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Entretien : «Il faut passer à la vitesse supérieure»
Publié dans Finances news le 24 - 03 - 2011

Le fournisseur, grand absent des journées du consommateur.
Le mouvement consumériste maintient la pression pour avoir les textes d'applications de la loi 31-08 dans les plus brefs délais.
Le CMC retardé une énième fois.
En deux ans et demi, les guichets des consommateurs ont enregistré plus de 10.000 réclamations.
Ouadi Madih, président de l'Association de protection du consommateur, UNICONSO, estime qu'il est temps de passer à la vitesse supérieure.
- Finances News Hebdo : Le mouvement consumériste s'est accentué ces dernières années, notamment au Maroc. Le cadre législatif et institutionnel a-t-il pu suivre la même cadence ?
- Ouadi Madih : Par rapport au cadre législatif, l'adoption de la loi 31-08 peut-être considérée comme une avancée pour le consommateur. Mais cela reste insuffisant. En effet, à elle seule l'adoption de la loi ne suffit pas, vu qu'elle n'a pas encore été publiée dans le Bulletin officiel et que ses textes d'application sont toujours en attente.
Par contre, le cadre institutionnel reste en deçà de nos attentes et aspirations en tant que mouvement consumériste.
Le Centre Marocain de la Consommation, CMC, qui devait être mis en place en 2009, n'a toujours pas vu le jour.
Alors que nous avions bien eu des promesses dans ce sens. D'ailleurs, on nous avait encore avancé la date de début 2010… mais le projet est toujours à la traîne. Jusqu'à présent, il n'y a eu que des promesses sans concrétisation pour ce qui est du CMC. Maintenant qu'on nous parle encore de 2011, il est légitime de douter. Pour moi, cela reste abstrait tant qu'il n'y a pas eu une réelle concrétisation de ce projet !
Actuellement, le mouvement consumériste est en attente des textes d'application de la loi 31-08 et de la création du CMC. Nous, en tant qu'association, nous prenons le pouls des consommateurs et l'une des craintes exprimées est que cette loi connaisse le même sort que d'autres, comme c'est le cas de la loi interdisant de fumer dans les lieux publics.
- F. N. H. : Justement, quel bilan faites-vous de la journée de sensibilisation, organisée ce jeudi au Technopark, notamment en matière d'initiation à la loi 31-08 ?
- O. M. : Généralement, le bilan est positif. Nous nous réjouissons de cette journée qui nous a permis de communiquer avec les différentes parties reliées par la consommation, notamment les consommateurs, les fournisseurs et l'Administration. En effet, comme vous le savez certainement, l'économie nationale se base sur ce triptyque. Et c'est l'occasion pour nous de rencontrer ces gens, de débattre avec eux, de leur expliquer notre point de vue et, surtout, les sensibiliser avec les particularités de cette nouvelle loi. Vous savez, le mouvement consumériste au Maroc s'est battu bec et ongles depuis dix ans pour faire aboutir cette loi, et nous ne comptons évidemment pas nous arrêter en si bon chemin.
Du coup, les journées des 14 au 18 mars, nous ont permis de communiquer de manière intense, faute de communication régulière tout au long de l'année. En effet, les ressources des associations sont très limitées.
Ces journées nous ont permis de toucher une partie des acteurs, surtout le consommateur, et quelques administrations. Mais le grand absent de cette manifestation sont les fournisseurs. Et nous regrettons vivement cette absence car la nouvelle loi les concerne aussi. Nous les avons invités au même titre que les autres concernés d'être partie prenante du comité d'organisation de ces journées. Et c'est bien dommage, vu que l'un des objectifs de ces journées est justement de consolider la relation fournisseur-consommateur dans l'esprit de la transparence et dans une relation gagnant-gagnant.
Il y avait tout de même une présence de la Chambre de commerce, mais elle n'est pas suffisante pour installer cette nouvelle approche dans la relation fournisseur-concommateur à la lumière de la loi 31-08.
- F. N. H. : Quels sont les principaux aspects qui vous ont semblé pertinents à partager avec les participants ?
- O. M. : Nous avons essentiellement insisté sur les nouveautés qui concernent les crédits à la consommation, les crédits immobiliers … nous avons aussi veillé à ce que les participants aient une idée plus globale sur les différents textes qui régissent la relation fournisseur-consommateur, comme la loi 17-99, entre autres. Nous avons également sensibilisé l'assistance au principe du consentement du patient à un acte médical… Il y a un tas de choses que le consommateur ignore quant à ses droits et que nous essayons de soulever lors de ces journées du consommateur. De plus, nous avons une fois de plus rappelé les voies de recours pour un consommateur qui s'estime lésé dans ses droits.
Nous avons également évoqué l'expérience de la préfecture Casa-Anfa en matière de réception des requêtes des consommateurs. La préfecture a mis en place ce service qui est très utile pour le consommateur, et nous avons essayé de voir quels sont les enseignements à en tirer pour nous en tant que mouvement consumériste. En effet, cet échange d'expériences nous permet d'avoir plus de visibilité sur la résolution de litiges entre consommateur et fournisseur.
- F. N. H. : Aujourd'hui, l'étape suivante concerne les textes d'application de cette loi. Quand pensez-vous qu'ils seront prêts et, surtout, mis en œuvre ?
- O. M. : Nous nous sommes battus pour voir aboutir cette loi 31-08 ! Mais si elle reste telle quelle sans textes d'application, nous sommes bien conscients qu'elle ne sera d'aucune utilité. De ce fait, nous avons essayé d'inclure dans nos recommandations, issues des journées du consommateur, un planning qui sera transmis à l'administration de tutelle pour la mise en application de textes de loi.
Nous insistons, en tant qu'association, sur l'importance que les actes rejoignent les paroles. Le ministre de tutelle a décliné une stratégie, mais nous, nous souhaitons un planining d'exécution qui soit précis et que nous pourrons suivre et accompagner.
Pour notre part, nous avons émis une recommandation pour avoir les textes d'application, au grand maximum dans trois mois, et une publication de la loi dans le Bulletin officiel dans un délai de 30 jours pour que cette loi puisse enfin être appliquée !
- F. N. H. : Qu'en est-il de la création du Conseil supérieur de la consommation ?
- O. M. : Pour le Conseil, je crois, personnellement, que si nous arrivions à mettre en place les décrets d'application de la loi 31-08 et le CMC dans les plus brefs délais, le Conseil peut venir après. En effet, nous ne souhaitons pas que ce grand chantier soit précipité ou bâclé. Nous ne voulons surtout pas d'un Conseil qui soit étouffé comme c'est le cas du Conseil de la concurrence qui, actuellement, ne travaille pas par manque de prérogatives.
- F. N. H. : En tant qu'Union, comment pensez-vous accompagner cette loi, ses décrets, le CMC, le Conseil… ? Et puis, ne pensez-vous pas qu'il est temps que les associations mutualisent leurs efforts pour être une réelle force de proposition ?
- O. M. : Vous avez remarqué que depuis tout à l'heure j'ai parlé du mouvement consumériste marocain. Parce que, personnellement, je pense que les associations doivent se dissoudre dans ce mouvement qui en deviendrait unifié et fort.
Aujourd'hui, le Maroc est entré dans une nouvelle ère. Voyez un peu les revendications des mouvements sociaux dans le pays. Elles évoquent la cherté de la vie, des produits, les problèmes de distribution d'eau et d'électricité, les problèmes d'habitat… et ce sont là tous des problèmes qui concernent le consommateur au premier degré. Et là, j'attire votre attention sur le fait que par rapport à ces revendications, on n'a plus le luxe de laisser les choses stagner encore. Il faut passer à la vitesse supérieure. Et pour nous, en tant que mouvement, nous avons milité pour que les choses s'améliorent, notamment via une nouvelle loi. Maintenant, nous avons pris un nouveau tournant ce 14 mars, date à laquelle nous avons démarré le débat sur cette nouvelle loi, et nous sommes à cheval sur la mise en place des textes d'application de cette loi. Nous veillons à ce que cette mise en place soit effective et après, nous allons poursuivre le chantier de duplication des associations de protection des consommateurs à d'autres villes. Et là, je prends tout de même le temps de signaler que malgré le fait qu'il existe une trentaine ou une quarantaine d'associations à travers le pays, seules quelques-unes sont réellement actives. Elles se comptent d'ailleurs sur le bout des doigts. Nous étions récemment à Ouarzazate pour créer une association sur place et nous œuvrons à ce que ce mouvement consumériste marocain soit de plus en plus fort, pour drainer plus de consommateurs vers lui afin de mieux les aider.
- F. N. H. : Enfin, en attendant, quels sont les recours possibles pour un consommateur qui s'estime lésé dans ses droits ?
- O. M. : Pour nous, en tant qu'association principalement active sur la ville de Casablanca, il y a lieu de souligner que nous mettons à la disposition des consommateurs un guichet de conseil aux consommateurs où ils peuvent déposer leurs plaintes. Et jusqu'à aujourd'hui, nous essayons de privilégier la médiation entre fournisseur et consommateur pour trouver une solution aux différends.
Il y a des fournisseurs qui jouent le jeu et s'assoient autour de la table de négociations. Tandis que d'autres non, nous obligeant à ester en Justice.
Juste un petit chiffre sur le bilan d'une année du guichet de Casablanca : il a enregistré du 15 mars 2010 au 15 mars 2011 quelque 824 plaintes déposées. Pour ce qui est de la résolution des litiges, je suis heureux de voir que nous avons pu régler un nombre important de dossiers.
Sur le plan national, les six guichets que compte la Fédération nationale de protection du consommateur (Oujda, Casablanca, El Jadida, Essaouira, Kénitra, Taourirt), il a été enregistré le dépôt de quelque 10.000 réclamations de novembre 2007 à mars 2010. C'est un chiffre très révélateur et très important pour nous en tant que première expérience du genre. Et notre souhait est de généraliser ces guichets à toutes les associations regroupées sous la houlette de la Fédération, pour une meilleure proximité des consommateurs.
Propos recueillis par Imane Bouhrara


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