Accumulation de positions dans l'optique d'un marché interbancaire de devises plus autonome. Bank Al-Maghrib veut laisser le marché s'autoréguler.
Bank Al-Maghrib a servi 9 fois plus de devises durant le premier trimestre de cette année qu'au premier trimestre de 2016. Sur le marché de change, les dernières données disponibles indiquent une hausse des ventes de devises de Bank Al-Maghrib aux banques s'établissant à 1,8 milliard de dirhams en moyenne mensuelle au cours du premier trimestre 2017, un chiffre bien élevé par rapport aux 188 millions de dirhams durant la même période de l'année précédente. Pourquoi une telle ruée de la part des banques ? A quoi jouent nos cambistes ? Actuellement, les Traders des salles de marché marocaines, dans leur activité de Market Making avec leur clientèle, recensent les besoins en devises et les couvrent, soit avec leurs stocks de devises, soit en se finançant auprès de Bank Al-Maghrib. Les banques peuvent également se prêter entre elles des devises. Mais, Bank Al-Maghrib, en prêteur de dernier recours offre de la liquidité constamment sur ce marché. Après la réforme du change, la donne va...changer. Autorégulation et autonomie Comme sur le marché interbancaire "classique" et bientôt sur le marché interbancaire participatif, BAM souhaite laisser le marché interbancaire de devises se réguler par lui-même et n'intervenir qu'en dernier recours. Finie l'époque où BAM assure la liquidité sur ce marché. En procédant de la sorte, la Banque centrale cherche chaque fois à pousser les opérateurs à développer leurs propres outils, à être indépendants et résilients. Sur le marché interbancaire "classique", les banques se prêtent entre elles chaque jour, se refinancent et optimisent leurs ressources pour rentabiliser leur activité de crédit. Mais concernant les devises, les banques ont pour l'instant une approche unilatérale avec leurs clients d'une part, et la Banque centrale, d'autre part, comme expliqué plus haut. Les mouvements entre banques sont très limités, étant donné que BAM est là pour arroser en cas de besoin. Lorsque le Dirham sera libéralisé, Bank Al-Maghrib se contentera au départ de fixer des seuils de variation qui, à leur approche, provoquent une intervention systématique de sa part. Mais tant que les bornes ne sont pas atteintes, qu'il n'y a pas de pression importante sur le cours du Dirham face aux autres devises, le marché devra s'autoréguler. Une approche en entonnoir Mounir Razki, responsable de la Direction des opérations monétaires et des changes au sein de Bank Al-Maghrib , nous expliquait le 13 février dernier, lors d'un atelier organisé en partenariat avec le ministère des Finances et l'Office des changes pour former la presse à cette réforme, qu'au début, Bank Al-Maghrib allait continuer à intervenir quotidiennement en alimentant les opérateurs en devises. L'objectif est de permettre une transition en douceur et sans volatilité pour rassurer les opérateurs pendant le passage d'un régime de change à l'autre. Dans une deuxième phase, la Banque centrale va limiter ses interventions à plus ou moins une seule adjudication par semaine et dans une seule devise qui sera sûrement le Dollar. Les banques qui souhaiteront se refinancer auprès de la Banque centrale en dehors de ces échéances, pour des opérations ponctuelles, pourront le faire mais à des prix prohibitifs pour ne pas en faire une habitude. Cette approche en entonnoir permettra petit à petit au marché de gagner en maturité.
...Mais les banques anticipent Concrètement, les banques devront la majorité du temps se refinancer entre elles en devises, ce qui signera la naissance d'un marché interbancaire en devises au Maroc avec tout ce que cela implique en termes d'anticipations, de pricing et de gestion des risques. Les volumes sur ce marché seront en théorie proportionnels aux besoins de l'économie réelle dans le cadre de l'import/export, des transferts de devises, de dividendes sortants ou entrants etc...mais théoriquement seulement car rien n'empêche le développement d'une activité secondaire spéculative. C'est d'ailleurs ce que dénonce le Wali de Bank Al-Maghrib. Les acteurs qui cherchent une position dominante sur ce marché doivent dès maintenant constituer leurs stocks, ce qui nous amène à la question de l'article : A quoi jouent les cambistes ? Pour être maitre de leur destins, les banques devront "se gaver" au maximum en devises pour pouvoir les coter comme elles le souhaitent. "Les banques qui n'auront pas fait cet effort au départ seront obligées de payer des spreads plus élevés ensuite", nous explique une opératrice de marché. Pour cause, le Dirham est difficilement cessible ailleurs qu'au Maroc et lorsque l'on sait que la Banque centrale sera moins présente sur ce marché, il faut dès lors s'attendre à une prime à la liquidité qui sera empochée par ceux qui constituent des stocks en ce moment. Les autres subiront cette prime. C'est ce qui explique cette "course à l'armement" dénoncée par Jouahri. Car derrière, elle fragilise la capacité de la Banque centrale a réagir en cas de choc sur la monnaie. Sur ce marché (re)naissant, ce sont les banques qui peuvent coter le plus de devises, en quantités suffisantes, qui prendront des parts de marché et pourront diriger les prix. La guerre est semble-t-il lancée.