Le Souverain a donné les orientations et défini, dans le discours Royal prononcé devant le Parlement le 10 octobre 2003, les priorités du pays pour les années à venir. Le Forum qui a eu lieu les 13 et 14 mai avait pour objet de discussion ces grandes orientations, parmi lesquelles les secteurs de lindustrie et de lagriculture ont suscité un large débat. Une chose est certaine : les intervenants ont eu le courage de dire ce qui ne va pas et ce qui doit être fait. Un grand merci aux économistes, nationaux et internationaux, qui ont animé le Forum qui a eu lieu les 13 et 14 mai sous légide du haut commissariat au Plan autour du thème «Prospective : Maroc 2030». Ils ont eu le courage de dire ce qui ne va pas. Le message était clair : ni notre agriculture ni notre industrie nont assez de force pour faire face aux exigences dune totale libéralisation. Ce quil faut, cest agir dabord sur la base et se libéraliser en fonction de notre propre rythme de croissance. Rythmons notre libéralisation agricole Les affirmations de Jean-Louis Reiffers, président du Conseil scientifique de lInstitut de la Méditerranée (France), sont susceptibles de laisser pantois tout marocain, analyste économique ou pas, se souciant de lavenir de son pays. Les études de lInstitut de la Méditerranéenne ont montré quen matière de commerce agricole, lEurope a toujours fait en sorte de fausser les prix en subventionnant ses produits agricoles à limportation comme à lexportation. De ce fait, lInstitut prévoit un ralentissement des exportations marocaines de céréales, légumes et viandes et une amplification de lexode rural. Alors quel avenir pour le Maroc face à une libéralisation totale du secteur agricole ? Il faut dire que la libéralisation est certes porteuse davantages. Seulement, lanalyse ne doit pas être faite en terme absolu; ce qui suppose une comparaison avec les risques drainés par une libéralisation trop importante. Il est vrai que notre agriculture est devenue, au cours de ces dernières années, plus diversifiée et continue à couvrir dune manière significative la demande nationale. Il est aussi certain quen dépit de la sécheresse et grâce à lengagement étatique à long terme, la politique dinvestissement soutenue et un cadre institutionnel flexible, lagriculture représente toujours une part non négligeable du PIB et absorbe une part importante du chômage. Mais il est également une certitude : le Maroc, en tant que pays à vocation agricole, souffre dune capacité limitée dextension de ses terres agricoles et dun manque de matériels et compétences en agriculture utilisant la biotechnologie. En conséquence, les prix des produits agricoles sont difficiles à manipuler sauf par le biais des subventions. Une solution qui nest pas très salvatrice à moyen et long termes. Ce quil faut, en parlant de lagriculture marocaine à lhorizon 2030, cest mieux raisonner notre agriculture par rapport à leau, rompre avec les paradigmes dautosuffisance alimentaire et créer les capacités nécessaires en investissement de savoir et de plate-forme agrotéchnologique. Rappelons à ce propos que lItalie a pu diviser son coût de production agricole par «quatre» et faire exploser son volume de production grâce à la culture biologique. De même, cette même culture lui a permis de sapproprier une clientèle internationale prête à payer des prix majorés pour ce type de produits agricoles. Bref, et comme Reiffers la précisé, «la libéralisation est une bonne chose pourvu quelle soit faite à notre propre rythme». Surtout pas doptimisme exagéré On est aujourdhui dans une nouvelle ère, dans le sens où toutes les politiques industrielles à léchelle mondiale sont en pleine mutation. Alors, doit-on craindre le pire : «la mort» de notre industrie ? Cette question peut sembler pour certains trop pessimiste puisque nous avons certaines industries qui ont un avenir dans une économie mondiale où la concurrence se joue à grande échelle : confection, agro-industrie, agroalimentaire, nouvelles technologies, industries chimiques et parachimiques... Mais, il faut dire aussi quil vaut mieux être pessimiste que «trop optimiste». Faisons un décompte des points qui placent notre industrie dans la ligne de tir ! Primo, il y a un blocage lié au manque de la maîtrise des technologies et la faiblesse de la demande nationale. Un point qui explique le changement au cours des années 90 de notre politique industrielle. Secundo, nous souffrons dun problème de vieillissement de notre industrie en raison du manque dinvestissement de remplacement. Un phénomène qui ne cesse de saccentuer à cause de la fiscalité (impôt de patente, reversement de la TVA sous certaines conditions ) et le durcissement du financement bancaire (un verrou que nos politiques industrielles nont pu débloquer). Tertio, les stratégies de nos industries sont fondées sur une «compétitivité indifférenciée», cest-à-dire une compétitivité coût fondée sur la baisse des salaires et non sur celle du transport et de la production qui est traditionnellement induite par le développement technologique. Quarto, il y a le manque doptimisation de la spécialisation et deffets dentraînement. Quinto, le manque de mouvement de fusion pure, de fusions-absorptions et de stratégies dalliance. Sexto, le manque de relations en amont et en aval entre lindustrie et les autres acteurs du territoire. Septimo, nos industries nont jusquà aujourdhui ciblé que des marchés surchargés, alors que les marchés dits de «progression» (pays du Sud, lAmérique Latine et lAsie) ne sont pas ciblés Ce quil faut avoir à lesprit, est que ce qui fait notre faiblesse fait la force de nos concurrents qui sont en train de se mondialiser selon de nouveaux modes dont les piliers sont la baisse du coût du transport et de la production par le développement technologique, les économies déchelle et les effets de synergie tirés des mouvements de fusion sous leurs différentes formes. Les pistes à suivre Nous arrivons enfin au point le plus important : quelles pistes doit-on suivre pour nous en sortir adroitement ? Les solutions sont connues de tout le monde. Dailleurs, il nexiste pas 36.000 manières pour le dire : sil ny a pas de positionnement dans les secteurs stratégiques et une meilleure exploitation des espaces de valeur ajoutée, le déficit commercial risque de se dégrader. En plus, toute politique de création de richesses doit être précédée par une autre visant le positionnement de nos entreprises dans les activités davenir; cest-à-dire quil faut songer à une spécialisation optimale dûment appuyée par des moyens daccompagnement. Il faut aussi évincer la polarisation territoriale via des politiques de décloisonnement, sans oublier la nécessité dun retour à une stratégie offensive dans lindustrie en usant de partenariats plus accrus entre lEtat et le privé. Enfin, il faut innover en mettant en place un «système de veille» apte à prévoir le comportement des concurrents pour préserver ses parts de marché tout en grignotant celles de la concurrence. Faut-il rappeler que pour mieux agir, il faut anticiper ? Léconomie de savoir : larme parfaite «Léconomie de savoir» nest pas le savoir, le savoir-faire ou la technologie : elle est tout cela à la fois. Par économie de savoir, on doit comprendre laptitude à intégrer toutes ces composantes dans un produit, quelle que soit sa nature. En réalité, lES est un slogan facile à brandir, mais extrêmement difficile à appliquer. Son application demande en effet une accumulation de capital très significative, cest-à-dire dimportants débours en infrastructure. La mesure de la participation de léconomie de savoir dans la richesse dun pays se fait dune manière indirecte. En effet, il suffit de déterminer la part de la richesse provenant de lutilisation des deux facteurs de production, le capital et le travail, pour savoir le reliquat de cette richesse à imputer à léconomie de savoir. Ce reliquat est de 5,5% en Tunisie, alors quil est quasi inexistant au Maroc; ce qui oblige ce dernier, pour assurer sa croissance et sa survie dans léconomie mondiale, à redoubler defforts en matière de création demplois et dinvestissement.