Une croissance mondiale à trois vitesses. Zone Euro : les pays entrent un à un en récession. La compétitivité au Maroc balbutie. En 2011, la défaillance des entreprises marocaines est de l'ordre de 12%. Elle sera de 7% en 2012. La crise internationale continue de faire parler d'elle. La conférence organisée récemment par Euler Hermes avait pour objectif de passer en revue l'évolution de l'économie mondiale au cours de l'année 2011 et ses perspectives tout en se focalisant sur le cas du Maroc. Au cours de cette période très tumultueuse, comment le Maroc a-t-il navigué ? Telle a été la problématique à laquelle a essayé de répondre Ludovic Subran, chef économiste et Directeur de la recherche du groupe Euler Hermes (France). En 2011, la configuration de l'économie mondiale a complètement changé. On parle d'une Europe qui est entrée en récession et qui risque de connaître une contraction en 2012, et ce avec l'espoir d'une reprise en 2013. Aux Etats-Unis, la reprise va être molle et risquée. Elle est risquée dans la mesure où les dépenses budgétaires sont difficiles à endiguer. Les pays émergents vont connaître une certaine décélération, mais cela n'empêche qu'ils vont être les porteurs de la croissance en 2012. D'après L. Subran, les pays qui exportent les matières premières vont certainement tirer leur épingle du jeu. Le grand risque se pose essentiellement pour les grands importateurs de ces matières, tels le Maroc. Ajoutons à cela le problème de l'endettement qui va continuer à peser sur beaucoup de pays. La situation se complique davantage lorsque le pays en question s'endette pour subvenir aux dépenses de fonctionnement. Parce que dans ces cas il n'y a aucun retour sur investissement. D'après cet expert en macro-économie, l'année 2012 a mieux débuté que 2011. La machine chinoise ralentit, les indicateurs de production se redressent timidement, excepté en Europe. «2012 débute sous de meilleurs auspices, mais le tissu industriel reste fragilisé», explique L. Subran. Il tire également l'attention sur trois risques à surveiller durant l'année en cours. Le premier est relatif à l'austérité excessive sans coordination, la hausse des prix du pétrole et la résurgence des tensions financières qui risquent d'impacter lourdement la croissance au niveau mondial. Parce que tel un effet domino l'austérité des uns entraîne celle des autres. Les pays entrent un à un en récession et les risques-pays affichent des niveaux très élevés. Le Maroc : pays émergent aux pieds d'argile L'économie marocaine a fait preuve de résilience et de réactivité durant la vague de crises depuis 2007. L. Subran estime qu'au Maroc la croissance devrait se maintenir à moyen terme, soutenue par la demande intérieure. Il met à l'actif du Maroc une politique économique réactive qui favorise la croissance. Cette politique est basée sur une politique monétaire expansionniste, un stimulus fiscal et une demande intérieure soutenue. Toutefois, si on regarde de près l'économie marocaine, on remarque que les crédits, bien qu'ils affichent une hausse de 10% à fin 2011, accusent une certaine décélération. «Toutefois, il n' y a pas de signaux de crédit crunch», annonce L. Subran. Avec la crise internationale, les investisseurs sont très frileux. Le problème de liquidités des banques se pose avec force. L'idéal n'est pas d'injecter à court terme, mais de le faire à différentes maturités. Globalement, l'économie marocaine a affiché au cours de la période 2009-2011 un profil de croissance satisfaisant. Les prévisions d'Euler Hermes tablent sur un taux de 2,5% en 2012 et de 5% en 2013. D'après L. Subran, la situation est rassurante dans la mesure où la dette représente 60% du PIB. Un taux de proportionnalité jugé normal. Toutefois, il attire l'attention sur les dépenses de compensation qui coûtent beaucoup d'argent aux caisses de l'Etat, mais qui ne sont pas assez ciblées. Il faut donc éviter que le déficit budgétaire se creuse davantage. Aussi au Maroc, il est à signaler qu'il y a beaucoup de chômage et peu de création d'emplois pour les diplômés chômeurs. C'est là où le bât blesse. En terme de compétitivité, le Maroc est appelé à déployer plus d'efforts. Ses exportations demeurent peu performantes. La hausse tendancielle de la productivité augmente, mais cela ne veut pas dire que les coûts de production sont faibles. Les IDE résistent à la crise, mais sont très timides. Ceci dit, quel est l'effet ciseaux sur les prix et la défaillance des entreprises ? Les prix à la production s'envolent, mais ceux à la consommation restent stables. En 2011, la défaillance des entreprises marocaines est de l'ordre de 12%. Elle sera de 7% en 2012. En matière de risque pays, le Maroc, par rapport à d'autres pays de la région, est toujours au vert. Les pouvoirs publics ont mis en place certaines mesures afin d'apaiser les tensions sociales, mais le risque de contagion des autres pays nous guette toujours. Une équation très difficile à résoudre : le Maroc est appelé à gérer sa marge budgétaire sans tirer la croissance vers le bas, mais tout en s'attaquant aux chantiers structurants (compensation, compétitivité…). Une chose est sûre : la crise qui s'est déclenchée a rebattu les cartes en 2009. Les coûts unitaires de travail diffèrent d'un pays européen à un autre. Les indices boursiers peinent à se stabiliser. Plusieurs pays sont entrés en récession et donc les risques-pays ont globalement augmenté. La question qui se pose d'emblée pour le Maroc est : comment se positionner sur l'Afrique francophone ? Comment le Maroc devra-t-il changer son portefeuille de partenaires ?