Les arriérés de l'Etat envers les distributeurs de produits pétroliers atteignent 5 milliards de DH à la fin octobre. Un déséquilibre qui menace la survie de ces entreprises et pourrait exposer le Maroc à des ruptures d'approvisionnement. Les distributeurs de produits pétroliers et de gaz s'acheminent vers une grave crise financière. Dans un communiqué daté du 13 octobre 2005 (voir www.aujourdhui.ma), le groupement affirme que certains de ses membres ne peuvent plus payer leurs fournisseurs et assurer la continuité des approvisionnements. Problème qui risque d'avoir rapidement un impact sur la distribution des produits pétroliers et le consommateur. D'ici 15 jours, la situation risque d'être intenable, affirme un opérateur, excluant d'emblée certaines mesures qu'il juge inefficaces comme les facilités de Trésorerie pour le paiement de la Taxe intérieure de la consommation (TIC) : seul le déblocage de la situation, par le paiement des arriérés peut sauver la situation,rappelle cet opérateur. Pour les entreprises concernées, les prix de vente aux consommateurs ne reflètent plus ceux du marché international. «Les sociétés de distribution achetant ainsi les produits à des prix supérieurs à leur prix de vente structuré, le différentiel est indûment mis à leur charge, dans l'attente de remboursement par la Caisse. Mais leur trésorerie ne peut plus supporter de tels coûts », indique le Groupement des Pétroliers du Maroc. Les retards de règlement de l'Etat vis-à-vis de ses sociétés est vertigineux : 5 milliards de dirhams entre le mois de janvier 2005 et la mi-octobre. Aussi, ne pouvant plus s'approvisionner auprès du fournisseur principal (la Samir), faute de liquidités, nombre de distributeurs ont entamé leurs stocks de sécurité. Une démarche lourde de conséquence pour l'approvisionnement du pays. De son côté, la Samir, en se retrouvant avec une «surliquidité énergétique», est plus que jamais exposée à un problème de trésorerie au niveau de ses fournisseurs à l'international. En aval, la production d'électricité de l'ONE (dépendante en partie des sociétés de distribution) risque d'être perturbée. Pour désamorcer la crise, le président de la Fédération de l'énergie, Moulay Abdallah Alaoui, pense que l'Etat doit rapidement débloquer de l'argent pour baisser la tension sur la trésorerie de ses entreprises. «Certes, le Trèsor ne peut guère débloquer d'un seul coup 5 milliards de dirhams. Mais on peut donner une avance et établir un échéancier fixe pour le règlement du reliquat». Et de poursuivre : «plus on tarde à régler ce problème, plus il sera difficile de revenir à la normale !» A la fin décembre, le total dû aux sociétés pétrolières passera à 7 milliards de dirhams, auxquels s'ajouteront bientôt 9 milliards de dirhams en 2006, si l'on s'en tient aux dernières informations sur la loi de Finances (une prévision de prix de baril ramené à 50 dollars au lieu des 60). En tout, le déséquilibre pourrait atteindre 16 milliards de dirhams à la fin de l'année prochaine. Ce qui fait dire à M. Alaoui, partisan d'un «nouveau deal» en matière de politique énergétique, que le Maroc n'aurait jamais dû abandonner la politique d'indexation. «Finalement, avec le système de compensation qui est d'essence politique, conçue pour stabiliser les prix, pour des questions sociales et d'ordre public, l'on se retrouve avec des sociétés de distribution supportant la politique de l'Etat dans un rôle régalien». Vu l'urgence de la situation où se trouvent leurs trésoreries, ces entreprises en viennent même à oublier les problèmes structurels que sont la marge du carburant, la marge du butane et le financement des stocks de sécurité et taxes. Pour le président de la Fédération de l'énergie, il est aussi temps de revoir la politique énergétique du pays dans sa globalité et de diversifier le bilan en incluant le gaz naturel et l'énergie nucléaire, option qui a permis à la France de parvenir à produire 50% de ses besoins. «Il y va, déclare-t-il, du pétrole comme du gaz butane, vendu à un prix trop bas». La bonbonne de 12 kgs coûte 40 dirhams au lieu de 70 dirhams. Pour les sociétés de distribution de produits pétroliers qui envisagent de protester dans les jours qui viennent si rien n'est fait, l'urgence est au paiement des arriérés. Il y va de la fiabilité de tout le système d'approvisionnement du pays.