La forte croissance des économies émergentes fera grimper les prix de l'ensemble des matières premières en 2011, et ce malgré la faiblesse des économies développées. Les responsables rassurent, mais le pire est à craindre en cas de poursuite de cette hausse. Une détérioration du déficit commercial est envisageable. A peine entamée, l'année 2011 commence avec son lot de mauvaises surprises avec la hausse des cours du baril de pétrole et des matières premières sur le marché mondial. Des hausses qui, qu'on le veuille ou pas, se répercuteront certainement sur notre économie. Cette hausse des cours se veut une suite logique d'une montée en puissance de certaines économies émergentes (Chine, Inde…) et de l'ampleur des catastrophes naturelles qui, souvent, entraînent dans leur sillage une forte demande en énergie dans la plupart des contrées. «La forte croissance des économies émergentes fera grimper les prix de l'ensemble des matières premières en 2011, et ce malgré la faiblesse des économies développées», estimait Sabine Schels, stratège en matières premières. Effectivement, l'ensemble de ces matières sera affecté par ces évènements et suivra donc un trend haussier. Des métaux que l'on évoque rarement en temps de hausse font désormais partie de la liste. On peut citer le cuivre dont les cours ont atteint de nouveaux records et dont la demande croissante des pays émergents, Chine en tête, devrait soutenir la hausse des prix de ce métal en 2011. De record en record, les cours du cuivre ont jusqu'ici gagné 28%. De l'avis d'un trader, tout dépend du billet vert. De lourdes pertes de la part du Dollar font monter les prix du cuivre et des autres matières premières. Le prix élevé de ce métal très utilisé dans l'électronique, le câblage et la construction, est principalement lié à la très forte demande chinoise. Comme un effet ondulatoire, cette avalanche ne serait pas exempte d'incidents pour une économie comme la nôtre, fortement dépendante de l'énergie fossile. Un scénario catastrophe Aujourd'hui, les responsables rassurent que cette hausse des prix des matières premières n'affecterait pas le pouvoir d'achat des citoyens et que les prix de certaines denrées de base continueraient à être subventionnés par la Caisse de compensation. Les émeutes en Tunisie et en Algérie sont une réaction à cette volatilité des prix des matières premières agricoles et qui s'est traduite par une détérioration du pouvoir d'achat. Dans un contexte hostile marqué par une hausse du chômage, les pouvoirs publics ne désirent pas qu'un tel scénario se produise au Maroc. Mais il faut dire que l'affaire serait très délicate. Dotée d'une enveloppe de 17 milliards de dirhams pour soutenir les produits de base, la Caisse risque de se trouver à court de fonds. Pis encore, la Caisse de compensation est redevable de 4 milliards de DH aux compagnies pétrolières et si les cours continuent de grimper, la facture pourrait, dans deux mois, passer à 7 Mds de DH. Cette situation ne fait que remuer le couteau dans la plaie. Elle confirme l'urgence d'une réforme de la Caisse de compensation qui continue de peser lourdement sur le budget de l'Etat. A noter que pour la période 2007-2010, la charge globale de compensation s'élève à près de 90 Mds de DH. Le problème est qu'il s'agit d'un système qui profite plus aux nantis qu'aux démunis. En vue de remédier à cette situation, le gouvernement a choisi une réforme progressive du système de compensation. Si on prend l'exemple des produits pétroliers, la structure des tarifs a été révisée. La suppression du coefficient d'exploitation a permis de mettre un frein aux marges supplémentaires dont bénéficiaient les sociétés importatrices. Le gouvernement a également essayé le ciblage des couches défavorisées par le biais de Tayssir. Un programme qui, selon les responsables, a pu atteindre les objectifs escomptés dans les régions pilotes ayant fait l'objet de l'expérience. Quid des répercussions directes ? En effet, cette hausse des matières premières ne se limite pas aux produits subventionnés, mais bien au-delà. Elle risque d'impacter lourdement la balance commerciale. Déjà, le Maroc est confronté à un déséquilibre chronique de sa balance, et ce malgré les efforts déployés par les pouvoirs publics. Il importe plus qu'il n'exporte et ses exportations demeurent dopées par les phosphates, sa principale ressource. Et donc cette hausse risque de mettre à rude épreuve notre balance commerciale qui dépend du marché international pour une bonne partie de ses approvisionnements en matières premières. D'après les dernières statistiques de l'Office des changes, au cours des onze premiers mois de l'année 2010, les importations de pétrole brut ont atteint, en valeur, 22,11 Mds de DH contre 14,63 Mds de DH, soit une progression de 51,1%. Cet alourdissement est dû essentiellement à la hausse des cours, étant donné que les achats n'ont évolué en volume que de 11,5%. Les approvisionnements en autres produits pétroliers se sont également accrus. Les importations de produits finis pourraient également augmenter en valeur au cas où la flambée des prix persiste. L'exemple du cuivre est révélateur. Au cas où les industriels impacteraient la hausse à l'international des intrants sur les produits finis, le Maroc importerait à un prix plus élevé. Et donc par ricochet, son déficit commercial ne ferait que s'aggraver. Une aggravation qui contaminerait certainement les autres pans de l'économie.