Depuis plus d'une décennie, Bank Al-Maghrib a pu contenir l'inflation au Maroc. Une stratégie saluée par certains, mais qui présente des limites pour d'autres. La loi 76-03 portant statut de Bank Al-Maghrib confère, entre autres, à la Banque centrale les missions suivantes : émettre des billets de banque, veiller au bon fonctionnement du marché monétaire, contrôler le cadre du régime de change, superviser le système bancaire et, enfin, assurer la stabilité des prix. En d'autres termes, la lutte contre l'inflation, consacrée comme mission fondamentale par la loi susmentionnée, est le cheval de bataille de BAM, et depuis plus d'une décennie. En effet, depuis l'année 1998, BAM a réussi à confiner le taux d'inflation entre 0,7 et 3% au Maroc, à l'exception de l'année 2008 où ce taux culminait à 3,9%. Ce qui se justifiait par l'augmentation des prix des denrées alimentaires au niveau mondial, provocant ainsi la crise alimentaire et les émeutes de la faim qui ont suivi notamment en Egypte. Les récentes déclarations du gouverneur de BAM, Abdellatif Jouahri, lors de la conférence du 26 mars 2013 tenue à Rabat, attestent d'une tendance positive quant à l'évolution du taux d'inflation au Maroc. D'après lui, le taux d'inflation en 2013 gravitera autour de 2,2%, et les prévisions de 2014 sont tout aussi rassurantes. Et pour cause, le taux d'inflation au deuxième semestre de 2014 sera tout au plus 1,6%. Si l'on se refère au carré magique de l'éminent économiste britannique Nicolas Kaldor, situant à 2% un taux d'inflation idéal, il est sans conteste que BAM a atteint amplement ses objectifs en matière de stabilisation des prix. La subvention, facteur structurant de la stabilisation des prix Si, globalement, le taux d'inflation reste autour de 2% au Maroc et est donc maîtrisé par l'entremise de BAM, il convient aussi de signaler que les politiques de subvention de l'Etat pour certains produits de première nécessité permettent d'alléger substantiellement les tensions inflationnistes dans le pays. A titre indicatif, le taux d'inflation sous-jacent est maintenu en dessous de 1% au Maroc. Son calcul exclut les prix soumis à l'intervention de l'Etat (électricité, gaz, tabac, etc.) et les produits à prix volatils (produits pétroliers, produits frais, produits laitiers, viandes, ...) qui subissent des mouvements très variables dus à des facteurs climatiques ou à des tensions sur les marchés mondiaux. A la lumière de ce qui précède, il n'y a pas l'ombre d'un doute concernant l'efficacité de la politique monétaire adoptée par BAM en matière de lutte contre l'inflation. Les raisons d'assurer la stabilité des prix au Maroc sont pertinentes à plusieurs égards sous le prisme macroéconomique. A reppeler que l'inflation restreint l'épargne disponible pour financer l'économie. Elle renchérit aussi le coût de production des entreprises nationales qui, par contrecoup, perdent de la compétitivité par rapport aux entreprises étrangères. A contrario, certains macro-économistes au Maroc, et non des moindres, reprochent à la Banque centrale son ankylosement et le fait qu'elle érige en une priorité absolue la lutte contre l'inflation. Pourfendeurs de l'approche monétariste de l'inflation, ces experts préfèrent que BAM mène une politique monétaire plus dynamique, à même de combler le manque de liquidité notable dont l'économie nationale souffre. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, les dépenses de compensation (représentant 15% des dépenses publiques) tant décriées, et parfois sujettes à une avalanche de diatribes, concourent pourtant à la stabilisation des prix. Notons au passage que le gouvernement devra opérer un arbitrage délicat, il faut bien le reconnaître, entre le maintien ou la suppression de la Caisse de compensation, vu les brèches de plus en plus béantes qu'elle cause aux finances publiques et qu'il faudrait bien colmater afin de retrouver les chemins de l'équilibre budgétaire. Une politique différemment ressentie par les couches populaires Les prix sont relativement stables au Maroc, mais ce n'est pas ce que pense la moitié des Marocains, selon différentes enquêtes. Les personnes à faible revenu estiment que l'inflation est plus forte que celle mesurée. Le sentiment inflationniste est nourri par le fait que les prix ont tendance à augmenter pour les produits que les Marocains achètent quotidiennement (le tabac, les carburants, l'huile, etc.), alors qu'ils baissent pour des produits plus chers, mais achetés moins fréquemment (automobiles, appareils ménagers, matériel informatique, etc.). Plus généralement, on voit apparaître une disparité dans les évolutions de prix des produits locaux, dont les prix baissent peu ou augmentent, et celles des produits mondialisés, dont les prix baissent. Les prix des différents produits divergent et tous les Marocains ne subissent pas la même inflation. L'indice (IPC) mis en place par le Haut Commissariat au Plan reflète les dépenses d'un ménage moyen. Pourtant, les dépenses de tous les ménages ne sont pas identiques. Et ce sont bien les ménages les plus modestes, les plus nombreux, qui consacrent une part plus importante aux achats de biens quotidiens. Ils font ainsi face aux augmentations de prix les plus marquées. Toutes ces raisons nourrissent alors le sentiment d'une hausse de prix et d'une baisse du pouvoir d'achat au niveau national, que les chiffres traduisent mal parfois.