Parmi les réformes importantes qui n'ont pas encore abouti, celle de la retraite occupe une place de choix. A l'automne 2016, une réformette, celle de la CMR, a vu le jour. La réforme globale, elle, traîne toujours.
Parmi les réformes importantes qui n'ont pas encore abouti, il y a celle relative à la retraite. Dans sa déclaration gouvernementale, le Chef de l'Exécutif, Saâd-Eddine El Othmani, a promis la poursuite de la réforme de la retraite amorcée par son prédécesseur. Pour autant, le traitement de ce dossier ne sera pas de tout repos pour l'actuelle équipe au pouvoir, car les syndicats sont aux aguets et aiguisent leurs armes pour faire valoir leurs revendications face à l'impact d'éventuels changements. Dans sa déclaration, le chef de gouvernement défend la réforme tant décriée par les syndicats, mise en place au forceps par Abdelilah Benkirane, tout en s'engageant à la poursuivre pour asseoir la réforme globale, celle qui doit assurer la pérennité du système, conformément aux recommandations de la Commission nationale des retraites. Le sujet devait même figurer dans la feuille de route des 100 premiers jours du gouvernement. Mais ce ne fut pas le cas. Le dossier est toujours en stand-by. Au courant de l'été dernier, plus précisément le 31 août, une réunion a eu lieu sur le système de retraite, mais sans que l'on sache dans le détail le contenu des débats. Contactés par nos soins, les directeurs des différentes caisses de retraite affirment que les travaux relatifs à la réforme globale des régimes de retraite sont toujours en cours. C'est une réforme de société d'envergure et l'accord des syndicats, représentants des salariés, revêt une grande importance. Le Chef de l'Exécutif en est bien conscient et souhaite prendre le temps qu'il faut pour aboutir à un consensus entre les différentes parties prenantes. Et ce, d'autant plus que la réforme paramétrique du régime des pensions civiles a été mise en place et donne une dizaine d'années de répit à ce régime. «La réforme paramétrique a permis de repousser la date d'épuisement des réserves à 2027 au lieu de 2022», affirme un responsable au sein de la CMR.
Un système de retraite bipolaire
Néanmoins, la réforme structurelle ou systémique est inévitable. «Elle intervient conformément aux recommandations de la Commission technique chargée de la réforme des régimes de retraite, qui avait élaboré, au début de l'année 2013, un mémorandum qui soutient un système de retraite bipolaire avec, d'une part un pôle public, regroupant la Caisse marocaine des retraites (CMR) et le régime collectif d'allocation de retraite (RCAR) couvrant les salariés du secteur public et semi-public, et d'autre part, un pôle privé regroupant la CNSS (Caisse nationale de la sécurité sociale) et la CIMR (Caisse Interprofessionnelle Marocaine de retraite) couvrant les salariés du secteur privé, dans la perspective de converger vers un système unique au niveau nationale», explique un responsable au sein d'une caisse privée. Et d'ajouter : «Un tel système aura l'avantage d'harmoniser les droits aux prestations entre l'ensemble des citoyens et assurera la pérennité des régimes à travers la mutualisation des risques». L'architecture du pôle public, regroupant le RPC et le RCAR, repose sur deux piliers : un régime de base obligatoire plafonné et géré par répartitions à prestations définies, favorisant la solidarité inter et intra générationnelle, et un régime complémentaire obligatoire plafonné au premier dirham à cotisations définies dont le mode de financement est à déterminer (répartition ou capitalisation). L'introduction d'une dose de capitalisation, comme recommandée dans le dernier rapport de la Cour des comptes, aiderait à corriger en partie les effets du vieillissement de la population et de la baisse inexorable des taux de remplacement. «Elle permettrait ainsi de diversifier le mode de financement de la retraite et, par conséquent, une meilleure maîtrise des risques en particulier le risque viager», explique Lotfi Boujendar, Directeur général de la CMR. Mais rien n'est encore tranché. Cette question reste liée au financement des engagements des régimes au titre des droits déjà accordés aux affiliés et suppose un développement plus rapide du marché financier et son ouverture sur d'autres modes de financement. Le temps presse et si rien n'est fait, allusion faite à la réforme systémique, la situation ne ferait que s'aggraver. Cela fait quatorze ans que se sont tenues les premières assises de la retraite. C'était en 2003. Finalement, ce n'est qu'à l'automne 2016 qu'une réformette, celle de la CMR, a vu le jour. Avec le précédent gouvernement, il y a eu plus de bas que de hauts dans le dialogue social. C‘est dire que l'actuelle équipe aux manettes a du pain sur la planche. Saâd Eddine El Othmani, que l'on dit moins rigide que A. Benkirane, saura-t-il concilier les positions des uns et des autres ? Parviendra-t-il à rétablir la confiance altérée et, surtout, se réconcilier avec le monde syndical pour faire aboutir ce chantier de société ? Quoi qu'il en soit, il a intérêt vu que l'étau se resserre. ■