Suite à l'adoption par les deux chambres du Parlement de la loi 31/08 relative à la protection des consommateurs, Ouadi Madih explique au Soir échos les nouveautés de ce texte qu'il estime indulgent vis-à-vis des fraudeurs. La loi n° 31/08 édictant des mesures de protection des consommateurs vient d'être approuvée par les deux chambres du Parlement. En quoi consiste-t-elle ? Le texte de loi 31/08 s'inscrit dans la volonté de rétablir l'équilibre dans les contrats entre fournisseurs et consommateurs. Car, il faut le reconnaître, le cadre juridique existant est lacunaire. Les fournisseurs imposent leurs conditions aux consommateurs qui deviennent des proies faciles et vulnérables entre leurs mains. Même le principe des contrats et obligations prévu par le droit commun ne débouche pas nécessairement en matière de consommation sur un équilibre (des contrats). Nous insistons sur la volonté du gouvernement de renforcer le dispositif réglementaire, législatif et institutionnel pour le mettre au diapason de ce qui se fait sur le plan international. Et nous réitérons, à cet effet, l'importance de la loi qui est votée. Le projet de loi 31/08 apporte plusieurs nouveautés. Il s'agit d'abord de l'obligation, pour le fournisseur de biens ou services, d'informer le consommateur avant la conclusion d'un contrat de vente. Il s'agit aussi de la protection des intérêts économiques du consommateur notamment en ce qui concerne les clauses abusives. Le nouveau texte permettra, en outre, de renforcer la protection contre les défauts de la marchandise vendue et de déterminer l'étendue de la garantie conventionnelle et du service après-vente. La loi met en place des dispositions réglementant la publicité, les crédits et l'endettement, et insiste sur le renforcement et le développement du mouvement consumériste et des mesures de contrôle. Peut-on dire, alors, que le consommateur est protégé ? Malgré ce texte de loi, le consommateur n'est pas protégé. Les dispositions relatives à la qualité, la sécurité et la santé du consommateur ne sont pas abordées dans ce texte, la réduction de certaines peines que la deuxième Chambre a amendée au profit des fournisseurs ayant commis des infractions ou même des délits passibles d'emprisonnement encouragera certainement des fraudeurs à «zéler» dans leurs manœuvres. Cela n'est pas étonnant, venant d'une Chambre constituée à majorité de professionnels (du commerce entre autres). Nous aurions souhaité que la première Chambre s'y oppose. Conscients de l'insuffisance du dispositif en vigueur, nous interpellons le gouvernement pour qu'il s'engage à doter de toute urgence la loi votée de décrets et d'arrêtés d'application. Sans ces mesures, le texte de loi qui protège le consommateur restera sans effet. Estimez-vous que l'associatif a réellement apporté son eau au moulin ? A travers toutes les étapes que le projet a traversées, le mouvement consumériste a contribué sur plusieurs plans, notamment dans les divers discussions et échanges au moment de la rédaction du projet par le ministère de l'Industrie et du commerce, lors de plusieurs journées d'études au Parlement afin de donner nos points de vue aux différents groupes parlementaires… Notre voix a été transmise et relatée par les différents supports de presse. Nous avons ainsi réussi à apporter des modifications au projet de loi, qui demeurent une avancée dans le domaine de la protection du consommateur, et nous espérons améliorer toutes les conditions des pratiques commerciales afin que celles-ci ne nuisent plus à ce dernier. Par conséquent, la sensibilisation revêt toujours une importance capitale à cet égard. Les associations de consommateurs sont appelées à doubler d'effort et jouer le rôle pour lequel elles se sont tant battues. Comment s'annonce l'après-adoption de cette loi ? A «Uniconso», nous avons déjà bien compris que même avec les meilleures lois du monde, on ne peut pas avoir des consommateurs tout à fait éclairés. D'où l'importance du rôle de l'information continue que jouent les associations. C'est dans cette optique que nous devons réaliser, en partenariat avec les acteurs impliqués dans la consommation, des projets renforçant les capacités de sensibilisation, d'information et de soutien du consommateur, notamment à travers les coopérations et les partenariats. Les associations de consommateurs doivent renforcer leurs capacités en matière de gestion, de communication et de financement, et contribuer aussi à la mise en place des «guichets consommateurs» qui jouent, actuellement, un rôle capital dans le conseil, l'information, l'orientation et la résolution des litiges entre les professionnels et les consommateurs. Par quel moyen pourriez-vous améliorer la mission associative ? Nous allons devoir veiller à la mise en place du Centre marocain de la consommation (CMC). Il est très et même trop attendu pour promouvoir les droits du consommateur. L'étude de faisabilité concernant la conception et le montage de cette structure a été réalisée. Suite aux différentes rencontres et analyses de la situation actuelle et des expériences étrangères, il a été décidé d'assigner aux CMC des missions précises, à commencer par la recherche consumériste, la gestion d'un fonds documentaire relatif à la consommation et la gestion des litiges et de la médiation. Ce Centre devra assurer également la labellisation des produits et services, la veille consumériste et représenter des organisations de consommateurs. Cela dit, le CMC ne se substituera pas aux associations de consommateurs. Il ne s'occupera pas du contrôle, de la régulation ou encore de la surveillance du marché. Le CMC utilisera dans ses recherches des méthodologies reconnues et fera appel à des centres de recherche certifiés de manière à garantir l'objectivité et la qualité de ses analyses. *Ouadi Madih est également membre de la Fédération nationale des associations de consommateurs.