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Entretien : «Les données privées des clients ne sont pas protégées»
Publié dans Finances news le 06 - 03 - 2008

* Le décret relatif aux conditions générales d’exploitation des réseaux de télécommunications est affaibli par l’inexistence d’un texte sur la protection des données privées ouvrant la voie aux abus.
* L’ANRT a pu néanmoins agir sur les SMS publicitaires en imposant de mentionner les tarifs, l’objet du message et son auteur. Les opérateurs sont saisis en cas de non respect de ces conditions.
* Entretien avec Amina El Fatihi, chef de la division de la concurrence, Direction centrale de la concurrence et du suivi des opérateurs de l’ANRT.
Finances News Hebdo : La première chose qu’on voudrait savoir est comment des coordonnées privées, comme les numéros de mobile, circulent aussi librement sur le marché ?
Amina El Fatihi : Seuls les opérateurs mobiles disposent de la base de données de leurs abonnés et clients. Les opérateurs mobiles nous ont assuré qu’ils ne commercialisent pas les bases de données qui, conformément à la réglementation en vigueur, sont censées être confidentielles.
Concrètement, lorsqu’une société, qui fournit des services à valeur ajoutée, contacte un opérateur mobile pour accéder au serveur, permettant la diffusion des messages, elle amène sa propre base de données. Par contre, lorsque des commercialisations non officielles de bases de données des opérateurs sont effectuées, sans pareils cas, l’ANRT diligente une enquête. Sur le plan juridique, l’article 5 du Décret N° 2-97-1026, relatif aux conditions générales d’exploitation des réseaux de télécommunications, rappelle les conditions auxquelles les exploitants de réseaux doivent se conformer et qui renvoie à la loi sur la protection de la vie privé edes personnes. Une loi qui est en phase de projet.
F. N. H. : Lors d’une conférence de presse, le PDG d’un opérateur mobile avait expliqué que les bases de données existantes avaient été essentiellement piratées…
A. E. F. : Il y a deux ans, nous avons été appelés à traiter des cas pareils et nous avons appelé les opérateurs à plus de vigilance en terme de sécurisation des bases de données, conformément à la réglementation en vigueur.
F. N. H. : Justement, est-ce que ce Décret arrive à suivre le déploiement des maillons de la chaîne opérant dans le SMS ? Est-elle assez blindée ?
A. E. F. : La chaîne opérant dans le SMS s’étale de plus en plus. Vous avez le fournisseur qui a une déclaration déposée auprès de l’ANRT et qui est tenu de respecter un certain nombre de règles. Il y a les opérateurs mobiles qui louent les plates-formes. Il y a également l’éditeur de service et puis le commerçant qui commercialise un produit au bout de la chaîne. Si nous disposions d’une loi qui protège les données privées, elle ne permettrait pas à l’émetteur de l’offre de contacter un abonné par SMS sans que ce dernier ne lui donne son accord au préalable. En résumé, sans autorisation de l’abonné, personne ne pourrait le contacter par SMS.
Hormis les bases de données existant chez les opérateurs mobiles, les clients mobiles ont aussi une part de responsabilité. En effet, lors de séances de shopping ou d’une quelconque inscription, ils remplissent des formulaires pour des cartes de fidélité, par exemple, en fournissant des données privées comme le numéro du mobile ou la carte de visite. Bien évidemment, nous avons contacté des boutiques pour savoir ce qui est fait avec la base de données collectée et nous avons appris que les boutiques les utilisent pour leur promotion, mais également qu’elles les revendent à leurs partenaires. C’est un marché porteur. Et là, le client mobile doit être vigilant avant de donner son numéro de téléphone. Bien évidement, avec un cadre juridique clair sur la protection des données privée, même si le client fournit son numéro de mobile, aucune société ne s’amuserait à le contacter sans son autorisation au préalable. A la limite, seule la société à laquelle le client aurait fourni son numéro de mobile pourrait le contacter, mais sans pour autant revendre ses coordonnées à une autre société.
F. N. H. : Cette loi vous handicape par son inexistence, et pourtant vous avez réagi au niveau des SMS publicitaires…
A. E. F. : Nous avons agi au niveau des SMS publicitaires. Nous avons rendu une décision qui a été reprise par arrêté du ministère délégué auprès du Premier ministre chargé des Affaires générales et économiques qui instaure des règles claires quant aux modalités de publicité des services de télécommunications, notamment le fait que le message doit préciser l’objet et le prix en TTC. De même qu’il faut donner au récepteur la possibilité de ne plus recevoir le SMS.
Des efforts sont déployés par l’ANRT pour amener aussi bien les opérateurs que les fournisseurs de services à valeur ajouté à respecter ce texte.
F. N. H. : Les opérateurs font-ils preuve de coopération dans pareils cas ?
A. E. F. : Effectivement, les opérateurs ont toujours témoigné d’un esprit de coopération avec l’Agence. Avant la publication de l’arrêté précité sur les modalité de publicité, nous avons eu des cas de plaintes de la part de personnes ayant joué à des jeux par SMS sans être informées sur le prix du SMS qui était de 24 dh TTC. Nous avons saisi l’opérateur concerné qui a pris les mesures nécessaires avec le fournisseur auteur du jeu. Il faut dire que l’arrêté n°649-07 fixant les modalités de publicité et d’infomration du consommateur en matière des services de télécommunications, a permis de limiter les abus. Maintenant, si un client joue à un jeu SMS en connaissance du prix, il devrait assumer sa responsabilité.
F. N. H. : Toujours est-il que pour les jeux SMS l’émetteur reste inconnu même si le tarif est affiché. A partir de là, comment être sûr de la véracité du jeu et que ce n’est pas une arnaque ?
A. E. F. : Effectivement, au niveau du texte sur la publicité, il est dit clairement que l’auteur du message doit s’identifier et c’est une clause que l’on ne respecte pas toujours. Il nous est arrivé de recevoir des plaintes à propos de messages dont l’émetteur est inconnu; de ce fait, les opérateurs ont été priés de nous aviser de l’octroi de numéros à tout fournisseur pour que nous en soyons avisés. Ainsi, en cas d’infraction par rapport au texte, nous identifions facilement le fournisseur.
F. N. H. : Mais quand un faux jeu est avéré, quelles sont les sanctions prises dans ce cas ?
A. E. F. : Quand il s’agit d’une arnaque, ce n’est plus de notre ressort. Il faut dans pareil cas saisir directement la Justice. Nous, nous agissons au niveau des fournisseurs de services à valeur ajoutée lorsqu’ils ne respectent pas la déclaration déposée auprès de l’ANRT. Toutefois, par rapport au contenu du jeu et sa véracité, c’est du ressort des tribunaux. Et nous l’avons rappelé à maintes reprises ; celui qui estime avoir été victime d’une arnaque doit déposer plainte.
F. N. H. : Actuellement, de nouveaux services font appel au SMS, notamment le micro-paiement que certains fournisseurs assurent à des entreprises étrangères. Pensez-vous qu’avec la législation actuelle et tous les problèmes que posent le SMS, que le moment est adéquat pour lancer le SMS transactionnel au Maroc ?
A. E. F. : De mon point de vue, en tant que juriste, un cadre juridique clair et précis est nécessaire pour toute opération commerciale. S’agissant des SMS transactionnels qui sont mis en place dans le cadre des micro-paiements par mobile, des mesures de sécurité supplémentaires sont prévues à l’instar de ce qui existe dans le télépaiement.


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