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Le Maroc en 2030
Publié dans Finances news le 19 - 05 - 2005

Le Souverain a donné les orientations et défini, dans le discours Royal prononcé devant le Parlement le 10 octobre 2003, les priorités du pays pour les années à venir. Le Forum qui a eu lieu les 13 et 14 mai avait pour objet de discussion ces grandes orientations, parmi lesquelles les secteurs de l’industrie et de l’agriculture ont suscité un large débat. Une chose est certaine : les intervenants ont eu le courage de dire ce qui ne va pas et ce qui doit être fait.
Un grand merci aux économistes, nationaux et internationaux, qui ont animé le Forum qui a eu lieu les 13 et 14 mai sous l’égide du haut commissariat au Plan autour du thème «Prospective : Maroc 2030». Ils ont eu le courage de dire ce qui ne va pas.
Le message était clair : ni notre agriculture ni notre industrie n’ont assez de force pour faire face aux exigences d’une totale libéralisation. Ce qu’il faut, c’est agir d’abord sur la base et se libéraliser en fonction de notre propre rythme de croissance.
Rythmons notre
libéralisation agricole
Les affirmations de Jean-Louis Reiffers, président du Conseil scientifique de l’Institut de la Méditerranée (France), sont susceptibles de laisser pantois tout marocain, analyste économique ou pas, se souciant de l’avenir de son pays.
Les études de l’Institut de la Méditerranéenne ont montré qu’en matière de commerce agricole, l’Europe a toujours fait en sorte de fausser les prix en subventionnant ses produits agricoles à l’importation comme à l’exportation. De ce fait, l’Institut prévoit un ralentissement des exportations marocaines de céréales, légumes et viandes et une amplification de l’exode rural. Alors quel avenir pour le Maroc face à une libéralisation totale du secteur agricole ?
Il faut dire que la libéralisation est certes porteuse d’avantages. Seulement, l’analyse ne doit pas être faite en terme absolu; ce qui suppose une comparaison avec les risques drainés par une libéralisation trop importante. Il est vrai que notre agriculture est devenue, au cours de ces dernières années, plus diversifiée et continue à couvrir d’une manière significative la demande nationale. Il est aussi certain qu’en dépit de la sécheresse et grâce à l’engagement étatique à long terme, la politique d’investissement soutenue et un cadre institutionnel flexible, l’agriculture représente toujours une part non négligeable du PIB et absorbe une part importante du chômage.
Mais il est également une certitude : le Maroc, en tant que pays à vocation agricole, souffre d’une capacité limitée d’extension de ses terres agricoles et d’un manque de matériels et compétences en agriculture utilisant la biotechnologie. En conséquence, les prix des produits agricoles sont difficiles à manipuler sauf par le biais des subventions. Une solution qui n’est pas très salvatrice à moyen et long termes.
Ce qu’il faut, en parlant de l’agriculture marocaine à l’horizon 2030, c’est mieux raisonner notre agriculture par rapport à l’eau, rompre avec les paradigmes d’autosuffisance alimentaire et créer les capacités nécessaires en investissement de savoir et de plate-forme agrotéchnologique. Rappelons à ce propos que l’Italie a pu diviser son coût de production agricole par «quatre» et faire exploser son volume de production grâce à la culture biologique. De même, cette même culture lui a permis de s’approprier une clientèle internationale prête à payer des prix majorés pour ce type de produits agricoles.
Bref, et comme Reiffers l’a précisé, «la libéralisation est une bonne chose pourvu qu’elle soit faite à notre propre rythme».
Surtout pas
d’optimisme exagéré
On est aujourd’hui dans une nouvelle ère, dans le sens où toutes les politiques industrielles à l’échelle mondiale sont en pleine mutation. Alors, doit-on craindre le pire : «la mort» de notre industrie ?
Cette question peut sembler pour certains trop pessimiste puisque nous avons certaines industries qui ont un avenir dans une économie mondiale où la concurrence se joue à grande échelle : confection, agro-industrie, agroalimentaire, nouvelles technologies, industries chimiques et parachimiques... Mais, il faut dire aussi qu’il vaut mieux être pessimiste que «trop optimiste». Faisons un décompte des points qui placent notre industrie dans la ligne de tir !
Primo, il y a un blocage lié au manque de la maîtrise des technologies et la faiblesse de la demande nationale. Un point qui explique le changement au cours des années 90 de notre politique industrielle. Secundo, nous souffrons d’un problème de vieillissement de notre industrie en raison du manque d’investissement de remplacement. Un phénomène qui ne cesse de s’accentuer à cause de la fiscalité (impôt de patente, reversement de la TVA sous certaines conditions…) et le durcissement du financement bancaire (un verrou que nos politiques industrielles n’ont pu débloquer).
Tertio, les stratégies de nos industries sont fondées sur une «compétitivité indifférenciée», c’est-à-dire une compétitivité coût fondée sur la baisse des salaires et non sur celle du transport et de la production qui est traditionnellement induite par le développement technologique.
Quarto, il y a le manque d’optimisation de la spécialisation et d’effets d’entraînement.
Quinto, le manque de mouvement de fusion pure, de fusions-absorptions et de stratégies d’alliance.
Sexto, le manque de relations en amont et en aval entre l’industrie et les autres acteurs du territoire.
Septimo, nos industries n’ont jusqu’à aujourd’hui ciblé que des marchés surchargés, alors que les marchés dits de «progression» (pays du Sud, l’Amérique Latine et l’Asie) ne sont pas ciblés…
Ce qu’il faut avoir à l’esprit, est que ce qui fait notre faiblesse fait la force de nos concurrents qui sont en train de se mondialiser selon de nouveaux modes dont les piliers sont la baisse du coût du transport et de la production par le développement technologique, les économies d’échelle et les effets de synergie tirés des mouvements de fusion sous leurs différentes formes.
Les pistes à suivre
Nous arrivons enfin au point le plus important : quelles pistes doit-on suivre pour nous en sortir adroitement ?
Les solutions sont connues de tout le monde. D’ailleurs, il n’existe pas 36.000 manières pour le dire : s’il n’y a pas de positionnement dans les secteurs stratégiques et une meilleure exploitation des espaces de valeur ajoutée, le déficit commercial risque de se dégrader. En plus, toute politique de création de richesses doit être précédée par une autre visant le positionnement de nos entreprises dans les activités d’avenir; c’est-à-dire qu’il faut songer à une spécialisation optimale dûment appuyée par des moyens d’accompagnement. Il faut aussi évincer la polarisation territoriale via des politiques de décloisonnement, sans oublier la nécessité d’un retour à une stratégie offensive dans l’industrie en usant de partenariats plus accrus entre l’Etat et le privé. Enfin, il faut innover en mettant en place un «système de veille» apte à prévoir le comportement des concurrents pour préserver ses parts de marché tout en grignotant celles de la concurrence. Faut-il rappeler que pour mieux agir, il faut anticiper ?
L’économie de savoir :
l’arme parfaite
«L’économie de savoir» n’est pas le savoir, le savoir-faire ou la technologie : elle est tout cela à la fois. Par économie de savoir, on doit comprendre l’aptitude à intégrer toutes ces composantes dans un produit, quelle que soit sa nature.
En réalité, l’ES est un slogan facile à brandir, mais extrêmement difficile à appliquer. Son application demande en effet une accumulation de capital très significative, c’est-à-dire d’importants débours en infrastructure.
La mesure de la participation de l’économie de savoir dans la richesse d’un pays se fait d’une manière indirecte. En effet, il suffit de déterminer la part de la richesse provenant de l’utilisation des deux facteurs de production, le capital et le travail, pour savoir le reliquat de cette richesse à imputer à l’économie de savoir. Ce reliquat est de 5,5% en Tunisie, alors qu’il est quasi inexistant au Maroc; ce qui oblige ce dernier, pour assurer sa croissance et sa survie dans l’économie mondiale, à redoubler d’efforts en matière de création d’emplois et d’investissement.


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