Justice, éducation, inclusion des femmes dans les différentes stratégies sectorielles sont autant de leviers prioritaires à prendre en considération. Le boycott est une exception alors que la participation est la règle, souligne Nabila Mounib, présidente du Parti Socialiste Unifié, concernant le référendum et les législatives passées. - Finances News Hebdo : Quelle place accorde-t-on à la question de la femme sur le champ politique national ? - Nabila Mounib : Je pense que la situation de la femme marocaine aujourd'hui est complexe. Elle est au cœur de la problématique du changement démocratique attendu parce que la cause de la femme ne concerne pas que les femmes, leur statut et leur situation dans la société marocaine, mais elle est au centre même de la lutte pour la construction démocratique. Et c'est la raison pour laquelle l'une des questions fondamentales qui demeure encore est la question de l'établissement d'un Etat de droit. Les droits, tous les droits et les libertés pour les femmes. Vous n'êtes pas sans savoir qu'aujourd'hui, il y a une crise multiple et plurielle que connaît le monde et à tous les niveaux, sur le plan éthique même. Au niveau du monde maghrébin et arabe, il y a un début de renaissance et de revendications démocratiques qui placent la femme au centre de ses préoccupations. Malheureusement, l'on constate d'emblée qu'avec l'organisation d'élections anticipées qui ont suivi les révoltes populaires survenues en Tunisie, en Egypte... et même au Maroc, avec le mouvement du 20 février, la montée des courants islamistes constitue une réelle menace pour les droits de la femme. C'est la raison pour laquelle il faut se mobiliser davantage que par le passé. En Egypte, ces islamistes essayent d'appliquer certains comportements dramatiques de la Charia en reparlant du mariage des fillettes à l'âge de 9 ans. Toujours en Egypte, on constate un net recul des droits de la femme. Au Maroc nous avons eu un gouvernement mené par le PJD avec une seule femme ministre, qui d'ailleurs ne représente qu'elle-même tant qu'elle persiste et signe pour le mariage des petites filles et qu'elle soit contre la CEDEF ! Il faut retenir que la question de la femme est au cœur de toute construction d'un Etat démocratique, elle est au cœur de la construction que l'on veut durable et au cœur du changement attendu pour l'accès à la justice sociale. Ce sont des points fondamentaux. Aujourd'hui, plus que par le passé, je pense que cette construction démocratique passe par l'intégration et la participation des femmes à tous les niveaux. - F. N. H. : Quels sont les leviers qui permettraient aux femmes cette inclusion ? - N. M. : Bien entendu, des chantiers doivent être ouverts et réformés comme c'est le cas pour la justice marocaine, l'accès à la justice et l'égalité devant elle étant des droits fondamentaux. Ce n'est pourtant pas toujours le cas, puisque nous avons encore des juges qui demeurent les gardiens du temple du conservatisme, étant misogynes, tout simplement. L'autre immense chantier qui devient d'une extrême urgence est celui de l'éducation, de la formation professionnelle et de la recherche de nouvelles issues pour les femmes dans le monde professionnel. Notamment dans les nouveaux métiers pour permettre aux Marocains de se développer en impliquant les femmes et les hommes dans tous les chantiers et projets sectoriels en cours dans le pays. - F. N. H. : Le nombre des sièges réservés aux femmes au Parlement a été augmenté. La parité a été constitutionnalisée. Mais cela se traduit-il forcément par une réelle prise de pouvoir et une influence sur la décision politique ? - N. M. : L'une des premières revendications a été la consécration de l'égalité entre les sexes dans la Constitution. C'est maintenant fait au niveau du texte ! Mais entre le texte et sa mise en application, se pose toute la question de l'effectivité des droits. Bien évidemment il a été fait mention dans la Constitution de la suprématie des lois et conventions internationales par rapport à la législation nationale. Cela n'est pas encore effectif ! Notamment la levée des réserves sur la CEDEF, pour abolir toute forme de discrimination à l'égard des femmes. Le deuxième volet de la bataille que l'on doit mener concerne les mentalités, surtout face à la récession culturelle que l'on connaît et qui tend à maintenir la femme sous tutelle. Je pense que là, il faudra une réelle volonté politique pour agir au niveau de l'école et également au niveau des médias pour changer l'image véhiculée de la femme marocaine. Vous savez, la volonté politique ne descend pas du ciel mais dépend de l'instauration même d'un Etat démocratique, elle dépend des institutions représentatives et qui sont capables de faire de nouveaux choix. En effet, les anciens choix ne sont ni en faveur de la femme ni en faveur de l'égalité, et, par conséquent, ne sont pas en faveur de la démocratisation de la société et de l'Etat marocain. Il faut aussi mener la bataille afin d'atteindre un statut de la famille qui soit égalitaire et démocratique. Ce n'est pas encore le cas malgré des avancées constatées. Et cela passe par faire davantage preuve de la nécessité d'inclure les femmes à tous les niveaux et la nécessité de leur émancipation, ce qui est une condition de l'émancipation de notre société. Pour cela, il faudra impliquer les intellectuels, les jeunes, les politiques et les femmes dans un élan de solidarité pour construire le Maroc de demain. Un Maroc démocratique et solidaire où pourra se réaliser la pleine citoyenneté pour les hommes et les femmes. - F. N. H. : Votre parti avait fait le choix de boycotter le vote de la Constitution et les législatives du 25 novembre dernier. Comment pensez-vous pouvoir aujourd'hui contribuer à l'établissement de l'Etat de droit ? Comment imaginez-vous votre action dans ce sens ? - N. M. : Effectivement, nous n'avons pas choisi le chemin qui soit le plus simple. Je pense qu'aujourd'hui nous nous positionnons de plus en plus clairement dans la constitution d'un courant démocratique bien visible et bien discernable à l'intérieur de notre société. Parce qu'il n'est pas question de laisser la place au conservatisme antidémocratiques par nature. Nous sommes pour la construction d'un Etat démocratique et nous avons boycotté la Constitution parce que nous pensons que nous vivons une période politique exceptionnelle dans toute la région, au Maroc également, nous sommes en droit, après avoir attendu 55 ans, d'obtenir une constitution qui soit véritablement démocratique et qui règle par là, définitivement, la question de la démocratisation de l'Etat. C'est-à-dire de passer à une monarchie parlementaire correspondant aux normes internationales. Cela n'a malheureusement pas été le cas. Nous avons également boycotté les élections parce que notre parti est dans la présentation d'alternatives, il a demandé à ce que 20 points soient inclus pour garantir la transparence des élections : on nous a refusé en bloc cette demande ce qui nous a poussés vers le boycott, qui reste une exception, car la participation c'est la règle ! Notre parti se renforce en interne et reconstitue ses sections centrales et régionales. Notre parti s'ouvre sur des partenaires politiques, sociaux, etc... animés par la même volonté de voir le Maroc évoluer rapidement vers la démocratisation souhaitée. Dossier réalisé par Imane Bouhrara