Le continent «jeune» dispose d'une ressource intarissable qu'est son élément humain. Sauf que de nombreux problèmes secouent l'Afrique, comme la crise migratoire qui prend en otage l'avenir de toute une génération. Mais l'existence de success-stories et de champions africains, notamment dans les TIC, incite à explorer les différentes voies de développement. Un brainstorming dans ce sens s'est tenu à Casablanca. C'est une évidence : le développement de l'Afrique passe par la valorisation de ses femmes et hommes, ses principales ressources intarissables. Pourtant, le constat actuel est que le continent a du mal à prendre le train du développement en marche. Non par manque de ressources ou de success-stories, encore moins par manque d'exemples de champions africains ayant conquis le monde… Il manque une formule, une partition pour accorder nos violons… C'est justement l'une des valeurs ajoutées d'un événement comme l'Africa Convergence, organisé par la Tribune Afrique, qui a réuni à Casablanca une pléiade de profils africains d'horizons différents, avec des parcours singuliers venus sonder les défis qui se posent au continent. Et une thématique a particulièrement cristallisé le débat, celle des réfugiés. Dans le monde, on recense 65,6 millions de réfugiés, le nombre le plus élevé depuis la deuxième Guerre mondiale, dont 84% vivent dans les pays en développement, dévoile Melissa Fleming, chef de la communication et Porte-parole du haut-commissariat aux Réfugiés. Ces pays, qui doivent faire face à des problèmes d'ordre économique, se retrouvent avec cette crise sur les bras. Pourtant, à en croire les médias occidentaux, cette crise touche plus l'Europe et l'Amérique. Que nenni, répond Mo Ibrahim, l'homme d'affaires anglo-soudanais qui insiste sur l'instrumentalisation de cette crise par l'Occident. Il énumère deux arguments majeurs pour étayer sa thèse. D'abord, il relève une confusion délibérée par les médias occidentaux entre réfugiés et émigrés clandestins, ce qui arrange les pays d'accueil qui ne sont pas tenus à leur égard par les termes de la Convention de Genève. «C'est malhonnête !», déplore Mo Ibrahim. Le deuxième constat est que ce sont les pays africains qui accueillent le plus de réfugiés, plus que l'Europe, sans pour autant se plaindre. «C'est une faillite morale de l'Europe», insiste Mo Ibrahim, qui rappelle les pressions exercées sur la Chancelière allemande Angela Merkel, qui avait accueilli les réfugiés à bras ouverts sur le sol allemand. Il ne perd pas pour autant de vue qu'en Afrique, il y a des personnes déplacées en interne pour des raisons politiques ou économiques. Un avis que partage Kabirou Mbodge, le CEO de Wari : «Il y a plus de mouvements en Afrique que d'Afrique vers le monde. Il faut chercher pourquoi ces gens quittent leurs territoires vers l'ailleurs». Si Mo Ibrahim pointe du doigt la mauvaise gouvernance comme premier facteur participant à cette crise migratoire qui prend l'avenir du continent en otage, Kabirou Mbodge déplore de véritables visions pour le continent. Pour sa part, Moussa Mara, l'ancien premier ministre malien, rappelle que personne n'est réfugié volontaire. «Il y a des problématiques auxquelles il faut apporter des réponses, non seulement par les pays concernés, mais également par les partenaires internationaux», insiste-t-il. Force est de reconnaître que la crise migratoire constitue un véritable défi pour tous les pays, notamment du continent. Pour revenir aux statistiques du HCR, seul 1% de ces réfugiés accède à la scolarité et des milliers de bébés naissent dans les camps. C'est dire que la crise se compliquera davantage si rien n'est fait.
Une Afrique à plusieurs vitesses
Le vice-président exécutif d'Afreximbank est pour sa part convaincu que le problème du continent est d'ordre économique. «Je pense qu'il faut se recentrer sur le développement économique du continent, notamment à travers le commerce qui est un véritable moteur de croissance». Il fait d'ailleurs remarquer le faible taux d'échange intra-africain (15% de PIB seulement) comparativement avec le reste du monde (60%). «Pour preuve, les problèmes dont souffre l'Afrique n'existent pas ou à faible proportion dans les pays économiquement développés… L'autre difficulté du continent est sa fragmentation; si l'on réussit une meilleure intégration, nous aurons réussi le pari du développement». Il faut dire que certaines économies africaines ont réussi ce pari économique, mais des porteurs de projets ont pu également réussir et transcender les frontières. En effet, il est heureux de constater le succès de champions africains, notamment dans le secteur des nouvelles technologies, de la monétique ou encore dans les énergies renouvelables, ce qui ouvre un brin d'espoir vers une réelle transformation du continent. Pour y parvenir, Fathallah Sijilmassi, le secrétaire général de l'Union pour la Méditerranée, estime qu'au-delà de l'agenda négatif qui s'impose à nous (crise migratoire, terrorisme, conflits…), il y a un agenda positif également sur lequel il faut concentrer les efforts : notamment la jeunesse qui ne demande qu'à être soutenue. Pour conclure, nous vient à l'esprit le discours royal adressé au 28ème sommet des Chefs d'Etat et de gouvernements de l'Union africaine dans lequel le Roi Mohammed VI a appelé de ses vœux à une politique volontariste orientée vers la jeunesse qui canalisera l'énergie pour le développement, rappelant à juste titre que l'avenir de l'Afrique passe par sa jeunesse. Il a souligné d'ailleurs le gisement que constitue ce «dividende» : «Aujourd'hui, près de 600 millions d'Africains et d'Africaines sont des jeunes. En 2050, 400 millions d'Africains auront entre 15 et 24 ans. Cette progression souligne l'urgence d'orienter le dividende démographique vers l'émergence du continent». Ce qui passe par un traitement volontariste du triptyque «éducation, enseignement supérieur et formation professionnelle», avec une exigence élevée de qualité.