◆ L'application de l'avis sur des règles comptables dérogatoires émis par le Conseil national de la comptabilité suite à la demande du Comité de veille économique, vise à alléger les charges des entreprises pour l'exercice 2020. ◆ Cette mesure devrait permettre aussi de soutenir les recettes fiscales de l'Etat qui seront amoindries à cause de la crise sanitaire.
Par B. Chaou
Plusieurs entreprises au Maroc vivent très mal l'impact de la crise sanitaire dû au Covid-19, certaines ont même déposé leurs bilans. C'est à cet effet qu'une panoplie de mesures a jusqu'ici été décidée par le Comité de veille économique (CVE) en faveur des entreprises en difficulté, afin qu'elles puissent surmonter cette crise. Le CVE a dans ce sens saisi le Conseil national de la comptabilité (CNC) afin d'examiner les modalités de mise en œuvre, dans ce contexte exceptionnel, des règles comptables dérogatoires. Le CNC a émis un avis visant trois points essentiels : l'étalement sur une période de cinq ans des dons afférents à la période de l'état d'urgence sanitaire, la possibilité d'étalement de certaines charges sur plusieurs exercices ainsi que le respect des spécialisations de l'exercice. Alléger les charges des entreprises Interrogé sur l'enjeu de ces mesures, Issam El Maguiri, expertcomptable, fondateur du cabinet El Maguiri & associés, explique : «Durant cette situation exceptionnelle, les règles fiscales et comptables, ainsi que l'ensemble des règles de gouvernance posaient problème. Il fallait donc s'adapter à la situation actuelle. Le Comité de veille économique s'est adressé à chaque partie afin de réagir à la crise, et les comptables ne font pas exception. L'application de l'avis émis par le Conseil national de la comptabilité suite à la demande du CVE vise à alléger les bilans des entreprises impactées par la crise sanitaire à travers l'étalement de certaines charges sur des années différées». Justement, ces charges, de par leur importance et en raison de leur lien avec le maintien en activité des entreprises, peuvent être étalées sur les prochains exercices. Ce traitement permettra d'atténuer le choc sur les résultats nets des sociétés. «Il s'agit principalement de charges liées à la sous-activité pendant la période d'arrêt des entreprises causée par le Covid-19, et qui sont comptabilisées durant le même exercice. On parle ici de charges de structure comme les charges salariales, ou encore les charges locatives ainsi que les charges financières». Cette mesure est également bénéfique pour l'Etat, afin d'éviter qu'il ne se retrouve sans ressources, car la baisse de résultats des entreprises induit inéluctablement une baisse de la charge fiscale. Soutenir les recettes fiscales de l'Etat N'oublions pas que les dons adressés au Fonds spécial par plusieurs grandes sociétés marocaines et étrangères à coup de milliards de DH, pouvaient «assécher» les résultats de ces entreprises dans la mesure où la Direction générale des impôts a émis un avis précisant que les dons en liquide versés au fonds Covid-19 sont intégralement déductibles de la base imposable. Selon l'ancien président de l'Ordre national des experts-comptables, «cet étalement des charges des entreprises sur des années différées et l'étalement de la déductibilité des dons alloués au fonds Covid-19 sur cinq ans, permettra de soutenir les recettes fiscales de l'Etat qui seront amoindries à cause de la crise sanitaire. L'objectif de l'Etat est de ne pas subir d'un seul coup une grande perte des recettes fiscales». Spécialisation des exercices Pour en revenir à l'avis du CNC, l'un des trois points essentiels, à savoir la spécialisation des exercices, doit obligatoirement être pris en compte, car faisant partie des principes comptables et aussi pour ne pas alourdir les bilans des entreprises pour 2020. Selon Mohamed Boumesmar, expert-comptable, président de la Commission comptabilité des OPCI, «l'épidémie du Covid-19 est un élément qui n'a produit ses effets qu'en 2020. Ainsi, tous les éléments comptables mentionnés au 31 décembre 2019 sont évalués sans tenir compte des conséquences survenues en 2020, car la pandémie du Covid-19 n'a été décrétée au Maroc qu'en mars 2020. Si jamais un évènement est survenu après le 31 décembre 2019, et ayant des effets significatifs sur l'entreprise, celle-ci doit en faire mention dans l'état des informations complémentaires des impacts connus. A mon sens, si une entreprise dit être en difficulté à cause d'un élément exceptionnel survenu après le 31 décembre 2019, c'est qu'elle avait déjà des problèmes auparavant».