* Toujours au stade de projet de loi, la fin de lexonération dont jouissait le logement social met en péril les avantages de larticle 6 du CGI. * Un bras de fer est engagé entre T. Hjira et N. Bensouda. * Un arbitrage du Premier ministre nest pas exclu. Cent cinquante mille logements économiques est le chiffre annoncé par le Premier ministre à loccasion de la déclaration gouvernementale. Le chiffre paraît intéressant dautant plus que le déficit en logements économiques reste aussi inquiétant, soit 1,5 million. Le chiffre semble adéquat avec lInitiative Nationale du Développement Humain lancée par le Souverain et dont le logement économique au profit de la population démunie figure parmi les grands chantiers prioritaires. Ce chiffre paraît toutefois trop ambitieux à cause de la suspension de lexonération dont bénéficiaient les promoteurs immobiliers dans la réalisation de leurs programmes sociaux. Fin de la carotte fiscale Le CGI stipule dans son article 6 : «Sont exonérés les promoteurs immobiliers personnes morales, pour lensemble de leurs activités et revenus afférents à la réalisation de logements sociaux tels que définis à larticle 92-1-28, qui réalisent leurs opérations dans le cadre dune convention conclue avec lEtat, assortie dun cahier des charges, en vue de réaliser un programme de construction de 2.500 logements sociaux, étalé sur une période maximum de 5 ans, courant à compter de la date de délivrance de lautorisation de construire». Cette mesure de fin dexonération aurait été certainement arrêtée par lancienne équipe gouvernementale et aura bientôt des incidences sur le secteur. Elle répond certes au souhait du Directeur des Impôts qui prône la suspension du régime dérogatoire, mais elle vient à contre-courant du rôle de la fiscalité censée être un levier de développement économique pour un Maroc en quête de démocratie. Elle nuit par ailleurs, et cest là où le bât blesse, à la fiscalité dans sa composante équité sociale. A y voir de plus près, ce type de décision nest pas nouveau. Au Maroc, dès quun secteur exonéré commence à prendre de laile, on pense à sa fiscalisation. Cette action a été fortement critiquée par un fiscaliste qui voit dans tout cela un retour en arrière. Il faut sassurer dabord que le secteur sassoit sur des bases solides et que les objectifs tracés réalisés avant de penser à son assujettissement. Selon lui, si sous dautres cieux, on bataille pour maintenir les exonérations; ici au Maroc le législateur ne pense quà remplir les caisses. Il serait plutôt souhaitable de penser à un redéploiement des avantages fiscaux au moment où un secteur donné remplit le rôle qui est le sien dans la sphère économique. Contactés par nos soins, T. Hjira, ministre de lHabitat, ne souhaite pas se prononcer sur cette décision de suppression pour linstant, estimant par là quelle est toujours au stade de projet de loi. «Mais les pourparlers se poursuivent pour trouver une issue favorable à cette situation et pour sauvegarder les avantages de larticle 6», nous apprend une source du ministère de tutelle. On entend même parler dun bras de fer entre le ministère de Hjira et lAdministration des impôts. En cas de non entente, le ministre de lHabitat pourrait toujours recourir à larbitrage du Premier ministre. En ce qui concerne les promoteurs immobiliers, ces derniers annoncent ne pas être au courant ou peut-être à défaut dassimilation, ils ne veulent pas en croire leurs oreilles. Mais leur fédération (FNPI) est sur le pied de guerre depuis quelle a eu écho de cette éventualité. «Cette mesure aboutira au blocage de la production. Nous avons, dans ce sens, adressé plusieurs courriers sans recevoir aucune réponse. Nous avons également exposé cette question devant la Commission fiscale de la CGEM et nous attendons avec impatience ce à quoi aboutira la prochaine réunion de la Commission fiscale du Parlement», affirme Chakib Bennani, Président de la Commission fiscale de la FNPI. A noter par ailleurs que les professionnels du secteur se plaignent de ne pas avoir reçu de remboursement de la TVA depuis plus de deux ans. Certes, ils peuvent ester auprès dun tribunal administratif, mais ils subissent beaucoup de pression en ce moment. Les causes de lassujetissement Les arguments avancés au sujet de la taxation sont que, malheureusement, ce nest pas la cible qui profite de ces logements social. Ces habitations font désormais lobjet de résidences secondaires pour les cadres et fonctionnaires. Elles font aussi lobjet de spéculations. Partout au Maroc, les prix du logement social sont en hausse continue. Les pratiques malsaines sont devenues une règle. Pire encore, une avance pouvant aller de 80.000 à 120.000 DH non déclarée aux impôts est aujourdhui monnaie courante. Et cest ainsi quil est courant de trouver sur le marché des appartements de 60 m2 vendus à 300.000 DH. La population-cible se trouve ainsi exclue du système et la hausse du prix du m2 se profile ainsi à lhorizon. Les professionnels, tout en avouant que ces pratiques sont loin dêtre saines, avancent une énième raison, exogène cette fois-ci : le mouvement de spéculation qui a résulté de lopération des départs volontaires à la retraite lancée par le gouvernement en 2005. Acheter des logements, parfois même sur plan puisque la liquidité financière le permet, et les revendre une ou deux années plus tard avec une jolie plus-value : des centaines de spéculateurs nouvelle génération lont essayé, empêchant ainsi des centaines de familles indigentes daccéder à un logement décent. Ce phénomène est de loin plus visible dans la capitale économique où la demande est plus significative, mais les régions ne sont pas pour autant épargnées. Cet avis ne semble pas être partagé par Chakib Bennani qui, à son tour, assure que 99% des logements sociaux ont profité aux bénéficiaires. Les arguments avancés sont certes réels, mais il est peut être inadmissible quà défaut dun contrôle sévère à lamont, on passe au bâton, à savoir limposition. Cest toute la chaîne qui en pâtit.