Mo Ibrahim Président de la Fondation Mo Ibrahim Comment vous est venue l'idée de créer votre index ? J'étais un entrepreneur œuvrant en Afrique dans le secteur des télécommunications et à ce titre, je voyageais souvent à travers le continent. J'ai la conviction que notre continent est un continent riche avec beaucoup de ressources, de terres arables et une population jeune. Ce qui me frappait, c'était la faiblesse de notre gestion de ces ressources, sans que je puisse trouver une bonne raison expliquant pourquoi en Afrique, en dehors des problèmes de gouvernance, nous ne sommes pas au niveau de développement auquel on devrait être. La gouvernance est importante. C'est la manière d'optimiser les ressources, de développer l'éducation, l'économie, la transparence, le recours aux lois, les droits de l'homme et la dignité. Autant de choses fondamentales qui nous ont décidés à nous focaliser sur cet aspect. Nous ne voulons pas attendre que des gens viennent de l'extérieur nous dicter notre conduite. Il revient à la société civile africaine et aux leaders du continent de travailler dans ce sens. Quelle est la nature des relations entre la société civile et la classe politique ? En réalité, dans certains pays où les partis politiques sont bannis ou harcelés, ces derniers créent des groupes de pression pour contrer les efforts du gouvernement qui, à son tour, s'en prend à ses groupes issus de la société civile sans distinction. Inutile de dire que cette spirale est tout sauf vertueuse. Nous devons permettre à la société civile de se développer parce qu'elle forme l'un des piliers majeurs des sociétés civilisées. Elle peut être critique, de manière constructive. Nous sommes rassemblés ici pour parler de gouvernance. Quelle est selon vous la différence entre les relations internationales telles que nous les connaissons et cette tentative de gouvernance mondiale ? La gouvernance des relations internationales est illimitée, parce que toutes les institutions internationales, que ce soit l'ONU, la Banque mondiale, le FMI ou d'autres, sont nées il y a une soixantaine d'années et représentent la réalité du moment suivant la Seconde Guerre mondiale. Il s'agit d'un ensemble d'organisations mises sur pied par les pays victorieux de la guerre. A l'époque, elles étaient en phase avec la réalité économique en cours. Soixante ans plus tard, le monde a changé, mais pas ces institutions. Nous avons donc un grave problème. Que ce soit les Nations Unies et leur Conseil de Sécurité qui doivent être profondément réformés ou la Banque mondiale dont le fonctionnement et la structure doivent être revus. Bien qu'ils se soient développés durant ces dernières années, il reste le problème de leur gestion, des droits de vote… qui doivent être repensés. Le problème est que toutes les forces, les puissances vieillissantes, ne sont naturellement pas intéressées par ces changements. Ce sont logiquement les puissances émergentes qui sont demandeuses de ce changement qui est largement nécessaire. A quoi servent le G20, le G8 et autres, sinon à pallier les déficiences des anciennes institutions internationales ? Que pensez-vous de la présence chinoise en Afrique ? Lorsque, aux Etats-Unis, on me met en garde contre l'invasion supposée des Chinois, je réponds simplement : « Dans n'importe quel magasin Wal-Mart, je vous mets au défi de trouver un produit qui ne soit pas fabriqué en Chine. Alors, pourquoi ce serait bien pour les Etats-Unis d'être le premier partenaire économique de la Chine et pas pour l'Afrique ? Le négoce est le bienvenu, mais à la condition qu'il se fasse sur des bases saines et sur la transparence. C'est vital. Sur un plan plus pratique, qu'est-ce qui vous a décidé, malgré votre emploi du temps surchargé, à venir à la troisième édition de la World Policy Conference ? Vous venez de publier votre index, dont nous avons discuté dans une précédente édition, pourrions-nous parler du prix de la Fondation Mo Ibrahim ? Lorsque nous avons lancé le prix, nous avons prévenu qu'il y aurait des années sans lauréat. Il faut insister sur le fait qu'il s'agit d'un prix d'excellence et non pas une pension de retraite. Un journaliste de la BBC m'a demandé, le jour de l'annonce, si cela signifiait que cette année, il n'y avait pas de bons leaders en Afrique. Je lui ai répondu que j'étais prêt à attribuer le prix à un leader européen qui se serait retiré de la vie politique dans les trois années écoulées et qui aurait contribué à changer fondamentalement les choses dans son pays. Le journaliste en question s'est mis à rire. La somme qui n'a pas été attribuée cette année va servir à créer des bourses pour des femmes et des hommes autour de la trentaine-quarantaine qui seront coachés pendant un an, directement par Donald Kaberuka, le président de la Banque africaine de développement, par Pascal Lamy, le directeur général de l' Organisation mondiale du commerce, et par Abdellah Jany. Ce programme de 10 ans permettra chaque année aux lauréats d'être formés pour devenir des leaders potentiels du continent. L'annonce officielle de ce programme sera faite le mois prochain à l'Ile Maurice. Sur 10 ans, nous comptons donc former 30 leaders africains pour l'Afrique. C'est très important. Parlons du Soudan et du référendum de janvier prochain… Ce qui arrive au Soudan est de la responsabilité des Soudanais eux-mêmes. C'est le résultat d'une mauvaise gestion du pays par tous les partis politiques et par le parti au pouvoir qui n'ont jamais eu de vision à long terme. Ce pays a une population diverse et nous avions la possibilité de les garder tous sous le même drapeau. Les dirigeants et beaucoup de Soudanais le considèrent davantage comme une franchise que comme leur pays. Si les dirigeants actuels avaient une vision à long terme, pourquoi n'offrent-ils pas la présidence à un Soudanais du sud ? Depuis toujours, le pouvoir est entre les mains des mêmes à Khartoum. Or il faut le partager et impliquer toutes les régions. Nous sommes en train de récolter ce que nous avons semé et nos dirigeants doivent avoir le courage d'avouer leurs erreurs. Malheureusement, l'avenir me semble sombre. La partition aura lieu, parce que les gens du sud ne sont pas contents de la situation actuelle sans que rien ne soit fait pour la rétablir. La séparation sera tragique et triste, elle va créer plusieurs problèmes. Que va-t-il arriver aux gens du nord qui habitent dans le sud et vice-versa ? Tout cela est la faute du gouvernement actuel. En conclusion, comment voyez-vous l'avenir du monde et de l'Afrique en particulier ? L'Afrique avance et au fur et à mesure que la démocratie, la transparence et la gouvernance avancent, que la corruption recule. Nous avons une place. Nous avons eu les tigres d'Asie. Maintenant nous attendons les lions d'Afrique. L'Afrique est un continent d'avenir. Mo Ibrahim Un expert au service du développement africain Né en 1946, Mo Ibrahim est le président de la Fondation éponyme Mo Ibrahim Foundation, une institution ayant pour but d'investir exclusivement en Afrique. Il est expert international dans le secteur des télécommunications et a mené une brillante carrière universitaire et entrepreneuriale. D'origine soudanaise, il est le fondateur de la société africaine de télécommunications Celtel International, l'une des plus grandes entreprises africaines. En 1998, il a créé MSI Cellular Investments, renommée par la suite Celtel International. La société opère aujourd'hui sous licence dans 15 pays africains, couvrant plus du tiers de la population du continent. L'entreprise a investi plus de 750 millions de dollars US en Afrique, favorisant l'apport des bénéfices de la communication mobile à des millions de personnes en Afrique. Après la vente de Celtel, il met en place un fonds de 100 millions de dollars. Le prix Mo Ibrahim vise à récompenser un ancien chef d'Etat africain, qui a quitté le pouvoir depuis moins de trois ans, pour sa «bonne gouvernance». C'est l'ancien président du Mozambique, Joachim Chissano, qui s'est vu décerner le premier prix en 2007, doté de 5 millions de dollars et récompensant la bonne gouvernance en Afrique. Dr Ibrahim est ingénieur électricien, diplômé de l'université d'Alexandrie (Egypte). Il est également titulaire d'une maîtrise en électronique et ingénierie électrique de l'université de Bradford (Angleterre) et d'un doctorat en communication mobile de l'université de Birmingham (Angleterre). Mo Ibrahim est membre du Conseil de surveillance régional pour l'Afrique de la London Business School. Indice Ibrahim Evaluer la gouvernance des Etats d'Afrique Le premier objectif de l'Indice Ibrahim, créé par la Fondation Mo Ibrahim, est d'être le premier instrument d'évaluation de la gouvernance en Afrique permettant aux citoyens, aux pouvoirs publics et aux différents partenaires du continent d'en évaluer les progrès. En tant qu'instrument, il permettrait de faciliter un débat constructif sur les problématiques de gouvernance et d'établir un cadre d'évaluation de la gouvernance basé sur les prestations des pouvoirs publics. La Fondation Mo Ibrahim attache une importance majeure aux partenariats avec des institutions du continent, et au développement de leurs capacités de recherche. L'Indice Ibrahim est actuellement compilé en partenariat avec un Conseil consultatif et un Comité technique comprenant des experts de plusieurs institutions africaines. Ces partenariats s'inscrivent dans le cadre de la volonté de la Fondation d'ancrer l'appropriation africaine des problématiques de gouvernance et d'améliorer la qualité et la disponibilité des statistiques en Afrique. Pour 2010, l'Indice Ibrahim a intégré de nouveaux indicateurs dans les domaines de la santé publique et du sida, l'eau et l'assainissement, la recherche statistique et la parité entre genres. Mo Ibrahim Un expert au service du développement africain Né en 1946, Mo Ibrahim est le président de la Fondation éponyme Mo Ibrahim Foundation, une institution ayant pour but d'investir exclusivement en Afrique. Il est expert international dans le secteur des télécommunications et a mené une brillante carrière universitaire et entrepreneuriale. D'origine soudanaise, il est le fondateur de la société africaine de télécommunications Celtel International, l'une des plus grandes entreprises africaines. En 1998, il a créé MSI Cellular Investments, renommée par la suite Celtel International. La société opère aujourd'hui sous licence dans 15 pays africains, couvrant plus du tiers de la population du continent. L'entreprise a investi plus de 750 millions de dollars US en Afrique, favorisant l'apport des bénéfices de la communication mobile à des millions de personnes en Afrique. Après la vente de Celtel, il met en place un fonds de 100 millions de dollars. Le prix Mo Ibrahim vise à récompenser un ancien chef d'Etat africain, qui a quitté le pouvoir depuis moins de trois ans, pour sa «bonne gouvernance». C'est l'ancien président du Mozambique, Joachim Chissano, qui s'est vu décerner le premier prix en 2007, doté de 5 millions de dollars et récompensant la bonne gouvernance en Afrique. Dr Ibrahim est ingénieur électricien, diplômé de l'université d'Alexandrie (Egypte). Il est également titulaire d'une maîtrise en électronique et ingénierie électrique de l'université de Bradford (Angleterre) et d'un doctorat en communication mobile de l'université de Birmingham (Angleterre). Mo Ibrahim est membre du Conseil de surveillance régional pour l'Afrique de la London Business School. Indice Ibrahim Evaluer la gouvernance des Etats d'Afrique Le premier objectif de l'Indice Ibrahim, créé par la Fondation Mo Ibrahim, est d'être le premier instrument d'évaluation de la gouvernance en Afrique permettant aux citoyens, aux pouvoirs publics et aux différents partenaires du continent d'en évaluer les progrès. En tant qu'instrument, il permettrait de faciliter un débat constructif sur les problématiques de gouvernance et d'établir un cadre d'évaluation de la gouvernance basé sur les prestations des pouvoirs publics. La Fondation Mo Ibrahim attache une importance majeure aux partenariats avec des institutions du continent, et au développement de leurs capacités de recherche. L'Indice Ibrahim est actuellement compilé en partenariat avec un Conseil consultatif et un Comité technique comprenant des experts de plusieurs institutions africaines. Ces partenariats s'inscrivent dans le cadre de la volonté de la Fondation d'ancrer l'appropriation africaine des problématiques de gouvernance et d'améliorer la qualité et la disponibilité des statistiques en Afrique. Pour 2010, l'Indice Ibrahim a intégré de nouveaux indicateurs dans les domaines de la santé publique et du sida, l'eau et l'assainissement, la recherche statistique et la parité entre genres.