Malgré la conjoncture mondiale défavorable, les perspectives de croissance de l'économie marocaine sont fortes, même si le gouvernement révise légèrement à la baisse ses prévisions de croissance et table sur un taux d'inflation supérieur aux dernières prévisions. Le 3 juin dernier, le ministre de l'Economie et des Finances, Salaheddine Mezouar, a déclaré que le gouvernement prévoyait une croissance de 6,2% contre 6,8% initialement prévu. Malgré ce glissement, il a salué le taux de croissance attendu comme étant «un véritable exploit étant donné les circonstances», a-t-il indiqué à la presse internationale. Les circonstances auxquelles M. Mezouar a fait allusion conjuguent le faible taux de croissance enregistré en 2007 et la détérioration de la conjoncture internationale. En effet, l'année dernière, suite à une mauvaise campagne agricole, le taux de croissance économique marocain n'a pas dépassé les 2,2%. Par conséquent, une remontée à hauteur de 6,2% s'avère remarquable étant donné que les principaux marchés d'Europe occidentale vers lesquels sont destinées les exportations marocaines sont confrontés à un ralentissement de croissance et sont de surcroît susceptibles de connaître une hausse des taux d'intérêt de manière à prévenir le retour des pressions inflationnistes. Le ralentissement de l'activité économique affecte tout particulièrement l'Espagne et l'Italie, pays voisins méditerranéens et principaux partenaires commerciaux du Maroc, alors que le marché immobilier du premier est en perte de vitesse et que le deuxième souffre d'une stagnation économique inquiétante. Malgré tout, dans l'ensemble, les exportations marocaines continuent de croître. Elles ont augmenté de 13% à l'issue des cinq premiers mois de cette année, bien au-delà des 7,5% initialement prévus. Malgré cette révision à la baisse des perspectives de croissance, le gouvernement a relevé ses prévisions d'inflation, qui se situera entre 2,7 et 2,9%, selon M. Mezouar, contre 2% initialement prévu. Étant donné les prévisions de croissance économique et l'accélération de l'inflation à l'échelle mondiale, un taux inférieur à 3% s'avèrerait somme toute impressionnant, et ferait honneur à la réputation de probité et de droiture fiscale du Maroc. Au plan international, et en particulier dans tout pays émergent comme le Maroc, l'inflation est tirée par la flambée des cours du pétrole – atteignant 130 dollars le baril selon certains indicateurs – tandis que les prix des denrées alimentaires ont augmenté sous le coup des changements climatiques, des nouvelles tendances de la consommation dans les pays émergents, et de la substitution des cultures alimentaires par la production de biocarburants dans certaines parties d'Amérique du Nord et d'Europe. La hausse des prix des matériaux de construction, provoquée en partie par un boom de la construction en Chine, a renforcé la pression à la hausse sur les prix. Comme l'agriculture représente une part importante de l'économie marocaine, une campagne plus fructueuse cette année permettrait à la fois de booster la croissance et de désamorcer l'inflation. Par ailleurs, un don de 800 millions de dollars de la part de l'Arabie Saoudite et des Emirats Arabes Unis contribuera à renverser la vapeur inflationniste puisqu'il est destiné à atténuer l'impact de l'envolée des prix du pétrole. À l'issue du premier trimestre de cette année, le Maroc a importé pour 1,1 milliard de dollars de pétrole brut, soit une progression de plus de deux tiers comparativement à la même période de l'année 2007, une facture qui ne peut qu'en partie s'expliquer par la faiblesse du dollar. La générosité des pays arabes, qui jouent un rôle de plus en plus important dans les économies d'Afrique du Nord, aidera le Maroc à soutenir son budget. Malgré la hausse persistante du prix du baril importé et les conséquences de la hausse des salaires pour la fonction publique négociée en début d'année avec les syndicats, le gouvernement maintient ses prévisions de déficit budgétaire inchangées à 3%. M. Mezouar a indiqué que l'augmentation des rentrées fiscales permettrait de compenser les dépenses supplémentaires et que, par conséquent, le gouvernement n'avait pas besoin d'avoir recours à l'emprunt international afin de rentrer dans ses comptes. «Les rentrées en termes de TVA et d'impôt sur les sociétés sont en hausse de 20%», a rapporté le ministre. «Nous sommes en mesure de respecter tous nos engagements en termes d'investissement et de financement. L'appel aux marchés internationaux n'a pas lieu d'être», a-t-il précisé. Les pays voisins offrent au Maroc de grands espoirs de débouchés en raison de leur fort potentiel de développement tandis que leurs propres exportations doperaient la concurrence sur le marché marocain, au profit des consommateurs. On observe un début de dégel dans leurs relations, mais force est de constater que le commerce entre pays maghrébins reste négligeable sur l'échiquier économique marocain. • Oxford Business Group (9 juin 2008)