La hausse du taux de la TPPRF de 10 à 15% risque d'être sans effet sur la sphère de l'investissement producteur de l'emploi et de la croissance. En ce qui concerne le taux d'IS réduit de 10%, le comportement des agents économiques ne va pas changer en raison d'une disposition momentanée ou, du moins, dont on n'en connaît pas la durée. El Houssaine Houssifi, expert-comptable DPLE, livre des cas pratiques de certains loupés de la LF 2013. Finances News Hebdo : La Loi de Finances 2013 a procédé au relèvement du taux de la TPPRF (taxe sur les produits de placements à revenu fixe) de 10% à 15%. À travers cette mesure, le gouvernement prétend viser la consolidation des moyens de financement des entreprises. Quelle est votre propre appréciation sur cette mesure ? Houssifi El Houssaine : La revue à la hausse du taux de la TPPRF de l'ordre de 5 points permet de limer la profitabilité des placements effectués par les associés. Cette solution pourrait contraindre ceux-ci à réviser leur politique de distribution des bénéfices et à prôner ainsi la voie de la rétention. Seulement, cette augmentation n'est pas si significative pour contraindre la convoitise des investisseurs avides de dividendes. En outre, cette période marquée par une crise économique risque d'inciter les associés à récupérer le fruit de leurs placements et de ne pas le réinvestir. Aussi, le manque de visibilité et l'absence d'un indice relatif à un avenir prometteur font-ils obstacle au réinvestissement des fonds retenus. À mon avis, cette mesurette sera sans effet sur la sphère de l'investissement producteur de l'emploi et de la croissance. Elle aura pour seul bienfait de rétablir l'équité fiscale entre les salaires et les capitaux. Le mobile avancé par le gouvernement pour rendre cette mesure attrayante s'émousse devant l'introduction de la contribution à la cohésion sociale, assise sur le résultat net comptable et imposée aux entreprises. F. N. H. : La LF 2013 a également prorogé la réduction d'impôt en cas d'augmentation de capital. Que pensez-vous de cette disposition ? H. E. : A titre de rappel, cette mesure permet aux bénéficiaires de profiter d'une réduction de l'impôt sur les sociétés à hauteur de 20% du montant de l'augmentation de capital opérée. La réduction promise sera, en cas d'afflux important, largement compensée par la recette générée par les droits d'enregistrement rendus fixes à 1.000 DH. Cette mesure se traduira sans aucun doute sur l'autofinancement et la consolidation des moyens de financement des entreprises. En revanche, il est difficile d'imaginer, en cette période couverte par plusieurs zones d'ombre, un recours massif à des augmentations de capital qui ne font qu'augmenter le gage des créanciers. En outre, l'augmentation de capital non accompagnée par un projet de développement très réfléchi viderait cette disposition de sa substance et la vouerait à l'échec. D'ailleurs, il faut garder à l'esprit que cette disposition est reconduite pour la énième fois et attend toujours acheteur. II faut reconnaître que la période est mal choisie pour instaurer une telle disposition. F. N. H. : L'IS a été réduit de 10% en faveur des PME.dans cette LF 2013. Cette disposition pourrait-elle améliorer la compétitivité de la PME? H. E. : Cette mesure profitera aux entreprises réalisant un bénéfice fiscal inférieur ou égal à 300.000 DH. Il s'agit d'un clin d'œil marquant la reconnaissance du gouvernement marocain d'une masse importante des entreprises marocaines, laquelle constitue l'épine dorsale de l'économie marocaine et qui regorge de richesses. Néanmoins, il ne faut pas s'attendre à ce que cette mesure ait un effet immédiat sur les résultats des entreprises. En effet, le comportement des agents économiques ne va pas changer en raison d'une disposition momentanée ou du moins dont on ne connaît pas la durée. Dans ces conditions, les agents économiques peuvent l'interpréter comme une mesure d'appât à même de dévoiler des réalités. La fixation d'un horizon au moins à moyen terme permettrait d'instaurer la confiance et de garantir la réussite de la mesure. F. N. H. : Aussi, cette loi a-t-elle introduit la taxation des opérations de vente et de livraison des biens d'occasion. Ne pensez-vous qu'il s'agisse d'une nouveauté dans la mesure où elle s'applique sur la marge ? H. E. : Effectivement, il s'agit d'une nouveauté à mettre à l'actif de cette LF étant donné que l'assiette de la TVA est constituée par la marge. Une telle disposition devrait être accompagnée par une révision des dispositions du code général des impôts qui définit la TVA comme une taxe sur le chiffre d'affaires. Elle définit le CA comme étant le produit des ventes, qu'il soit encaissé ou acquis. La révision des dispositions fiscales, en pratique, avant l'entrée en vigueur du code général des impôts nous apprend que la taxation sur la marge n'est pas aussi nouvelle. Cette pratique répandue dans le secteur des agences de voyage a été, en principe, abandonneé si l'on croit un avis publié sur le site de la Direction générale des impôts. Le retour à l'imposition sur la marge rend légitime la pratique des agences de voyage et permet de l'aligner sur les pratiques sectorielles à l'international. F. N. H. : A la lecture des dispositions de la LF 2013, avez-vous relevé quelques mesures ayant une empreinte islamique ? H. E. : Il faut reconnaître que ces dispositions, notamment celles relatives à la cohésion sociale, nous rappellent les principes combien défendus par notre religion. Seulement, je m'attendais à ce que d'autres dispositions s'instaurent dans l'arsenal fiscal marocain. À titre indicatif, il est temps d'abandonner la déductibilité, aussi bien au niveau de l'IS, que de la TVA des dépenses afférentes à la publicité des boissons alcoolisées et aux produits nocifs à la santé comme le tabac. Nous attendions que notre législateur soit plus imaginatif en matière de production de solutions fiscales pouvant améliorer la productivité, la compétitivité et l'emploi. Nous faisons allusion notamment au fameux crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, et de crédit d'impôt pour la R&D.