El Houssaine Houssifi, expert-comptable de CHH Audit, nous explique la notion de crédit TVA et la différence entre le caractère ponctuel et structurel de l'apport de la titrisation pour résorber en partie le problème de la règle du butoir. Finances News Hebdo : Pouvez-vous rappeler à notre lectorat la notion de crédit TVA ? El Houssaine Houssifi : La taxe sur la valeur ajoutée repose sur le principe de la neutralité concurrentielle. Elle est supportée par le consommateur final. Elle ne doit en aucun cas se traduire de façon négative sur les opérateurs économiques. Ceux-ci jouent le rôle de simples collecteurs. En vertu de ce mandat, les assujettis procèdent au reversement de l'excédent de la TVA collectée auprès de leurs relations commerciales sur la TVA décaissée à leurs fournisseurs. Il arrive, et ce pour plusieurs raisons, que la TVA collectée ne peut éponger la TVA décaissée. Il en découle un crédit TVA. Ce dernier peut revêtir, en raison des considérations économiques, juridiques, voire fiscales, un caractère conjoncturel ou structurel. Si dans le premier cas, l'apurement se fait de manière normale selon la cadence des affaires, le second fait appel, pour sa régularisation, à l'intervention de l'Etat, garant de la neutralité concurrentielle de la TVA. F. N. H. : Justement, comment se manifeste l'intervention de l'Etat pour la régularisation du crédit TVA ? E. H. H. : Il est capital de rappeler que le droit de remboursement est ouvert, en vertu des dispositions fiscales en vigueur aux opérateurs réalisant des opérations exonérées ou, sous régime suspensif, aux opérateurs ayant cessé leurs activités; aux entreprises assujetties qui ont acquitté la taxe à l'occasion de l'importation ou de l'acquisition locale des biens visés par l'article 92; aux entreprises de crédit-bail bénéficiant du droit au remboursement relatif au crédit de taxe déductible non imputable selon les modalités prévues par voie réglementaire. L'intervention de l'Etat prend la forme de chèque de remboursement du crédit en souffrance. Ce remboursement constitue l'aboutissement des opérations de contrôle de conformité, de concordance et de réalité effectuées par l'administration fiscale. Ledit remboursement, doit intervenir, à en croire les dispositions du CGI, dans un délai maximum de trois mois à partir de la date de dépôt de la demande. Pour plusieurs raisons, l'apurement des dossiers accuse des retards et le principe de la neutralité devient en danger. En effet, le retard dans la liquidation des dossiers se traduit de façon négative sur la trésorerie et la rentabilité des entreprises. Les opérateurs se trouvent contraints de financer le besoin en fonds de roulement généré par le crédit TVA en faisant recours aux banquiers et ce, moyennant des agios. On ne dispose pas de statistiques sur le montant des crédits en souffrance mais à notre sens il devrait être pris en ligne de compte dans l'endettement interne de l'Etat. F. N. H. : Quelles sont les mesures prises par l'Etat pour apurer ce crédit TVA ? E. H. H. : Nul ne peut ignorer les efforts déployés par l'Etat pour procéder à l'apurement des dus des contribuables concernés. Seulement, devant la loi des grands nombres et la donne économique, la cadence de l'apurement n'est pas régulière. Dans le cadre de pousser les entreprises à la transparence, l'Etat a introduit la notion de la catégorisation. Celle-ci repose sur un système de notation qui permet aux entreprises de bénéficier d'un système de traitement préférentiel. En effet, une entreprise remplissant les conditions requises verra ses demandes de remboursement traitées dans les meilleurs délais et son crédit remboursé sans retard conséquent. Seulement, les conditions exigées ne sont pas à la portée de plusieurs operateurs et le processus de la catégorisation ne profitera qu'à une petite poignée d'entreprises. F. N. H. : Comment la titrisation du crédit TVA peut-elle concourir à la résolution des problèmes de trésorerie des entreprises ? E. H. H. : Cette disposition a été annoncée lors des dernières Assises nationales sur la fiscalité. Elle consiste à transformer les arriérés en matière de crédit TVA en des titres de créances négociables. La démarche veut que les dus soient transformés en des titres, des bons du Trésor par exemple, remboursables sur une période déterminée et sur la base d'un taux préférentiel. A travers cette opération, les créances des opérateurs économiques deviendront liquides et permettront de parer les difficultés de trésorerie qui marquent les années en cours. Reste que les modalités pratiques ne sont pas encore dévoilées.