* La fiscalité, dans sa mouture actuelle, évolue vers un système dépourvu dexonérations. Celles qui ont cours encore sont limitées dans le temps . * Avec un système pareil, le Fisc espère remplir les caisses de lEtat, mais il risque de contrecarrer la dynamique actuelle de croissance. * Le plafonnement des niches fiscales pourrait savérer comme une mesure idoine. La réforme fiscale, objet de nombreux débats au cours des dernières années, prévoit certes la diminution du nombre de taux de la TVA avec une meilleure gestion de ce taux sans toutefois compromettre les objectifs sociaux, mais elle vise également à réduire le champ des exonérations fiscales. Elle a également pour leitmotiv la pérennisation de la publication du rapport sur les dépenses fiscales accompagnant les projets de Loi de Finances. Lautre volet de la réforme a trait à la poursuite de la modernisation de lAdministration fiscale dans le but de rationaliser son organisation et de mieux assurer le recouvrement de limpôt et le contrôle fiscal, tout en améliorant les services rendus aux contribuables. Ces actions permettront au gouvernement de mener à bien le chantier de la réforme, initié ces dernières années, et permettra, par la même occasion, la mise en uvre au Maroc dun de ses importants engagements dans le cadre de la politique de voisinage, à savoir la convergence progressive de notre système fiscal vers les standards internationaux et européens. Cest dans ce sillage que sinscrit la fiscalisation de certains secteurs qui jouissaient auparavant dexonérations fiscales. Cette fiscalité sans exonération nenthousiasme pas trop les opérateurs économiques qui commencent dores et déjà à sinterroger sur le rôle de la fiscalité comme moyen de développement économique. «Comment pourrait-on insuffler une dynamique à notre économie avec une fiscalisation étouffante ?», sinterrogent-ils La fin du régime dérogatoire La dynamique qua connue le logement social nest pas le fruit du hasard, mais résulte de mesures fiscales incitatives. Les sociétés de promotion immobilière étaient exonérées dimpôts sous certaines conditions. En effet, chaque promoteur immobilier qui sengageait avec lEtat à construire un minimum de 2.500 logements sociaux sur une période de cinq ans bénéficiait dune exonération de lIS, de la TVA et dune bonne dizaine dautres taxes relatives à la construction. La Direction des impôts, jugeant que ces exonérations avaient trop duré, a voulu y mettre un terme. Hormis le manque à gagner, le Fisc avance comme argument que larticle 19 ne bénéficie quà une minorité dentrepreneurs, à savoir les plus prospères. Aussi, souligne-t-il la disparité géographique des logements sociaux sachant quune seule région en a particulièrement profité, Casablanca notamment et, dans une moindre mesure, Tanger et Marrakech. «Aujourdhui, il faut avouer que lhabitat social a pâti de la fin de lexonération fiscale», souligne un expert qui reconnaît que labsence de mesures fiscales incitatives affecterait nécessairement les différents pans de léconomie. La disparition de lavantage fiscal se traduit par une hausse du coût du logement social et, par ricochet, les promoteurs ne peuvent plus y accéder. Un autre secteur, et non des moindres, commence à tarir de lassujettissement : il sagit de la location avec option dachat (LOA). A noter que ce secteur se veut une locomotive de développement dans de nombreux pays, ce qui nest plus le cas au Maroc. Inutile de rappeler que cet avantage fiscal a encouragé la mise en place de nombreux investissements productifs, notamment par les PME- PMI qui éprouvent souvent des difficultés à accéder aux crédits bancaires à moyen et long termes, faute de garanties réelles. Cest également grâce à la LOA que le parc automobile national sest renouvelé avec les conséquences économiques directes et indirectes qui en découlent : croissance des activités en amont (importation et intégration locale) et meilleures retombées fiscales en aval. Face à la suppression dun tel avantage, de nombreuses sociétés de financement se sont retrouvées astreintes à retirer de leur portefeuille cette formule de financement. Aussi, une mesure incitative de taille a-t-elle été supprimée dans la Loi de Finances 2008 : il sagit de la suppression du droit à la déduction des dotations aux provisions non courantes. Ainsi, larticle 8 de la Loi de Finances pour lannée budgétaire 2008 avait modifié les dispositions de larticle 10 du CGI par la suppression des dotations aux provisions non courantes suivantes : provisions pour investissements, provisions pour reconstitution de gisements, provisions pour reconstitution de gisements des hydrocarbures et dotation aux provisions pour logements. Cette nouvelle mesure sappliquait aux dotations non courantes relatives aux provisions précitées constituées au titre des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2008. La suppression du droit à déduction de cette provision savère incompréhensible dans un contexte où toutes les forces conjuguées de la nation ont pour point de convergence lamélioration ainsi que lattraction de linvestissement. Ces provisions pour investissements consistaient à réserver 20% du bénéfice fiscal avant impôt pour lacquisition de biens déquipement, de matériel et doutillages. Les provisions pour reconstitution de gisements réservent 50% du bénéfice fiscal à des fins notamment de travaux de prospection, de recherche et de développement en matière dhydrocarbures. Et enfin, les dotations aux provisions pour logements réservent 30% du bénéfice en vue dalimenter un fonds destiné à lacquisition ou à la construction par lemployeur de logements affectés aux salariés de lentreprise. Cette disposition paraît a priori aberrante parce quelle remet en cause les effets positifs des provisions qui avaient pour principal dessein dencourager linvestissement et aussi laccès au logement pour le personnel des entreprises ne pouvant profiter des services bancaires. Cela sans parler de l'exploration, et ce dans un contexte où la dépendance énergétique pèse de tout son poids sur l'économie nationale. Comme la souligné notre expert, nous évoluons vers un régime fiscal sans exonérations. Dautant plus que les présentes exonérations qui sont maintenues sont limitées dans le temps par des délais. A titre dexemple, lexonération de lagriculture prendra fin en 2013. La fin du régime dérogatoire na quune seule explication, à savoir collecter le maximum dimpôts pour faire face aux différents objectifs et engagements. Mais le Fisc doit admettre quil ne peut pas imposer les différents pans de léconomie sous prétexte de renflouer les caisses. Le Fisc est appelé à mettre en place des pistes de réflexion. Dans un pays comme la France, on parle aujourdhui surtout de plafonnement des niches fiscales et non pas de suppression des exonérations. Le Maroc pourrait faire de même, mais à condition daccompagner ce plafonnement par des études qui permettraient de déterminer le seuil au dessus duquel lexonération nest plus indispensable.