La situation de la CMR est la plus préoccupante : la dette du régime non couverte, accumulée à l'horizon 2060, est estimée à 583 Mds de DH. La Cour des comptes met à nu les dysfonctionnements des différents régimes de retraite. Il fallait un rapport de la Cour des comptes pour mesurer avec pertinence la situation catastrophique dans laquelle se trouve le système actuel de retraite au Maroc. Et le diagnostic de l'institution présidée par Driss Jettou est sans appel : il faut réformer le système actuel d'urgence. Une réforme qui ne sera pas une sinécure, tant les dysfonctionnements relevés par le rapport sont nombreux et inquiétants : diversité et non convergence des régimes, faible couverture des actifs (33% de la population active, soit 3,4 millions d'actifs sur 10,5 millions), absence de passerelle entre les régimes, non pérennité et déséquilibre structurel des régimes... C'est sur ce dernier point d'ailleurs que le constat est plus alarmant, d'autant que selon les projections actuarielles à l'horizon 2060, le total des engagements non couverts des différents régimes, actualisé à fin 2011, s'élève à 813 Mds de DH. Avec, de surcroît, des déficits financiers attendus dès 2014 pour la CMR, 2021 pour la CNSS et 2022 pour le RCAR. «La situation du régime des pensions civiles de la CMR est la plus préoccupante et la plus urgente à traiter», insiste cependant la Cour des comptes qui précise que dès 2014, «le solde technique va s'inscrire dans un trend baissier irréversible». Avec comme conséquence des réserves qui vont décroître pour s'inscrire dans le rouge dès 2021. Ainsi, la dette du régime non couverte, accumulée à l'horizon 2060, est estimée à 583 Mds de DH. Et le seul moyen pour que ce régime puisse continuer à servir le même niveau de prestation jusqu'à cet horizon est de porter le taux de cotisation à 52%, ce qui, souligne le rapport, «est évidemment intenable». A l'origine de ce déséquilibre financier structurel, il y a d'abord la générosité «excessive» du régime : pour toute année de cotisation, le régime offre une annuité de 2,5%, soit un taux de remplacement qui peut atteindre 100% du dernier salaire. Ce taux d'annuité élevé pouvait être justifié au moment où l'assiette de calcul des pensions était limitée au salaire de base. «Or, depuis l'élargissement de cette assiette à la totalité de la rémunération, ce taux de remplacement devient l'un des principaux facteurs d'aggravation du déséquilibre du régime», note le rapport. L'autre facteur de déséquilibre concerne la prise en compte du dernier salaire comme assiette de liquidation, au lieu d'un salaire moyen de la carrière ou d'une partie de la carrière : une situation qui pousse à servir des pensions élevées, en déphasage avec le niveau des cotisations consenties. A cela s'ajoute le volet démographique qui constitue actuellement un facteur aggravant pour un système de retraite fonctionnant par répartition. En effet, souligne la Cour des comptes, «le rapport démographique est passé de 12 actifs pour un retraité en 1986, à 6 en 2001, 3 en 2012 et devrait atteindre 1 dès 2024, date à partir de laquelle le régime comptera plus de retraités que d'affiliés cotisants». Le RCAR mieux loti que la CMR et la CNSS Ce régime devrait certes connaître un déséquilibre financier, mais moins grave que celui de la CMR ou de la CNSS. Son solde financier deviendrait négatif à partir de 2022 et les réserves ne seraient épuisées qu'en 2042. Le RCAR reste handicapé par la revalorisation des pensions, lesquelles sont indexées sur l'évolution du salaire moyen du régime. Selon la Cour des comptes, cela risque de poser des contraintes pour le financement de la revalorisation, comme par exemple «dans le cas d'une baisse importante des rendements des réserves du régime, surtout quand la conjoncture est défavorable». Tout autant, ce régime aura les mêmes contraintes démographiques que la CMR à l'horizon 2060 : le rapport démographique passera de 3 actifs pour un retraité à 0,8 à partir de 2045. Cela, à cause notamment de la stabilité des cotisants au moment où les retraités vont être multipliés par 4. La dégradation du rapport démographique touchera également la CNSS (de 9,6 actuellement, il s'établira à 3,9 en 2060), régime fragilisé par la sous tarification des droits pendant les 15 premières années d'activité. En cela, les projections actuarielles font ressortir un solde technique et financier négatif à partir de 2021 et des réserves entièrement épuisées en 2030. «Elles confirment également le déséquilibre de ce régime qui a accumulé à fin 2011 une dette implicite non couverte d'un total de 197 milliards DH», indique la Cour des comptes, non sans préciser que «pour que le régime puisse continuer à fonctionner jusqu'en 2060 selon les mêmes paramètres, il serait nécessaire de porter le taux de cotisation à 16,63% au lieu de 11,89% actuellement». Par ailleurs, même s'il a beaucoup évolué, le taux de couverture de la population des salariés reste insuffisant (72% en 2011 contre 43% en 2005). Celui de retraite réel l'est encore moins : à fin 2012, un total de près de 622.000 assurés inactifs ont atteint l'âge légal de 60 sans avoir pu cumuler 3.240 jours de cotisations nécessaires à l'ouverture du droit à une pension de retraite.