Ce pourrait bien être l'impôt phare de la loi de finances 2011. La taxe sur la valeur ajoutée (TVA) se positionne, selon certains observateurs, en première ligne pour bénéficier d'aménagements dans le cadre du budget en préparation. «L'administration fiscale a montré une disposition à faire quelques concessions pour réformer la TVA dans le cadre de la loi de finances 2011», confie-t-on de source proche de la CGEM. Tout porte donc à croire que cette fois sera la bonne, sachant que le chantier accuse le coup des années puisque la réforme de la TVA a fait partie des objectifs des gouvernements successifs depuis l'avènement de l'alternance en 1998. Mais le gouvernement en a-t-il vraiment les moyens aujourd'hui ? Le report de la réforme de la TVA était justifié sur les dernières années par le fait qu'il est difficile d'opérer des aménagements simultanément pour la TVA et pour les autres impôts, notamment ceux prélevés sur les sociétés (IS) et sur le revenu (IR). Il fallait en effet laisser le budget de l'Etat digérer les aménagements, touchant ces deux derniers impôts, qui ont eu une ampleur notable sur les recettes fiscales, avant de pouvoir revoir à la baisse les taux de TVA. L'on pourrait juger le contexte plus favorable maintenant que le choc de la baisse des rentrées fiscales est passé. Mais il faut aussi compter avec le fait que le ministère de l'Economie et des finances a établi jusqu'à présent les impôts indirects (dont fait partie la TVA) comme pivot de la fiscalité dans le cadre de la réforme entamée. En effet, pour compenser les manques à gagner budgétaires nés entre autres des baisses de l'IR et de l'IS, les Finances se sont attelées à maximiser les recettes de la TVA par des augmentations de taux et par des suppressions d'exonérations sur les cinq dernières années. Des aménagements qui n'ont pas été sans susciter les contestations des opérateurs qui parlent d'ailleurs de réforme inachevée s'agissant de TVA. Les Finances changeront-elles donc de doctrine pour le budget en préparation ? La perspective paraît compromise car la TVA est en concurrence avec un autre chantier de réforme tout aussi mobilisateur de budget et tout aussi vital : l'incitation à l'épargne longue. L'urgence en est étayée par la situation actuelle difficile des finances publiques. Le déficit budgétaire s'aggrave mois après mois et la contrepartie mécanique en est une hausse de la dette du Trésor. Mais les Finances n'ont pas tellement de latitude pour s'endetter. Le faire sur le marché international semble difficile vu les turbulences que traverse l'économie mondiale. Et s'endetter sur le marché domestique suppose l'existence d'une épargne abondante et longue, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle. D'où la nécessité d'instaurer des mesures en faveur de l'épargne. Si, comme on le dit, celles-ci étaient effectivement mises en place, le budget accuserait de fait un manque à gagner, car certaines des mesures adoptées pour drainer l'épargne consisteraient nécessairement en incitations fiscales. Cela paraît contraindre les chances de la réforme de la TVA. Du moins celle-ci pourrait s'opérer mais plus dans la ligne adoptée ces dernières années, à savoir dans le sens d'une maximisation des recettes de la TVA par l'augmentation des taux et une réduction des exonérations. L'argument de la relance économique Tout l'opposé de ce qu'espère le patronat. Celui-ci a focalisé l'essentiel de ses efforts sur la TVA dans le cadre des recommandations présentées récemment par la CGEM pour l'élaboration de la loi de finances 2011. La confédération patronale a néanmoins bien peaufiné son argumentaire pour faire mouche. Pour rappel, ses revendications dans le cadre de la loi de finances 2011 vont d'abord dans le sens de la baisse du taux supérieur de la taxe, celui-ci devant passer de 20% à 16%, selon la CGEM. Aussi, le patronat prône la mise en place d'un taux préférentiel «social» autour de 10% qui remplacerait les quatre taux existant actuellement qui sont 0%, 7%, 10% et 14%. Pour faire passer ces révisions de taux, notamment celles qui vont dans le sens de la baisse, le patronat avance qu'elles contribueraient essentiellement à renforcer la relance de l'économie. Cela devrait se faire à travers deux leviers : l'encouragement de la consommation intérieure et la reprise de l'investissement. S'agissant du premier levier, la baisse de la TVA participerait à encourager la demande intérieure car, faut-il le rappeler, cette taxe vient renchérir le prix répercuté sur le consommateur final. L'idée est donc de diminuer les prix payés par ce dernier au moyen d'une baisse de la TVA, ce qui aurait pour effet d'accroître la consommation. S'agissant du second levier se rapportant à la relance de l'investissement, il est jugé que la TVA dans sa configuration actuelle constitue un surcoût pénalisant pour l'investissement. Certes, l'entrepreneur en est exonéré sur les 24 premiers mois de fonctionnement. Mais dans la pratique ce délai est jugé insuffisant car l'entrée en pleine activité n'intervient que très rarement dans cet intervalle. Partant, c'est une exonération de la TVA sur tous les investissements qui est proposée par la CGEM indépendamment de l'âge de l'entreprise. L'autre volet de revendications du patronat se veut également d'intérêt général puisque se rapportant à la problématique du butoir. Celle-ci touche les entreprises qui collectent la TVA à un taux inférieur au tarif auquel elles s'approvisionnent en intrants ou en matériel. C'est par exemple le cas d'une entreprise qui achète ses intrants à 20% et qui facture ses prestations à 7 ou 14%. En règle générale, la TVA est censée être une taxe neutre, l'entreprise ne faisant que la collecter pour le compte de l'Etat. Or les entreprises en proie au phénomène du butoir pâtissent d'une différence de taux entre la TVA collectée et celle décaissée et, du coup, au lieu de devoir remettre à l'Etat la différence de TVA elles se retrouvent avec un crédit de TVA que les impôts doivent lui restituer. Sachant que ces crédits sont très souvent remboursés avec un mois de retard, il en ressort un besoin en fonds de roulement supplémentaire pour les entreprises et un poids additionnel sur leur trésorerie et ce sont les PME et les TPE qui en souffrent le plus. En lien, le patronat revendique la suppression du décalage d'un mois pour la récupération de la TVA, ceci revient également, selon la CGEM, à améliorer les délais de traitement des remboursements de cette taxe. En somme, réformer la TVA ou inciter à l'épargne longue, les deux chantiers s'avèrent l'un comme l'autre vitaux et incontournables... C'est dire si les Finances auront à ménager la chèvre et le chou.