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Marché de change : comment BAM intervient
Publié dans Finances news le 24 - 01 - 2018

Avant l'entrée en vigueur de la réforme, le système de change fonctionnait de manière à ce que Bank Al Maghrib satisfasse l'ensemble des besoins en devises des opérateurs, sans limite et sans aucun ajustement sur les prix. La donne a désormais changé. Le marché doit s'autoréguler.


Avant l'entrée en vigueur de la réforme, les traders des salles de marché marocaines faisaient majoritairement du market making avec leur clientèle : ils recensaient leurs besoins en devises et les couvraient, soit avec leurs stocks de devises, soit en se finançant auprès de Bank Al-Maghrib.
Les salles de marché peuvent également structurer des produits de couverture contre le risque de change pour la clientèle faire du trading, pour leur compte, sur le marché de change. Mais cette dernière activité porte sur des volumes faibles par rapport aux volumes réalisés dans l'activité de teneur de marché ou market maker.
La donne va désormais changer. Contrairement à une idée reçue et très véhiculée, Bank Al-Maghrib n'est pas une maison conservatrice. Elle a une philosophie plutôt libérale qu'elle respecte dans tous ses domaines d'intervention, sans trop tomber dans l'extravagance et la démesure à l'occidentale : elle préfère toujours laisser le marché se réguler par lui-même et n'intervenir qu'en dernier recours. C'est le cas sur le marché interbancaire et bientôt sur le marché interbancaire participatif, mais également sur ce que l'on peut appeler dès à présent le nouveau marché interbancaire marocain de devises.
En procédant de la sorte, la Banque centrale cherche chaque fois à pousser les opérateurs à développer leurs propres outils, être indépendants et résilients. Sur le marché interbancaire «classique», les banques se prêtent entre elles chaque jour, se refinancent et optimisent leurs ressources pour rentabiliser leur activité de crédit.
Mais concernant les devises, les banques ont pour l'instant une approche unilatérale avec leurs clients d'une part, et la Banque centrale, d'autre part. Les mouvements entre banques sont très limités, étant donné que BAM est là pour arroser en cas de besoin.
Maintenant que la réforme est entrée en vigueur, Bank Al-Maghrib se contentera au départ de fixer des seuils de variation qui, à leur approche, provoquent une intervention systématique de sa part.
Mais tant que les bornes ne sont pas atteintes, qu'il n'y a pas de pression importante sur le cours du Dirham face aux autres devises, le marché devra s'autoréguler. C'est d'ailleurs ce qui s'est passé lors de la toute première séance post-réforme où le marché a ouvert proche de la borne haute pour rester stable tout au long de la journée.

Une approche en entonnoir

Mounir Razki, responsable de la Direction des opérations monétaires et des changes au sein de Bank Al-Maghrib, nous expliquait, lors d'un atelier organisé en partenariat avec le ministère des Finances et l'Office des changes, qu'au début de la réforme, Bank Al-Maghrib allait continuer à intervenir quotidiennement en alimentant les opérateurs en devises. L'objectif est de permettre une transition en douceur et sans volatilité pour rassurer les opérateurs pendant le passage d'un régime de change à l'autre.
D'ailleurs, lors de la première adjudication post-réforme, la Banque centrale a proposé 20 millions de dollars aux opérateurs qui n'en demandaient que 3,5 millions, selon des données Reuters. En opérant de la sorte, Bank Al-Maghrib cherche à réduire les craintes sur une éventuelle pénurie.
Dans une deuxième phase, la Banque centrale va limiter ses interventions à plus ou moins une seule adjudication par semaine, selon Razki, et ce dans une seule devise qui est le Dollar.
Les banques qui souhaiteront se refinancer auprès de la Banque centrale en dehors de ces échéances, pour des opérations ponctuelles, pourront le faire, mais à des prix prohibitifs pour ne pas en faire une habitude.
Cette approche en entonnoir permettra petit à petit au marché de s'autoréguler. Concrètement, les banques devront la majorité du temps se refinancer entre elles en devises, ce qui signera la naissance d'un marché interbancaire en devises au Maroc, avec tout ce que cela implique en termes d'anticipations, de pricing et de gestion des risques. Les volumes sur ce marché seront en théorie proportionnels aux besoins de l'économie réelle dans le cadre de l'import/export, des transferts de devises, de dividendes sortants ou entrants etc., mais rien n'empêche le développement d'une activité secondaire spéculative.
La libéralisation du Dirham est un chantier qui met réellement en avant le rôle du trader en devises dans l'activité de marché des banques. Un métier qui demande une bonne dose d'ingéniosité et d'anticipation, notamment pour bien valoriser le prix des devises et leurs évolutions futures.
Finalement, la Banque centrale, par le biais d'opérations ponctuelles, servira à titre exceptionnel les établissements bancaires en cas de nécessité absolue à des taux élevés. De ce fait, les opérateurs apprendront à gérer leurs besoins en devises et, surtout, à se fournir les uns chez les autres pour ne pas faire de l'intervention de BAM une habitude.


Flexibilité : Les analystes évoquent des effets psychologiques
Pour les analystes d'Attijari Global Reaserch (AGR), l'entrée en vigueur des nouvelles modalités du régime de change ne pourrait être sans impact sur les marchés financiers. En effet, pour eux, «cette décision attendue depuis plusieurs mois déjà n'est que la première étape d'un processus à long terme de libéralisation progressive du système de change marocain». Dans ces conditions, il s'avère plus pertinent d'analyser dans la durée l'évolution du Dirham pour en tirer les bonnes conclusions.
Toutefois, les analystes d'AGR pensent que les anticipations des investisseurs, à l'issue du démarrage du processus de flexibilisation du Dirham, impacteraient leur aversion au risque et de facto leurs choix d'investissement. Selon eux, deux grandes tendances pourraient se dessiner en 2018 : une légère inflexion haussière de la courbe des taux suite à un manque de visibilité des investisseurs à horizon moyen long terme et un renforcement de l'intérêt pour les secteurs résilients ayant une capacité à offrir des rendements de dividendes durablement supérieurs au marché obligataire, soit un niveau supérieur à 4,0% sur un horizon moyen à long terme. L'objectif étant de se «couvrir» par rapport aux incertitudes que pourrait générer le démarrage du processus de flexibilité du Dirham.


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