L'Algérie continue de restreindre et de harceler les défenseurs des droits humains en dépit des engagements pris au niveau international, a déploré vendredi Mary Lawlor, rapporteur spéciale des Nations unies sur la situation des défenseurs des droits de l'homme, qui s'est dite «profondément consternée» par la persistance de la criminalisation des activités pacifiques. «Plus d'un an après ma visite en Algérie à la fin de 2023, je suis profondément déçue de constater que des défenseurs des droits humains, y compris certains que j'ai rencontrés, continuent d'être arrêtés arbitrairement, harcelés par la justice, intimidés et criminalisés en raison de leurs activités pacifiques», a déclaré Mme Lawlor dans un communiqué officiel, pointant l'usage abusif de dispositions pénales «formulées en termes vagues», telles que celles relatives à «la sécurité nationale.» Des cas emblématiques de répression Parmi les situations les plus préoccupantes, la rapporteur spéciale a évoqué le cas de Merzoug Touati, journaliste indépendant et défenseur des droits humains, «victime de procès à répétition sur la base d'accusations fallacieuses depuis plusieurs années.» «Depuis 2024, il a été détenu à trois reprises. Il a été rapporté que, lors de sa dernière arrestation en août 2024, sa famille aurait été victime de mauvais traitements, et il aurait subi des tortures physiques et psychologiques durant sa garde à vue pendant cinq jours», a-t-elle souligné, précisant que M. Touati continue de faire l'objet de harcèlement judiciaire malgré sa libération. D'autres avocats et militants ne sont pas épargnés. Toufik Belala, avocat de renom, a été convoqué à plusieurs reprises pour des interrogatoires avant d'être accusé de «publication de fausses informations susceptibles de porter atteinte à la sécurité nationale», puis libéré sous contrôle judiciaire. Le cas de Soufiane Ouali, autre avocat défenseur des droits humains, illustre la brutalité des méthodes employées. Il a été «enlevé de son domicile lors d'une violente descente de police au lever du soleil en juillet 2024, et placé en détention avec 14 autres personnes, y compris le jeune lanceur d'alerte Yuba Manguellet.» Tous deux sont poursuivis sur la base de l'article 87 bis du Code pénal, une disposition antiterroriste qualifiée de «vague» et souvent détournée «pour réprimer la liberté d'expression, d'association et de réunion pacifique», selon Mme Lawlor. L'avocat Omar Boussag est lui poursuivi pour «incitation à un attroupement non armé» et «outrage à corps constitué», à la suite d'une simple publication sur les réseaux sociaux. Un climat d'intimidation généralisé La rapporteur spéciale a également dénoncé les entraves rencontrées par des organisations de la société civile, à l'instar du Collectif des familles de disparues, fondé durant la guerre civile des années 1990 pour faire la lumière sur les disparitions forcées. En 2024, le Collectif a été empêché à plusieurs reprises d'organiser des événements, «des contingents massifs de forces de police encerclant le siège de l'association à Alger.» «Il a été rapporté que les membres de l'association, dont beaucoup sont des mères de personnes disparues, ainsi que leur avocate, auraient été malmenés et sommés de quitter les lieux», a précisé Mme Lawlor. Le militant écologiste Karim Khima a, quant à lui, été poursuivi en justice pour avoir organisé des manifestations contre un projet de construction sur un site archéologique et pour la défense de l'écosystème du lac Mezaia. «Heureusement, il a finalement été acquitté», a noté l'experte. Un appel à l'Algérie pour respecter ses engagements internationaux «Je tiens à répéter que j'ai rencontré presque tous ces défenseurs des droits de l'homme», a insisté Mme Lawlor. «Aucun d'entre eux ne s'engageait de quelque manière que ce soit dans des actes de violence. Ils doivent tous être traités conformément au droit international des droits de l'homme, que l'Algérie est tenue de respecter.» Si l'experte a salué les échanges «constructifs» qu'elle a pu avoir avec des responsables algériens lors de sa visite, elle n'en demeure pas moins «doublement déçue de constater que les restrictions à l'encontre des défenseurs des droits de l'homme se poursuivent.» Mme Lawlor a indiqué être en contact avec les autorités algériennes au sujet de ces cas. L'Algérie, signataire de plusieurs conventions internationales relatives aux droits humains, est appelée à garantir un environnement sûr et propice à l'exercice des libertés fondamentales.