Retour des privatisations. Un espoir pour rééquilibrer le budget. Sur la liste, point d'OCP encore moins de Royal Air Maroc. Le budget de l'Etat souffre d'un solde lourd à porter. La décision des pouvoirs publics de ne pas répercuter la flambée des prix des matières premières énergétique et alimentaire sur les prix locaux a creusé les charges de compensation. Par ailleurs, les résultats du dialogue social ont conduit à une injection de 15 Mds de DH dans les caisses de l'Etat qui, somme toute, s'élèvent à 45 Mds de DH. L'ensemble de ces éléments contribue fortement à l'agrandissement du déficit budjétaire. Dans le contexte actuel, une cession d'une partie du capital d'une société nationale aiderait à un rééquilibrage du budget étatique. Les autorités publiques ont ouvert le bal en privatisant l'une des sociétés figurant sur la liste des entreprises privatisables, la Société des Sels de Mohammedia. Cependant, aucune référence n'a été faite ni à l'égard de l'OCP ni à celui de la RAM. Pourtant, après la conclusion du partenariat stratégique entre la BCP et l'OCP et la valorisation du géant phosphatier à 100 Mds de DH, le marché se faisait l'écho d'une introduction en Bourse imminente du premier exportateur mondial de phosphates. Les responsables de l'entité avaient même assuré que l'ouverture du capital accorderait la priorité de prime abord au personnel et qu'elle se ferait dans le moyen terme. L'opération se fait toujours attendre, après que des rumeurs insistantes relatives tant à la part du capital social à «lâcher» au grand public, qu'au montant et timing de l'opération aient circulé. Néanmoins, l'économiste Driss Benali se veut ferme : «La privatisation de l'OCP est exclue des projets de l'Etat. C'est une opération stratégique qui peut lui coûter cher». Un potentiel intéressant L'OCP est historiquement le plus imposant groupe marocain à côté de Maroc Telecom (avant privatisation). Il détient le monopole dans l'extraction, la valorisation et la commercialisation du phosphate et des engrais chimiques. Se plaçant comme le 3ème producteur mondial de cette matière après les USA et la Russie, ses exportations concernent 95% de sa production et constituent la 2ème source d'entrées de devises pour le pays. Par ailleurs, 20 millions de minerais sont annuellement extraits des sites de Khouribga, Benguerir, Jorf Lasfar, Youssoufia et Boukraâ qui renferment plus des trois quart des réserves mondiales, soit près de 60 Mds de tonnes. La donne internationale est à prendre en compte également. Sur le marché des engrais, la part de l'OCP est de 12%, alors que sur le marché de la roche phosphatière, elle avoisine les 50%. Au terme de l'exercice 2009, les exportations globales de la nation ont totalisé 145 Mds de DH contre 113 Mds de DH une année auparavant. Les écoulements des phosphates et produits dérivés au-delà des frontières de la nation représentent 24% de l'ensemble des exportations du pays. La société dispose de bons fondamentaux, la production ayant généré un chiffre d'affaires à fin 2009 de 25 Mds de DH, en baisse de 58% par rapport à la même date de l'année précédente. Ce résultat n'est pas le fruit d'une contre-performance du groupe, mais découle de la réalisation pendant l'année 2008 de résultats exceptionnels grâce à la montée en flèche des prix mondiaux du phosphate. En comparaison avec une année normale, soit 2007, le chiffre d'affaires a affiché une baisse de 12,5%. Le résultat net du groupe s'est hissé à fin 2009 dans un trend baissier en raison des bas niveaux dans lesquels se sont fixés les cours de l'or blanc suite à la crise économique et financière mondiale. Il s'est établi à 12,6 Mds de DH contre 33,2 Mds à fin 2008 et 22,7 Mds de DH à fin 2007. Le maillon faible de la société est constitué des dettes de financement. Celles-ci représentent plus de la moitié des fonds propres, soit près de 60%. Du côté des investissements, l'OCP, fidèle à ses ambitions de croissance, a dressé une stratégie d'investissement sur l'horizon 2008-2012 qui s'élève à 37 Mds de DH. Celle-ci a mis l'accent sur une exploitation et un renforcement améliorés des capacités de production des sites. En effet, la politique de développement vise la construction de quatre nouvelles usines de production entre 2013 et 2015, le doublement de la capacité de production de la roche pour atteindre 50 millions de tonnes par an, la transformation du site de Jorf Lasfar en un hub international de la chimie des phosphates (Jorf Phosphate Hub), ainsi que l'adoption d'un nouveau mode de transport du minerai par pipe line. Le transfert par voie ferrée n'étant plus adapté aux besoins, cela permettra une réduction des charges et des coûts. La bonne tenue des activités du groupe conjuguée à la volonté tangible de ce dernier de développer ses moyens de production, d'une part, et la qualité de ses extractions, d'autre part, témoignent de la solidité du groupe et de sa capacité à attirer des investisseurs locaux et étrangers en cas d'une introduction en Bourse. C'est justement cela qui effraye le professeur Benali. Pour lui, «la privatisation de l'OCP serait une erreur grave de la part de l'Etat. On assistera prochainement à l'arrivée d'un opérateur saoudien sur le marché ayant découvert des gisements inexploités de phosphates et son but serait de mettre la main sur l'OCP». «La privatisation de l'OCP équivaudrait à leur offrir un plat en or», conclut-il avec dédain. Le professeur argumente ses déclarations en rappelant la place prépondérante que tient l'Office en tant que source impérissable de rentrées de devises. «L'OCP a joué un rôle essentiel pour combler le déficit de l'Etat dans les années 80», précise Benali. Evoquant le cas de RAM, Benali est moins sceptique. Le secteur aéronautique n'est pas source de rentrées d'argent par excellence pour le Maroc. D'un autre côté, dans les pays développés, les compagnies aériennes sont dans leur globalité privatisées. Le Maroc, en prenant la décision d'ouvrir le capital de la compagnie nationale entrerait alors davantage dans «une logique libérale». Finalement, Benali ne manque pas de constater que, de toutes façons, le monde est en ébullition. La conjoncture actuelle, le marasme qui sévit dans tous les marchés de par le monde et la situation politique et sociale poussent le monde à «adopter la politique du wait and see et la Bourse aussi. La stagnation du marché trouve son origine dans des raisons politiques et non à cause du manque de privatisations», finit-il par assurer.