Les derniers rapports émis par BAM et la TGR laissent entrevoir un tableau macroéconomique avec des indicateurs contrastés. Le pays renoue avec la croissance, même si le profil de cette dernière suscite des interrogations. Quant aux finances publiques, des indicateurs laissent certains observateurs dubitatifs sur le timing de leur assainissement. Comme un épisode s'apparentant à du déjà vu, le énième rapport de la Banque centrale (BAM) du 24 septembre 2013 vient confirmer une fois de plus une situation macroéconomique pour le moins préoccupante. Dans le tableau que dresse BAM, les comptes extérieurs tirent leur épingle du jeu en consolidant leur embellie (allégement du déficit commercial de 3,1% par rapport à août 2012). Les réserves de devises ne sont pas en reste, car elles se sont accrues de 4,3% pour atteindre 150,2 Mds de dirhams. Par contre, le manque de liquidités bancaires qui s'est accru de 17,2 Mds de DH par rapport au trimestre précédent et la décélération du taux d'accroissement des crédits bancaires (-1%) semblent définitivement confirmer une perception quasi unanime au niveau national, celle de leur caractère éminemment structurel. Au risque de nous répéter, ces deux déficits qui se sont transmués en une donne structurelle, traduisent une économie souffrant d'asthénie et à bout de souffle. Cela peut être aisément démontré par le ralentissement de la croissance non agricole. Celle-ci n'était que de 1,9% au premier trimestre 2013 contre 4,1% au quatrième trimestre 2012. En revanche, la valeur ajoutée des activités agricoles a enregistré une progression (+17,7%), portant la croissance économique à 3,8%. Cette dernière est certes en progression par rapport à l'année dernière, mais elle a été essentiellement tractée par les activités agricoles. Et pourtant, les experts du CMC n'ont cessé de tirer la sonnette d'alarme sur les dangers du profil de cette croissance, du fait que l'agriculture ne garantit guère un essor économique durable en raison des aléas climatiques et de son faible effet d'entraînement sur l'emploi. D'ailleurs, les derniers chiffres du marché du travail de 2013, font état d'une aggravation du chômage à 8,8% contre 8,1% l'année dernière. A ces données mettant en évidence une situation macroéconomique à laquelle il est impérieux de remédier, s'adjoignent des finances publiques toujours chancelantes. L'horizon 2016, qui devrait marquer, selon le gouvernement, l'année de l'équilibre des finances publiques, est-il tenable ? Une évolution qui laisse perplexe A ce stade, il ne serait pas inapproprié de rappeler que depuis près de cinq années, les inquiétudes sur l'état des finances publiques n'ont pas faibli. Le point d'orgue de ces craintes est sans doute marqué par l'année 2012 où le déficit budgétaire avait franchi la barre des 7% du PIB. Un an après, les dernières estimations de BAM tablent sur un déficit budgétaire de 5,5% à fin décembre 2013. Ces dernières statistiques attestent d'une dynamique enclenchée pour rééquilibrer les finances de l'Etat. Au demeurant, la spirale de la dette dans laquelle le pays s'enferme de plus en plus, selon le professeur Najib Akesbi, semble immuable au regard de la fulgurante progression du stock de la dette extérieure par rapport à décembre 2012. Chiffres à l'appui, le dernier bulletin de la TGR relatif à la dette extérieure mentionne un accroissement de 12 Mds de DH. Il en est de même pour la dette intérieure (estimée à 397 Mds de DH) qui a brillé par sa hausse par rapport à l'année précédente (+10,9%). Comme nous le savons tous, l'endettement au Maroc n'est qu'une suite logique d'une baisse des recettes publiques couplées à l'augmentation des dépenses de l'Etat. Les données arrêtées à fin août 2013 par la TGR révèlent une augmentation de 0,5% des recettes ordinaires en comparaison avec l'année dernière. En revanche, ces efforts sont littéralement annihilés par l'importante hausse des dépenses ordinaires (+4,7%). En disséquant la nomenclature de ces dépenses, on observe entre autres, une hausse de 19% des charges de la dette et de 18,6% des dépenses des biens et services. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, les dépenses d'investissement accusent une baisse (-1,6%), et ce, en dépit des promesses faites par le gouvernement, suggérant que la fameuse coupe budgétaire de 15 Mds de DH n'impacterait en rien le niveau d'investissement public. Ces éléments suscitent des interrogations sur la maîtrise et l'opportunité des dépenses publiques. Pendant ce temps, le Trésor public continue à faire les frais de ce déséquilibre proéminent des finances publiques, puisque son solde affiche un déficit qui s'est accentué de 9 Mds de DH. Plus édifiante encore, est la part qu'occupent les dépenses du personnel puisqu'elles ont absorbé 51,4% des recettes de l'Etat. Cela peut légitimement remettre en selle le débat sur la masse salariale en comparaison à la qualité des services publics fournis. Motifs de satisfecit ? Le dernier rapport de BAM (troisième trimestre 2013) laisse entrevoir un motif d'espérance pour résorber le tarissement de la liquidité bancaire. Il s'agit, en l'occurrence de l'amélioration des dépôts bancaires. Ces derniers ont connu une progression soutenue de 5,8% en août 2013 contre 4,1% un mois auparavant. Du reste, ce serait trop vite aller en besogne, d'affirmer d'ores et déjà que le rythme de croissance des dépôts en vue serait assez soutenu au point de pallier le tarissement de la liquidité bancaire. Et pour cause, le cash au niveau des banques reste tributaire d'autres facteurs (réserves en devises, endettement du Trésor sur le marché domestique, réserves obligatoires etc.). Et pour l'heure, l'intervention du Trésor sur le marché intérieur ne cesse de s'intensifier. Celui-ci a recouru au marché des adjudications pour un montant de 39,1 Mds de DH contre 29 Mds de DH l'année dernière. Cette sollicitation plus accrue du marché intérieur n'est guère de nature à faciliter une amélioration de la liquidité bancaire. Par ailleurs, sur le front des dépenses publiques, la baisse des dépenses de compensation (-8,8%) retient le plus l'attention. Actualité oblige (effervescence autour de l'indexation, encouragements du FMI). A ce titre, Il convient d'espérer que cette réduction des dépenses de compensation ne soit pas uniquement le fruit d'une baisse des cours du pétrole mais la conséquence d'une réforme en profondeur. Au final, ce tour d'horizon montre que beaucoup de chemin reste à faire pour retrouver des indicateurs macroéconomiques sains, à même de renforcer l'attractivité du pays et d'améliorer le climat des affaires.