La partie au noir, versée pour lachat dun bien immobilier, est devenue une obligation de lavis de tous. Pourtant, en cas de non-conclusion du contrat de vente et de litige entre vendeur et acquéreur, la jurisprudence ne donne pas raison à la partie lésée, lacheteur en loccurence, puisquaucune trace de la somme versée ne figure dans le compromis de vente, encore moins sur le contrat final. Acheter un bien immobilier nest pas une mince affaire puisquil faut déjà trouver limmobilier objet dachat et les moyens pour lacquérir. En outre, les choses ne sont pas aussi simples parce quune composante, jadis peu courante, est venue sajouter à la longue liste des obstacles à dépasser avant dobtenir «la clé». En effet, lacquéreur doit marchander aussi bien le prix du bien immobilier qui sera déclaré que la partie au noir quil doit verser au vendeur. Pratiquement, plus personne ny échappe. Pour un notaire de la place, le vide juridique concernant cette pratique en fait un acte toléré et conventionnel même. Pourtant, «cest un acte auquel le notaire ne prend pas part. En général, lacheteur et le vendeur du bien immobilier sentendent en dehors de mon bureau et une fois en ma présence, ils me communiquent le prix qui figurera sur lacte de vente», nous avoue un notaire de la place. Mais, il affirme que 100 % des personnes ayant recouru à ses services ont versé la partie au noir. Sur un premier plan, aussi bien le vendeur que lacquéreur y trouvent leur compte, puisque pour le premier cela revient à verser une taxe moindre sur les biens immobiliers à vendre. Pour lacheteur, il sagira de diminuer les frais denregistrement auprès de la direction générale des impôts. Pour ce dernier, cette pratique représente deux difficultés majeures. Dabord, sur le plan financier. Il doit mobiliser une grosse somme à payer au noir sans compter les 10 % du prix du bien immobilier quil doit verser à la banque qui le finance. La partie au noir peut représenter jusquà 21 % de la valeur réelle du bien immobilier. Ce fut le cas par exemple, pour C. Abdelilah, employé de fonction, qui a dû verser 80.000 DH au noir pour lachat dun logement dont le prix inscrit sur lacte de vente est de 380.000 DH. Soit plus de 21 % de la valeur réelle de lappartement versés au noir. En réalité, lappartement à coûté 460.000 DH. Idem pour B. Assia, employée, qui a acquis un appartement dont la valeur réelle dépasse les 600.000 DH alors que le prix déclaré au fisc est de 500.000 DH seulement. Plus de 100.000 DH ont été versés au noir. Une somme quelle a dû mobiliser sans recourir à son banquier. A ce titre, certaines banques proposent aujourdhui non pas un financement à 100 % pour lachat dun appartement, mais bien 120 % puisque la partie au noir est devenue «obligatoire», pour réussir un achat immobilier. Si ces deux personnes ont pu concrétiser lachat, dautres non. Cest là le deuxième risque, de nature judiciaire, que représente la partie au noir. Quand lacte de vente nest pas conclu, lacheteur se retrouve dans une situation délicate. Car, «la partie au noir nest pas déclarée dans le compromis de vente. En général, elle est versée au vendeur juste après la signature de ce compromis. Cest une sorte de condition pour que le vendeur conclue lacte de vente», souligne notre notaire. Rien ne garantit à lacquéreur de récupérer la partie au noir puisque tout dépend de la bonne foi du vendeur. Encore faut-il quil en ait ! Et comme le compromis de vente ne porte aucune trace dargent versé; le recours en justice ne garantit pas à lacheteur dêtre rétabli dans son droit. Ainsi, la jurisprudence ne donnera pas raison à la partie lésée. Lacheteur, en labsence de preuve concrète, ne peut prouver quil y a eu versement dune partie au noir. Le rôle du notaire, en tant quautorité publique, est dinformer ses clients de léventualité dun litige. «En général, je préviens mes clients du risque de verser de largent sans aucune preuve matérielle. Dailleurs, jai eu dernièrement un cas où lacheteur na pu décrocher un prêt bancaire alors quil avait conclu un compromis de vente depuis plusieurs mois. Le vendeur, sétant senti lésé, a refusé de rendre la partie au noir à lacheteur. Ce dernier parle davance quil a faite, mais légalement aucune trace de cet argent ne figure sur le compromis. Dans une situation pareille, le notaire ne peut pas intervenir et lacheteur na aucun recours. Cest pourquoi je conseille à mes clients de notifier la partie au noir en tant quadditif. Je change la clause du prix. Mais, comme cela revient à déclarer le prix réel du bien immobilier, le vendeur peut refuser de le faire !», explique le notaire. Même si le contrat de vente est conclu sans problème, lacheteur et le vendeur ne sont pas au bout de leur peine puisque la direction générale des impôts peut procéder à la révision de la valeur réelle du bien immobilier enregistré. Ainsi, si cette direction se doute que le prix figurant sur lacte ne correspond pas à la valeur réelle du bien immobilier, elle procède dès lors à une révision qui peut aboutir rapidement à une augmentation de la TBI pour le vendeur. Il doit donc régler la différence entre ce quil a payé et ce quil devait payer. Et au bout dun certain temps, lacquéreur est sommé à son tour de régler la différence entre les frais denregistrement quil a payés et le vrai montant quil devait verser à la direction des impôts. Ceci étant, cette révision à elle seule ne peut pas éradiquer cette pratique, mais peut la réduire considérablement. Cest probablement lunique façon de détecter si oui ou non il y a eu «fraude», puisque même si un texte de loi interdisant cette pratique existe, le fait que celle-ci seffectue à linsu du notaire lui-même, signifie que seule une vraie expertise peut abroger cette pratique qui peut léser plus dun. Surtout quand on sait que pour certains, acheter une maison est la consécration de toute une vie.