■ Les associations de consommateurs saluent la perception par le nouveau gouvernement du droit du consommateur, mais insistent sur la nécessité de mettre en place les outils pour l'application de la loi 31/08. ■ Selon Ouadi Madih, président de l'Association de protection du consommateur (Uniconso), en l'absence de régulation et de contrôle, les directeurs d'écoles privées continuent d'imposer leur propre loi. ✔ Finances News Hebdo : Les droits économiques du consommateur marocain sont souvent violés en dépit d'un cadre juridique. Comment expliquez-vous cette situation ? ✔ Ouadi Madih : Nous avons constaté avec consternation que, malgré la promulgation de la loi 31/08 édictant des mesures de protection du consommateur depuis le 7 avril 2011, les fournisseurs, en général, ne se soucient nullement de l'application de cette loi et cela pour plusieurs raisons. Premièrement, l'Etat n'a fourni aucun effort pour la communication sur cette loi. Remarquons au passage que lors de la promulgation du code de la route, un tapage médiatique l'avait accompagnée. Deuxièmement, les fournisseurs n'appliquent pas la loi, parfois par ignorance, ou bien par arrogance. Selon nos constats, ils ne craignent pas d'enfreindre la loi. A cela, il n'y a qu'une seule explication : la force de régulation et de contrôle semble inexistante dans n'importe quel secteur concerné que ce soit. ✔ F. N. H. : L'enseignement public souffre d'un dysfonctionnement qui a favorisé la prolifération d'écoles privées. Quelles sont les principales réclamations liées à l'enseignement privé que vous enregistrez au niveau de vos bureaux ? ✔ O. M. : Le secteur public, même s'il enregistre le plus grand nombre des inscrits, semble avoir démissionné en zone urbaine au profit du secteur privé qui devient le souci prioritaire des parents, qui fuient les écoles publiques. Devant les abus des dirigeants de ces écoles pour qui tous les moyens sont bons, même les plus avilissants, pour s'enrichir sur le dos des parents soucieux de la scolarité de leurs enfants, il semble que le département de l'Education nationale est incapable de mettre fin à ces pratiques abusives et répétées. Parmi les réclamations que nous avons reçues à travers notre Guichet Consommateur nous pouvons citer comme exemples : • l'absence d'information pour le consommateur sur les pratiques utilisées par les écoles privées ; • les augmentations de tarifs allant de 10 à 20% chaque année scolaire et selon les établissements sans aucune raison pouvant justifier ces augmentations. De plus, les parents sont tenus de s'acquitter au début de chaque cession des droits de scolarité (trimestrielle ou même annuelle) dans certains établissements qui sont dispensés de rendre des comptes; • le transport des élèves est devenu également une source d'enrichissement des établissements privés qui, loin de se soucier de la sécurité des enfants, les entassent au maximum dans le bus ; • l'opacité des engagements des établissements en contre-partie des frais exigés ; • les frais d'inscription aussi exorbitants qu'injustifiés ; • l'obligation des enfants de participer aux frais des cantines dont nous ignorons complètement si les autorisations nécessaires à la restauration collective ont été accordées ; • l'achat des livres auprès de librairies désignées par la Direction. ✔ F. N. H. : Parmi les autres pratiques figure le non-remboursement des frais de scolarité et d'inscription ; que prévoit loi à ce sujet ? ✔ O. M. : Si nous faisons référence à la loi, nous constatons que ces établissements travaillent généralement en dehors du droit à l'information, imposent des clauses abusives dictées par les chefs des établissements, et usent de pratiques commerciales illégales. Le premier constat, avant toute chose, est que l'obligation de l'information du consommateur doit être remplie. Le consommateur doit être informé conformément à l'article 3 de la loi 31/08. Cependant, le Code des obligations et contrats met sur un pied d'égalité le fournisseur de services et le consommateur comme indiqué dans le contrat. La loi protégeant le consommateur vient à point nommé pour le préserver des abus du fournisseur qui ne pourra plus faire subir de contraintes au consommateur, quelles qu'elles soient. ✔ F. N. H. : Quelle démarche devra entreprendre le consommateur en cas de litige ? ✔ O. M. : Le consommateur devra d'abord entreprendre une démarche amicale auprès du fournisseur en lui adressant un courrier recommandé avec accusé de réception tout en observant le délai imposé par la loi. Pour cela, il est recommandé d'agir immédiatement. Le consommateur accorde un délai raisonnable de 20 jours à son fournisseur. Si sa démarche est infructueuse, il devra s'adresser à un Guichet consommateur ou à une association de protection du consommateur qui pourront l'aider à résoudre le problème à l'amiable avec son fournisseur. Si le différend n'est pas réglé la procédure pénale demeure le seul recours pour départager les deux parties. Il est d'ailleurs prévu que l'Association se substituera aux consommateurs abusés et estera en Justice le fournisseur à leur place. ✔ F. N. H. : En tant qu'Association de protection du consommateur, qu'attendez-vous du nouveau gouvernement ? ✔ O. M. : Le premier point positif que nous avons noté est que, pour la première fois, un gouvernement évoque le consommateur dans son programme présenté au Parlement. Les Associations des consommateurs ont contribué à l'élaboration de la loi du consommateur pendant des années, et nous espérons que le gouvernement s'activera à mettre enfin en application cette loi, à savoir: • les décrets d'application qui commencent à enregistrer du retard ; • le Conseil de la consommation qui contribuera au développement de la consommation au Maroc et sera un organe consultatif pour les grandes orientations de l'Etat ; • la mise en place du Fonds de la consommation afin de donner un souffle nouveau aux associations de consommateurs qui souffrent d'un manque considérable de financement ; l'implication des associations du consommateur dans tous les comités et commissions nationaux, régionaux ou locaux qui s'intéressent à la consommation. ■ Propos recueillis par L. Boumahrou