pour accomplir notre travail et faire respecter les consignes de l'hôpital, nous sommes toujours insultés et même agressés, soit par les malades eux-mêmes, soit par leur famille», nous confie Aziz Al Mansour, Chef de poste de sécurité au sein des urgences du CHU de Casablanca. Malades et corps soignant ont du mal à accorder leur violon.
Il est 14h 30min, les patients sont de plus en plus nombreux et les couloirs envahis par les chariots et les brancards; mais aussi par les familles. Il arrive qu'un seul malade se retrouve accompagné de 3 à 4 personnes. «Nous sommes venus avec notre père, sinon il risque de rester toute la journée assis sur cette chaise sans qu'on ne lui prête aucune attention», nous confie le fils d'un patient.
Il faut dire aussi que ce sont les familles qui se chargent de transférer leur malade d'un service à un autre en l'absence de brancardiers. «Aujourd'hui, nous n'avons pas de brancardier. Un projet de sous-traitance avait été initié, mais n'a pas abouti», confie Khaleq Khalid.
L'équipe des urgences du CHU de Casablanca est constituée de 4 professeurs et 7 médecins en formation, soit au total 11 médecins qui sont présents à temps plein. A côté, il y a des médecins spécialistes qui sont sollicités en cas de besoin et qui assurent les consultations aux urgences. Quant aux infirmiers, le service souffre d'une réelle pénurie pour deux raisons. D'une part, les départs en retraite qui ne sont pas remplacés et, d'autre part, les infirmiers qui sont en arrêt de travail à cause de maladies chroniques. Il y a également beaucoup de demandes de mutation à cause du stress et de la surcharge de travail.
Il est 15h, l'activité n'a pas diminué. Bien au contraire, l'afflux augmente de plus en plus. Les ambulances se succèdent devant les urgences, transportant surtout des accidentés de la voie publique (AVP). Ce sont ces derniers qui arrivent en pole position des pathologies traitées aux urgences. D'après le chef de service des urgences, «nous recevons en moyenne 4 à 5 accidentés (AVP) de gravité variable. Ces accidents sont fréquents dans toute la région du Grand Casablanca, à savoir Berrechid, Khouribga, El Jadida, Settat... Aucune structure à l'état actuel ne prend en charge les traumatisés graves».
Aucune prise en charge des accidentés sur le lieu de l'accident
Le sang continue à couler sur nos routes. En 2012, sur 67.515 accidents, 4.055 personnes ont perdu la vie. Souvent, les accusations sont portées contre les conducteurs ou le ministère de l'Equipement à cause de l'état des infrastructures routières. Or, le secteur de la Santé a également une part de responsabilité. En d'autres termes, la prise en charge d'un accidenté doit commencer sur place en dispensant les premiers soins et en stabilisant les cas les plus graves avant de les transporter. En France, par exemple, les patients sont médicalisés sur les lieux de l'intervention avant d'être transférés vers le service adapté d'un centre hospitalier.
Cela nécessite, bien évidemment, des moyens techniques spécifiques et des ressources humaines très qualifiées. Ce qui n'est malheureusement pas le cas chez nous. Au Maroc, c'est la Protection civile qui s'occupe d'acheminer les AVP dans des ambulances souvent non équipées.
Non seulement les victimes ne reçoivent aucune prise en charge sur place, mais elles sont transférées d'un hôpital à l'autre dans des conditions non médicalisées pour finir dans les couloirs d'une réanimation, faute de place. Une perte de temps précieux qui réduit considérablement les chances de vie des victimes.
L'activation du projet du SAMU est, aujourd'hui, plus que primordiale si l'on veut réduire le taux de mortalité des accidentés de la circulation. Cela permettra aussi de faciliter la tâche du personnel au sein des urgences pour qu'il puisse réagir plus rapidement et efficacement.
Aucune coordination entre les hôpitaux
Il est 16h, à la réanimation du CHU Ibn Rochd de Casablanca, 8 patients sont entre la vie et la mort. Une salle de seulement 8 lits installés côte-à-côte, sans séparation, ni cloison et donc dépourvue de toute isolation sachant que les urgences du CHU accueillent plus de 7.330 patients par mois toutes pathologies confondues.
La réanimation est saturée, mais les malades continuent d'affluer aux urgences, avec notamment les transferts des différents hôpitaux de la région. D'après le professeur Khaleq Khalid, à partir de vendredi jusqu'au lundi matin, le nombre des transferts augmente considérablement.
«Nous appelons cela dans notre jargon le syndrôme du vendredi après-midi», précise-t-il. Ce constat est a priori fréquent. Les week-ends et les jours fériés, les hôpitaux de la région transfèrent leurs malades vers les urgences du CHU de Casablanca sans au préalable les avertir pour s'assurer qu'il y a des places libres en réanimation ou dans d'autres services. Un manque de coordination entre les différents hôpitaux qui n'est pas sans conséquence sur la vie des cas graves.


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