Le système de change actuel fait que Bank Al-Maghrib satisfait l'ensemble des besoins en devises des opérateurs, sans limite et sans aucun ajustement sur les prix. En plus de cela, le Dirham dispose d'une petite marge de fluctuation de 0,3% à la hausse comme à la baisse, il évolue donc actuellement dans un corridor de 0,6% au niveau duquel la Banque centrale intervient pour acheter ou céder la devise. Depuis lundi, le corridor a été élargi à 5%, soit une bande de fluctuation de (-/+ 2,5%). Actuellement, les traders des salles de marché marocaines font majoritairement du market making avec leur clientèle : Ils recensent leurs besoins en devises et les couvrent, soit avec leurs stocks de devises, soit en se finançant auprès de Bank Al-Maghrib. Les salles de marché peuvent également structurer des produits de couverture contre le risque de change pour la clientèle et font du trading, pour leur compte, sur le marché de change. Mais cette dernière activité porte sur des volumes faibles par rapport aux volumes réalisés dans l'activité de teneur de marché ou market maker. La donne va désormais changer. Contrairement à une idée reçue et très véhiculée dans la presse, Bank Al-Maghrib n'est pas une maison conservatrice. Elle a une philosophie plutôt libérale qu'elle respecte dans tous ses domaines d'intervention, sans trop tomber dans l'extravagance et la démesure à l'occidentale : Elle préfère toujours laisser le marché se réguler par lui-même et n'intervenir qu'en dernier recours. C'est le cas sur le marché interbancaire et bientôt sur le marché interbancaire participatif, mais également sur ce que l'on peut appeler dès à présent le nouveau marché interbancaire marocain de devises. En procédant de la sorte, la Banque centrale cherche chaque fois à pousser les opérateurs à développer leurs propres outils, à être indépendants et résilients. Sur le marché interbancaire « classique », les banques se prêtent entre elles chaque jour, se refinancent et optimisent leurs ressources pour rentabiliser leur activité de crédit. Mais concernant les devises, les banques ont pour l'instant une approche unilatérale avec leurs clients d'une part, et la Banque centrale, d'autre part, comme expliqué plus haut en introduction. Les mouvements entre banques sont très limités, étant donné que BAM est là pour arroser en cas de besoin. Lorsque le Dirham sera libéralisé, Bank Al-Maghrib se contentera au départ de fixer des seuils de variation qui, à leur approche, provoquent une intervention systématique de sa part. Mais tant que les bornes ne sont pas atteintes, qu'il n'y a pas de pression importante sur le cours du Dirham face aux autres devises, le marché devra s'autoréguler. Une approche en entonnoir Selon Mounir Razki, responsable de la Direction des opérations monétaires et des changes au sein de Bank Al-Maghrib , lors d'un atelier organisé en partenariat avec le ministère des Finances et l'Office des changes, au début de la réforme, Bank Al-Maghrib allait continuer à intervenir quotidiennement en alimentant les opérateurs en devises. L'objectif est de permettre une transition en douceur et sans volatilité pour rassurer les opérateurs pendant le passage d'un régime de change à l'autre. Dans une deuxième phase, la Banque centrale va limiter ses interventions à plus ou moins une seule adjudication par semaine et dans une seule devise qui sera sûrement le Dollar. Les banques qui souhaiteront se refinancer auprès de la Banque centrale en dehors de ces échéances, pour des opérations ponctuelles, pourront le faire mais à des prix prohibitifs pour ne pas en faire une habitude. Cette approche en entonnoir permettra petit à petit au marché de s'autoréguler. Concrètement, les banques devront la majorité du temps se refinancer entre elles en devises, ce qui signera la naissance d'un marché interbancaire en devises au Maroc avec tout ce que cela implique en termes d'anticipations, de pricing et de gestion des risques. Les volumes sur ce marché seront en théorie proportionnels aux besoins de l'économie réelle dans le cadre de l'import/export, des transferts de devises, de dividendes sortants ou entrants etc… mais rien n'empêche le développement d'une activité secondaire spéculative. La libéralisation du Dirham est un chantier qui met réellement en avant le rôle du trader en devises dans l'activité de marché des banques. Un métier qui demande une bonne dose d'ingéniosité et d'anticipation, notamment pour bien valoriser le prix des devises et leurs évolutions futures. Finalement, la Banque centrale par le biais d'opérations ponctuelles servira à titre exceptionnel les établissements bancaires en cas de nécessité absolue à des taux élevés. De ce fait, les opérateurs apprendront à gérer leurs besoins en devises et, surtout, à se fournir les uns chez les autres pour ne pas faire de l'intervention de Bank Al-Maghrib une habitude. D'ailleurs, dans un communiqué publié dans la soirée du 12 janvier, Bank Al-Maghrib indique que « dans le cadre de ce nouveau régime, Bank Al-Maghrib continuera d'intervenir sur le marché des changes en vue d'assurer sa liquidité ». Et d'ajouter que « cette réforme est entamée dans des conditions favorables marquées par la solidité du secteur financier et la consolidation des fondamentaux macroéconomiques, notamment un niveau approprié des réserves de change et une inflation maîtrisée. Elle sera également soutenue par la poursuite des réformes structurelles et sectorielles ». La réforme du régime de change a pour objectif, toujours selon la banque centrale, « de renforcer la résilience de l'économie nationale aux chocs exogènes, de soutenir sa compétitivité et d'améliorer son niveau de croissance. Elle devrait accompagner les mutations structurelles qu'a connues l'économie marocaine durant ces dernières années, notamment en termes de diversification, d'ouverture et d'intégration dans l'économie mondiale ». Pour BAM, « la réforme du régime de change, qui consacre les progrès accomplis aux niveaux macroéconomique et des réformes structurelles et sectorielles engagées ainsi que le processus d'ouverture de notre économie sur l'extérieur, constitue un nouveau pas vers l'émergence de notre économie ». Boursenews.