Rebelote : le scénario de 2004 se répète. Le Groupement des pétroliers du Maroc lance un appel urgent à lEtat pour le remboursement des arriérés dus à la Caisse de compensation. Faute de quoi, une crise de la distribution serait inévitable. Une crise de distribution des produits pétroliers se dessine. «En labsence dune intervention du gouvernement dans les plus brefs délais, on risque datteindre la catastrophe et des problèmes dapprovisionnements, voire une pénurie en produits pétroliers qui devrait toucher plusieurs régions du Royaume», affirme Roger Millier, président du Groupement des pétroliers du Maroc et directeur de Shell Maroc. Il est à préciser que les sociétés de distribution de carburant et de gaz ont accumulé depuis 2005 près de 5 milliards de DH darriérés de remboursement de la Caisse de compensation et, de ce fait, nombre dentre elles connaissent de graves difficultés financières. Dès lors, le GPM lance un appel pressant aux pouvoirs publics pour que cette situation natteigne pas un point de non-retour tant pour les opérateurs que pour les consommateurs. Faut-il rappeler que le secteur est parmi les plus réglementés et contrôlés par lEtat. Lessentiel des arriérés concerne le butane. Le butane est un produit de type social utilisé par 99% des ménages marocains pour la cuisson, la production deau chaude et le chauffage. La croissance de lutilisation du butane est 3 fois supérieure à la croissance démographique et atteint actuellement 1.300.000 tonnes par an. Tous les produits pétroliers ont connu deux augmentations cette année à part le butane. «La Caisse ne remboursant pas ses dettes, certaines sociétés ne peuvent plus payer leurs fournisseurs et assurer la continuité des approvisionnements, ce qui risque davoir rapidement un impact sur la distribution des produits pétroliers et leur disponibilité pour le consommateur», a expliqué Roger Millier. «Il faut savoir que, suite à la hausse des prix du pétrole, les prix de vente aux consommateurs ne reflètent plus ceux du marché international», précise-t-on du côté du GPM. «En effet, indique-t-on au GPM, les sociétés de distribution achètent les produits pétroliers à des prix supérieurs à leur prix de vente structuré; le différentiel est indûment mis à leur charge, dans lattente de remboursement par la Caisse. Mais leur trésorerie ne peut plus supporter de tels coûts». LEtat régulateur Le rôle de lÉtat est central dans le secteur. En effet, il impose que le prix de vente public du butane en bouteilles (3,30 DH le kg) reste constant, quel que soit son coût sur le marché international et prévoit une subvention à hauteur de 65% du prix de vente public. Le prix intérieur du butane na subi aucune augmentation depuis le mois de septembre 2000 et bénéficie actuellement dune subvention de 26 DH pour la bouteille de 12 kg et 7 DH pour la bouteille de 3 kg. LEtat couvrant à ce titre un montant de près de 2,5 milliards de DH par an. Ce système impose aux distributeurs de vendre le gaz à un prix inférieur à son coût de revient. En contrepartie, lÉtat sest engagé à combler cette différence par un subside versé aux distributeurs par la Caisse de compensation. Cet organisme, depuis quelque temps, est dans une situation financière difficile et ne peut de ce fait honorer ses engagements vis-à-vis des distributeurs. Cette situation est la conséquence directe de la flambée des prix des produits pétroliers. La Caisse de compensation est incapable aujourdhui de régler la totalité des subventions nécessaires aux sociétés pétrolières, notamment pour le gaz butane. Pour rappel, en 2004, 70% du déficit de la Caisse de compensation, estimé à plus de 2 milliards de DH, étaient dus à linsuffisance des ressources pour soutenir le prix du gaz butane». Un membre du GPM affirme qu« il est clair que cette situation ne peut durer. Lavenir des 17 sociétés distributrices est en jeu. La perturbation de la distribution ou quasiment son arrêt serait fatal aussi bien pour nos entreprises que pour les consommateurs et vous pouvez imaginer le coût social ! Cest depuis la hausse des prix internationaux des produits pétroliers en 2000 que lÉtat nassure plus dune manière régulière le paiement des subsides aux sociétés de distribution de gaz butane. Il est urgent de revoir en profondeur ce système». Du côté du ministère des Finances, on indique que «lEtat respecte ses engagements et le payement des arriérés nest quune question de temps», et de préciser que «les cours du pétrole sont arrivés à des niveaux qui dépassent de loin les bases retenues pour la Loi de Finances 2005, ce qui a accentué davantage le déficit budgétaire». Il est à souligner quun projet pour la réforme des textes concernant la Caisse de compensation est toujours à létude. Aucune visibilité pour linstant Pour le GPM, les nombreuses démarches et propositions faites par les sociétés de distribution nont permis délaborer aucune solution durgence pour le court terme et encore moins leur donner une visibilité pour 2006. En effet, le butane représente 20% du total de la consommation des produits pétroliers au Maroc. Les 30 millions de bouteilles de gaz (de 3, 6 et 12 kg) actuellement en circulation appartiennent à 17 sociétés de distribution qui emploient environ 13.000 personnes dans leur réseau dimportation, demplissage et de commercialisation. Les investissements des entreprises du secteur sont extrêmement importants : 3,7 milliards de DH investis de 1995 à 2003 et 2 milliards étant programmés entre 2003 et 2005. Pour le GPM, «le système actuel a montré ses limites. LÉtat a déterminé un prix de vente public du butane à un niveau inférieur au prix dachat du gaz sur le marché international. Une compensation des entreprises assurant le service de distribution est donc indispensable». Le prix de vente public étant figé et les prix internationaux du gaz étant particulièrement volatiles, lÉtat a imaginé un système de péréquation à partir des produits pétroliers liquides. Cest une ponction sur ceux-ci qui alimente la Caisse de Compensation, qui, à son tour, subventionne le butane. Depuis avril 2004, cette péréquation nest plus possible: cest la Caisse qui doit maintenant verser des subsides aux pétroliers. Dans le système réglementé actuel, cest lÉtat qui se substitue à linteraction normale de loffre et de la demande. Or, le mécanisme particulier mis en place (Caisse de Compensation) a déjà prouvé dans un passé récent quil devait être appuyé par le budget général de lÉtat pour compenser un dysfonctionnement interne structurel.