Le ministre de l'Industrie, du commerce et des nouvelles technologies, Ahmed Réda Chami, devra mettre la casquette du médiateur, pour arriver à un consensus consommateur/producteur. La tâche n'est pas facile, mais le ministre s'y est engagé corps et âme. La commission parlementaire des secteurs productifs à la Chambre des représentants achève l'examen du projet de loi 31/08 portant sur la protection du consommateur. Sa copie sera soumise incessamment au ministre. Ce projet de loi a fait couler beaucoup d'encre et tenu en haleine les militants associatifs, depuis bientôt deux ans. Une fois de plus, il a été débattu, à l'occasion de la journée mondiale des droits des consommateurs, le 15 mars. Le ministère de l'Industrie a organisé, en partenariat avec les associations de consommateurs, un séminaire sur «Les modes alternatifs de résolution des litiges de la consommation» réunissant toutes les parties liées de près et de loin à la protection du consommateur. «Nous avons apporté des modifications à certains articles du projet de loi. A présent que notre travail est achevé, nous le soumettrons au ministre de l'Industrie pour l'examiner. Notre premier souci a été la nécessité d'instaurer un équilibre entre les besoins du consommateur et ceux du producteur», déclare au Soir échos Mustapha Aït Benali, membre de cette commission parlementaire. Il est même hors de question que les grosses sociétés, surtout, soient «graciées» au nom de «l'erreur». «Equilibre», ces députés ont eu bien du mal à en trouver un. «Que nous ayons pris autant de temps pour étudier les articles (202 au total) de ce projet de loi ne veut pas dire qu'on est en retard, mais qu'on se donne le délai nécessaire pour remplir notre mission. Nous passions, parfois, une journée à examiner dix articles seulement de ce projet de loi!», légitime Salah Jamali, membre également de cette commission. Et de préciser qu'à titre personnel, il a émis des réserves en ce qui concerne le dernier chapitre du texte : les sanctions pénales. «On peut tous commettre des erreurs. Cela ne veut pas dire qu'elles sont intentionnelles. Il n'est pas acceptable de faire payer à une entreprise un million de dirhams pour une erreur !», s'indigne Salah Jamali, qui est aussi président de la Chambre de commerce de Kénitra et entrepreneur. Auprès des associations des consommateurs, l'indulgence du député n'est pas un bon signe. «On ne peut pas mettre en jeu la santé du consommateur. En cas d'intoxication, par exemple, ce dernier risque un arrêt de travail et de se soumettre à des traitements coûteux. On ne peut pas défendre l'entreprise à l'origine ou la dispenser de payer une indemnité même si elle atteint un million de dirhams», souligne le président de la Fédération nationale des associations de consommateurs (FNAC), Mohammed Benkaddour. Pour ce dernier, il est même hors de question que les grosses sociétés, surtout, soient «graciées» au nom de «l'erreur». Les associations redoutent donc les amendements de la commission parlementaire et s'impatientent de voir la dernière version de ce projet de loi avant son approbation. «Nous sommes très concernés par ce texte et, pourtant, la commission ne nous a jamais impliqué dans l'examen effectif du projet de loi», tient à faire remarquer le président de l'association de protection consommateurs à Casablanca, Ouadi Madih. En fait, certains des députés de la commission, comme Mustapha Aït Benali, ont fait appel aux associations, mais à titre officieux uniquement. La multiplicité des intervenants dans le secteur impose un consensus. C'est la priorité d'Ahmed Réda Chami qui annonce la mise en place, au cours de cette année, du Centre marocain de la consommation (CMC). Cette structure, dont le conseil d'administration comprendra un comité d'experts, aura pour rôle de développer la culture de la médiation. Le CMC compte ainsi apporter un appui technique aux associations des consommateurs. Objectif : faire de la médiation l'alternative de règlement des litiges entre le consommateur et l'entreprise, en collaboration avec les associations des deux parties. Une seule condition reste nécessaire: la volonté de chacun à adopter ce mode alternatif. En guise de préparatifs, le ministère de l'Industrie a élaboré une base de données réunissant textes juridiques et notes ministérielles liés à la consommation, reformulés de manière simplifiée afin que l'ensemble des citoyens puisse y avoir recours. Cette base de données servira de lien interactif sur le site web du ministère, une fois le projet de loi approuvé. Le ministère continue, parallèlement, à renforcer l'action de protection du consommateur à travers les associations, à élaborer des manuels et des décrets sur les mesures prévues. La route est encore longue, mais la volonté y est ! Statistiques : Près de 4.000 litiges résolus Affluence dans les quatre guichets conseil et orientation du consommateur. De juillet 2007 jusqu'au mois de février 2010, les quatre guichets relevant de la FNAC (Oujda, Kénitra, Essaouira et Taourirt) ont enregistré environ 9.000 plaintes, dont 3.750 ont été résolues. 47% des consommateurs qui ont eu recours aux guichets l'ont fait pour des conseils, alors que 53 % ont sollicité les associations pour une intervention auprès des fournisseurs. 20% des plaintes déposées, soit 1.771, sont liées à l'alimentaire, d'après Ouadi Madih, président de l'association de protection du consommateur, membre de la FNAC. Pour les associations des consommateurs, il est toujours difficile de régler les litiges lorsque le fournisseur ou l'entreprise refuse de répondre. «Pour les poursuivre en justice, nous devons disposer de l'utilité publique, ce qui n'est pas le cas», rappelle le président de la FNAC, Mohammed Benkaddour. Pour ce dernier il est tout aussi important que la justice forme ses magistrats en médiation. «Je me demande comment la justice arrivera à déterminer la contrefaçon de manière exacte, à évaluer l'intoxication alimentaire, par exemple», se demande Mohammed Benkaddour.