La Fédération de l'Energie plaide en faveur du développement d'une concertation sur la refondation de la compensation et des structures de prix en général. Le déficit de la Caisse de compensation risque de se creuser davantage. La journée du 28 avril 2005 restera, assurément, gravée dans l'histoire patronale au Maroc. Le siège de la primature était le théâtre d'un rappel à l'ordre, sans précédent, du monde patronal. Par contre, certaines fédérations se sont distinguées des autres par leur montée au créneau. Se démarquant des doléances habituelles des membres de la CGEM, certaines, non sans pragmatisme, se voulaient des forces de proposition. Ainsi, la démarche de la fédération de l'Energie, sous la présidence de My Abdallah Alaoui, a axé son intervention sur des problématiques d'actualité. Conscient que le secteur de l'Energie, depuis quelques années, entame sa mutation pour être en phase avec l'économie du marché, le président à rappelé les motivations profondes de sa fédération. «Notre secteur, grâce à des investissements très lourds et sur lesquels nous sommes discrets, est en train de s'adapter au monde de l'énergie qui change rapidement», a affirmé My Abdallah Alaoui. De ce fait, la fédération appelle à la maîtrise de la demande future de l'énergie et des conditions d'approvisionnement. C'est assurément un enjeu économique et politique majeur pour un pays qui, comme le Maroc, ne dispose pas encore de ressources fossiles. «Mais le temps de l'énergie est un temps long qui doit prendre en compte les intérêts de la région et les impératifs de la dimension internationale et d'interdépendance de l'énergie», a rappelé le président de la fédération. Les décisions en matière d'infrastructure déterminent la nature de la demande de l'énergie pour plusieurs générations. À titre d'exemple, un programme de production d'électricité, par exemple, se déroule sur une cinquantaine d'années. « Mais notre enthousiasme est quelque peu affecté par la hausse du prix du pétrole brut qui risque de s'opposer à la croissance de notre pays », tenait à signaler My Abdallah Alaoui. En effet, l'inquiétude est grande face à la flambée des cours du pétrole tant au niveau de la Banque centrale européenne que de la Banque mondiale ou du FMI. Le Fonds monétaire international estime même possible une hausse du cours du brut jusqu'à 100 dollars le baril. Les besoins grandissant en pétrole de la Chine et les limites de la production entretiendront en tous cas la volatilité des cours du pétrole jusqu'en 2030, prédit le FMI. Au Maroc, les effets sur l'économie vont vite se faire ressentir si l'Etat décide de répercuter les prix. Les hausses entraîneront inéluctablement une érosion de la compétitivité. « Si les hausses ne sont pas répercutées, c'est le budget qui en pâtira avec des coupes inévitables au niveau de l'investissement. Répercuter la hausse ou non, le choix est politique », a estimé le président de la Fédération. Les professionnels du secteur sont convaincus que le déficit de la caisse de compensation est appelé à se creuser davantage, si les décisions d'ajustement des prix ne sont pas opérées rapidement afin de neutraliser le déficit structurel. La trésorerie des sociétés est fortement dégradée car l'arriéré des remboursements de la Caisse aux sociétés de distribution serait déjà d'environ 2 milliards de dirhams avec une aggravation mensuelle estimée à plus de 400 millions de dirhams ; les arriérés de 2004 sont loin d'être soldés et la marge brute de structure (environ 4%) n'a ni les vocation ni les moyens pour financer ce déficit. La trésorerie des sociétés devra être réalisée dans les meilleurs délais et un planning de paiement devra être respecté à l'avenir. En effet, la structure des prix de la 2ème quinzaine d'avril révèle un déficit hors taxes de 142,44 dh par hectolitre pour le gasoil normal (137,18 dh pour le GO 350) et de 3.083,33 dh par tonne pour le butane en conditionné supérieur à 5 kg (le prix de vente au détail de 3.333,33 dh par tonne est très inférieur au prix de reprise hors taxes de 3.719,71 dh). Avec un baril de 45 à 50$ en moyenne sur l'année et un charbon qui augmente de 50% à la tonne, l'intervention théorique de la Caisse de compensation et le surcoût du coût du charbon environ 1,3 milliard de dhs, pris en charge par l'ONE et non répercuté, l'intervention de l'Etat, globalement, atteindrait 7,3 milliards de dhs selon ces hypothèses. Dans le détail, pour parfaite illustration, un propriétaire de voiture diesel de plus de 300.000 DH perçoit une somme variant entre 6.440 à 9.660 DH par an pour une distance parcourue entre 2.000 et 3.000 km par mois. En face le propriétaire d'une motocyclette, parcourant une moyenne de 25 km par jour, touche à peine 270 DH par an de chez la Caisse de compensation! «Le Conseil mondial de l'Energie recommande que le prix de l'énergie doit refléter son coût réel et s'il y'a lieu subventionner, il faut que la subvention soit strictement ciblée pour faire profiter seulement les entreprises performantes en vue d'améliorer leur compétitivité à l'export, le transport collectif et les ménages à revenu modeste pour ce qui est de la compensation du butane », estimait le président de la Fédération. Dans ce sens, la Fédération plaide en faveur du développement d'une concertation sur la refondation de la compensation et des structures de prix en général. La Fédération de l'Energie se dit aussi disposée, si tel est le souhait de l'Administration, à véhiculer les enjeux et les choix de politique énergétique pendant cette période de crise, «qui pourrait être salutaire parce qu'on aura développé des réflexions et des stratégies pour diminuer le poids du pétrole dans le panier énergétique», précisait Abdallah Alaoui.